Sidya Touré: «Ce serait anti-démocratique de prétendre que nous ne pourrons pas faire les élections législatives dans les délais prévus»

Le Président de l’Union des forces républicaines (UFR), Sidya Touré nous a accordé un entretien ce 14 Mars 2011, pour évoquer la problématique des législatives et le projet de reconstruction des Forces vives de la nation. Lisez !… AfricaLog.com: On ne vous entend plus depuis la proclamation des résultats du second tour…

Sidya Touré: Je suis-là, je m’occupe de mon parti. Je me préoccupe de sa restructuration et nous sommes à la reconquête de nos militants, après le deuxième tour. C’est un travail que nous sommes en train de faire sur le terrain. Je n’avais pas besoin de parler autour de tout cela. Mais, cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas toujours en action, que nous ne suivons pas l’évolution de la situation dans le pays.

D’aucuns affirment que « l’Alliance Cellou Dalein Président » a éclaté…

Il ne faut pas tout mélanger. Nous avons fait une alliance présidentielle qui s’appelle « Alliance Cellou Dalein Président ». Je ne vais pas passer ma vie à être dans une alliance qui ne porte même pas mon nom. L’UFR est allée à la présidentielle dans le cadre d’une alliance. Elle est finie ! Si nous devons faire de nouvelles alliances ou reprendre quelque chose aux législatives, nous reviendrons vers vous pour le dire. L’UFR reste l’Ufr. L’UFDG reste l’Ufdg. Cela n’a rien à voir avec un quelconque divorce.

Les législatives, c’est pour quand ?

Nous avons fini la présidentielle. Le président de la République a prêté serment le 21 décembre 2010. La Constitution guinéenne dit que six mois après, nous devons avoir les élections législatives. Je pense qu’il serait malsain de reprendre ce que nous avons fait au deuxième tour. C’est-à-dire faire les élections dans quatre mois au lieu de quatorze jours. La situation économique de ce pays est tellement désastreuse aujourd’hui qu’il serait bon de se conformer à cette prescription-là, pour obtenir les financements aussi importants que ceux de l’Union européenne, la banque européenne d’investissement et même les autres financements dans le cadre d’un consensus national. Les élections législatives permettent de passer ce cap et surtout d’avoir un interlocuteur privilégié pour contrôler la gestion de l’Exécutif. Nous pensons que les élections législatives doivent avoir lieu à bonne date, avec les listes électorales qui ont prévalu à l’élection présidentielle. Cela va de soi!

L’actuel ministre en charge des élections a récemment déclaré qu’il faut un nouveau fichier électoral pour les législatives. Qu’en dites-vous ?

Ils ont gagné les élections présidentielles avec cette liste. C’est qu’elle n’est pas aussi mauvaise que cela !

Une commission de l’Union européenne en séjour à Conakry, a parlé de recomposition de la Ceni…

La révision des listes électorales est quelque chose de parfaitement normal. Elle permet de sortir ceux qui sont décédés, de faire entrer ceux qui ont eu 18 ans. Cela est prévu par la loi électorale en Guinée. Mais faire un nouveau recensement, cela est une autre histoire. Ceci ne rentre pas dans le cadre de nos préoccupations parce que nous devons avoir des élections législatives dans le cadre de la finalisation de cette transition qui est toujours en cours. On ne peut pas, chaque fois qu’il y a des élections ici, essayer de trouver des arguments qui feront que nous allons dans le sens de quelque chose qui ne ressemble jamais à ce qu’on a fait la première fois. Les élections législatives doivent avoir lieu à bonne date.

Mais, le Président Alpha Condé a dit à Dixinn qu’il n’organisera pas les élections et les perdre. Il a gagné la présidentielle qu’il n’a pas organisée, ce n’est pas maintenant qu’il a toutes les cartes en main, qu’il va perdre une élection… N’est-ce pas une menace pour l’opposition?

Je ne vais pas faire de commentaires sur ces propos. Le Président Alpha Condé a gagné l’élection présidentielle, je ne vois pas pourquoi il ne va pas gagner les élections législatives.

Mais pourquoi, il n’est pas apparemment prêt ?

Allez lui poser la question !

Tout le monde parle de réconciliation nationale, de déchirure du tissu social, mais apparemment personne n’avance dans le sens de la réconciliation nationale. Qu’en pensez-vous ?

Attendons de voir ce que ce gouvernement va nous dire, pendant les cent jours qui sont prévus. Peut-être que qu’il aura de bonnes idées sur ces questions. Ne nous précipitons pas. Nous aurons l’occasion de débattre de tout cela. Pour le moment, je me préoccupe de l’organisation des élections législatives dans les délais prévus par la loi. Nous avons lancé l’idée de la remise en place des forces vives. Nous l’avons fait exprès en prélude aux élections législatives. Il faut que les Guinéens de tous bords : Arc-en-ciel ou autres, se prononcent sur la continuité de la situation actuelle. Nous ne pouvons pas rester dans une situation anormale par rapport à tout ce qu’on a vécu. Nous avons organisé l’élection présidentielle, les législatives complètent le processus démocratique en Guinée. Ce serait anti-démocratique de vouloir prétendre que nous ne pourrons pas faire les élections législatives dans les délais prévus. Quand on se bat longtemps pour l’avancée démocratique en Guinée, c’est pour en respecter les principes de base. Tout le monde s’accordera, dans le cadre des nouvelles forces vives, pour que l’élection ait lieu à bonne date. Si ce n’est pas le cas, nous aviserons.

On dit que l’opposition laisse faire sur le terrain, le parti au pouvoir…

Nous sortons des élections il n’y a pas encore trois mois, nous appelons ça période de grâce. Je pense qu’il ne faut pas se précipiter. Posons les vraies questions. La question la plus immédiate, la plus urgente aujourd’hui, c’est de consolider la démocratie dans notre pays, c’est l’organisation des élections législatives, le reste de débat, nous le verrons. On ne va pas laisser tomber les débats, nous allons les recommencer, c’est certain. Ce que je sais, l’UFR est sur le terrain et nous comptons faire beaucoup de choses.

Mais avant la fin de la période de grâce de trois mois, la population souffre. Etes-vous satisfait du niveau actuel de l’inflation?

Je crois qu’il y a des solutions qui sont en train de se faire jour, nous allons voir qu’est-ce que cela va donner. Est-ce qu’il faut étatiser l’économie ? Est-ce qu’il faut avoir les cartes de ravitaillement ? Il faut que cela donne les premières mesures. Ce qui nous amènera aux cent jours et on pourra en parler. Mais, je crois que même en Chine, cela n’existe plus.

Vous aimez faire lecture de la situation économique de la Guinée. Est-ce qu’au vu de la réalité actuelle, il y a espoir?

Je ne dis pas quelle est la politique que nous allons appliquer, c’est tout. L’espoir existe, hein ! J’ai lu des documents qui ont été produits par la dernière mission de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, la situation est désastreuse, nous la connaissons. C’est une inflation de plus de 25%, un déficit public de plus de 13% du PIB. Donc, cela entraîne automatiquement l’augmentation du prix sur le marché. Allez mettre ça sur le dos d’autres personnes, c’est vraiment ne pas lire le document économique qui est là, très clair. Une telle situation dans n’importe quel pays entraîne automatiquement l’augmentation des prix sur le marché. Je crois qu’il faut faire une bonne analyse de la situation et proposer des solutions et le faire de sorte que le consensus national soit préservé. C’est seulement dans ce cadre-là que nous nous en sortirons…

Mais on pense que les cambistes et les opérateurs économiques sont responsables de cette situation que le pays vit actuellement…

Moi, ce n’est pas ma lecture. Lors d’un débat, on parlera de ces questions-là, peut-être qu’ils apporteront leurs propositions. Mais bien légalement, je les ferai savoir. Je crois que cette situation émane de la gestion désastreuse qu’on a eue pendant ces dernières années, qui nous ont amené, comme l’a dit récemment la Banque mondiale, à 13 000 milliards de contrats signés, un déficit budgétaire de 13 %. Vous ne pouvez avoir ça dans aucun pays, et si vous ne prenez pas les mesures nécessaires, pour rassurer la population, pour donner une vision perspective de votre situation économique, ça ne peut que monnayer une inflation galopante. Parce que les gens ne sont pas rassurés, l’argent a peur du bruit. Plus vous en faites, moins vous envoyez.

Pensez-vous qu’il soit possible à présent de reconstituer les Forces vives ?

Écoutez… Qu’est-ce que vous appelez les Forces vives ? C’est oui, pourquoi pas ? Ce sont les partis politiques, les syndicats, la société civile, qui étaient-là qui posaient des problèmes sur l’évolution de la société guinéenne. Si la Transition n’est pas finie, on est obligé de parler des Forces vives. Quand on aura fait les élections législatives, on aura un gouvernement et une opposition. Mais pour le moment, ce n’est pas le cas. Donc, si nous acceptons d’être dans cette situation transitoire, il n’y a pas de raison que les Forces vives ne soient pas renouvelées pour débattre de cette situation, afin de finir la Transition. Vous avez encore un CNT ici. Et le T du CNT, c’est toujours Transition. Donc, on y est toujours.

L’UFR serait en train de faire du porte-à-porte à Conakry et à l’intérieur du pays…

Nous voyons nos militants. Je crois qu’il n’y a aucune loi qui interdit aux partis politiques d’aller contacter ses militants, pour qu’ils continuent à partager la même vision sur l’évolution de la situation de notre pays, et surtout sur les enjeux futurs qui sont les élections législatives. Nous travaillons dans ce cadre-là.

Vous auriez offert, au domicile de M. Cheick Amadou Camara, ancien ministre de l’Economie et des Finances, 100 millions de francs guinéens à la Coopérative des femmes de la Basse-Guinée. Certains y voient un repli de votre part sur votre ethnie…

Je n’ai jamais été un leader ethnique ! Mais je veux dire, si je suis ressortissant d’une région, je suis heureux de la représenter. Où est le mal ? Qu’elle soit la région la plus pauvre ou pas de la Guinée, ça ne change rien ! Je suis un ressortissant de cette région, j’y suis. Cela n’a rien à voir avec le débat politique.

 

Entretien réalisé par Mamadou Siré Diallo