Le Vice-président de l’Union des Forces démocratiques de Guinée, Bah Oury s’est prononcé suite à la sortie récente de Sidya Touré où l’opposant a dit qu’en « cas de second tour aux présidentielles opposant Cellou Dalein DIALLO et Alpha CONDE, l’UFR ne soutiendra pas le candidat de l’UFDG »…
Bah Oury estime que le rejet d’un soutien à Cellou Dalein DIALLO au second tour, est tacitement perçu comme un appel en faveur d’Alpha CONDE.
Nous vous proposons une déclaration de l’opposant en exile titré « séisme politique à Conakry », qui vient tout juste de nous parvenir.
SÉISME POLITIQUE A CONAKRY
La déclaration de M. Sidya TOURE, président de l’UFR à l’émission « les grandes gueules » de la radio Espace-Fm le lundi dernier officialisant « en cas de second tour aux présidentielles opposant Cellou Dalein DIALLO et Alpha CONDE, l’UFR ne soutiendra pas le candidat de l’UFDG » a provoqué un séisme politique à Conakry. Cette déclaration est lourde de conséquences pour l’avenir politique immédiat aussi bien de Sidya TOURE que celui de Cellou Dalein DIALLO.
Une rivalité entre deux ambitions
La rivalité entre les deux hommes a pris le dessus sur l’indispensable alliance stratégique entre les deux formations qu’ils président. Cette situation est un pain béni pour Alpha CONDE dans le cadre de la stratégie électorale en cours. En effet, à cinq mois de la date fixée pour le premier tour des présidentielles et sans attendre de savoir qu’elle sera la situation qui prévaudra à ce moment, le rejet d’un soutien à Cellou Dalein DIALLO au second tour, est tacitement perçu comme un appel en faveur d’Alpha CONDE. Ainsi une clarification s’impose au niveau des dirigeants de l’ensemble de l’opposition pour indiquer leur réel position vis-à-vis de la gouvernance d’Alpha CONDE. Cette interrogation est d’autant plus légitime, que cette nouvelle escalade du clivage entre Cellou Dalein et Sidya TOURE a été précédée par la publication de l’entretien compromettant entre Baïdy Aribot et une éminente personnalité du gouvernement. Alors, le risque d’un suicide politique collectif est tel que des cadres des deux partis se sont empressés de mettre en place un comité de médiation pour éteindre l’incendie. Cette initiative est à encourager pour éviter l’implosion de l’unité de l’opposition ; car les enjeux dépassent ces querelles d’ego :
L’unité de l’opposition, facteur du maintien de la cohésion nationale
La crise de leadership au sein de l’opposition fragilise encore davantage une cohésion nationale sérieusement malmenée par la gouvernance actuelle. Alpha CONDE a toujours bâti sa stratégie politique sur l’exploitation et les manipulations ethnocentriques. « Tous unis contre les peuls » est son credo. Pour lui peul = Opposition = UFDG.
La fracture actuelle ne pourra que faciliter la cristallisation de la stigmatisation contre les peuls. Sa récente déclaration à Kankan «la Guinée appartient aux Soussous, aux Forestiers et aux malinkés » excluant le groupe ethnique majoritaire du pays (45 % de la population) est une parfaite illustration de la volonté de marginalisation et d’exclusion de cette communauté. L’éloignement de l’UFR vis à vis de l’UFDG encouragera les fascistes au pouvoir de mettre en exécution leur « solution finale de la question peule ». Qu’on le veuille ou non, l’idéologie politique dominante au niveau de la génération des plus de 50 ans est celle léguée par le PDG de Sékou TOURE où l’ethno-stratégie, les violations massives des droits de l’homme et la négation des droits fondamentaux des citoyens sont érigés en système politique qu’il faut maintenir. Le slogan d’Alpha CONDE n’est-il pas de « ramener la Guinée, là où Sékou TOURE l’avait laissée » !
Une opposition divisée encourage Alpha CONDE à intensifier la répression
A l’aune de la durée au pouvoir, les lignes directrices du système politique du régime guinéen se sont éclaircies à travers une utilisation sélective des moyens de répression dans le territoire guinéen. En Guinée-Forestière , il s’agit de domestiquer les élites locales à l’aide d’une distribution de privilèges aux plus dociles, accompagner d’une répression brutale et violente de type coloniale contre les populations comme à Zogota où une dizaine de villageois furent sauvagement tués nuitamment par des agents des forces de l’ordre et à Wome où toute une sous-préfecture fut illégalement transformée en une zone militarisée. Au Foutah et dans les fiefs de l’UFDG, toute manifestation pacifique enregistre des victimes tuées par balles réelles tirées par les forces de l’ordre. En plus de cette répression visible, des bandes armées recrutées dans les milieux criminels sèment impunément la terreur dans les quartiers de Conakry notamment à Ratoma. Ces bandes procèdent à des assassinats ciblés pour éliminer des cadres administratifs et politiques qui dérangent. Ce sont le cas de Mme Aissatou BOIRO, Thierno Aliou DIAOUNE, le commissaire Pascal BANGOURA, le chef des motards de l’UFDG, Amadou Oury DIALLO pour ne citer que ceux-ci. Les révélations de la prison de Mohamed Junior alias CISSE alias DIALLO présenté comme le tueur de l’ancienne directrice du trésor, affirmant qu’il a été recruté par les bons soins d’Alpha CONDE pour « assurer la sécurité de Conakry » n’en sont que plus graves. En ce qui concerne la Basse-Côte, le régime allie la carotte et le bâton. Ici, il faut éviter l’utilisation des armes à feu. Il faut appliquer le « soft power » c’est-à-dire, acheter les consciences, distribuer des postes ministériels, et intimider les récalcitrants et les réfractaires. De là découlent la nomination de Kassory Fofana, et la mission confiée à Malick Sankhon du CRAC. Désormais cette politique sera systématiquement intensifiée pour dépeupler notamment les rangs de l’UFR et réduire ainsi politiquement Sidya TOUR. Pour cela, chouchouter dans un premier temps certains de leurs responsables en leur miroitant une possible participation au gouvernement ne coûte pas grand-chose aux stratèges du régime. Enfin en Haute-Guinée, le discours présidentiel est à double détente. Il distille un langage de peur « votre sécurité collective dépend de mon maintien au pouvoir, sinon attendez-vous à pire qu’en juillet 1985 ». Il se fait également le restaurateur de la fierté malinkée « Il a fallu que j’arrive au pouvoir, pour que les malinkés à Conakry osent parler leur langue ». Malgré cette boulimie à vouloir opposer les malinkés au reste de la communauté nationale, il est évident que plusieurs cadres du RPG sont exclus et marginalisés dans la gouvernance d’Alpha CONDE. Paradoxalement, ce sont les collaborateurs du Général Lansana CONTE qui sont les plus présents à la présidence. Un espace politique reste ainsi disponible pour Lansana KOUYATE et les rénovateurs potentiels du RPG. Alpha CONDE ne partage pas le pouvoir. Il en a une conception totalitaire et hyper-possessive et il ne recule devant rien pour assouvir son ambition despotique. Tant pis pour ceux qui se laisseront entraîner dans son sillage.
Que faut-il attendre d’un dialogue politique dans ce contexte de désunion ?
L’instruction donnée au Premier Ministre par Alpha CONDE d’ouvrir le « dialogue » entre la mouvance et l’opposition met totalement de côté la revendication minimale sur l’inversion du calendrier électoral entre les présidentielles et les communales. Selon l’ordre de jour gouvernemental, ce dialogue ne mettra pas en cause l’existence des délégations spéciales et recommandera seulement à la CENI de communiquer davantage avec tous les acteurs du processus électoral. Comment justifier une participation à un dialogue où les positions d’Alpha CONDE seront d’ores et déjà validées ? Aller dans ce sens, ce serait un véritable suicide politique. En effet, le volte-face des principaux responsables de l’opposition de renier la déclaration de Paris du 23 mars 2015 est déroutant et déconcertant.
Signer un texte qui stipule « Au regard des dérives constatées : M. Alpha CONDE perd toute légitimité pour présider encore aux destinées de la Guinée. Son maintien au pouvoir constituerait une grave menace pour la paix et l’unité de la Guinée et la stabilité de la sous-région », engager des manifestations populaires par la suite qui ont enregistrés six personnes tuées et rétropédaler enfin pour valider la stratégie gouvernementale sans la moindre inflexion jettent un profond trouble au niveau de l’opinion. Peut-il en être autrement ? Difficile ! L’acceptation de l’invitation d’Alpha CONDE par le chef de file de l’opposition a été une première brèche qui a facilité le jeu du pouvoir. Ensuite les différentes déclarations de responsables de l’opposition des plus accommodantes les unes que les autres à l’égard de « l’appel au dialogue politique » sont une capitulation pure et simple. Encore une fois, les responsables de l’opposition se sont tirés une balle au pied avant même que la course ne s’engage. Si cette attitude n’avait de conséquences que seulement sur leurs ambitions personnelles, alors le désastre ne serait pas grave. Malheureusement il s’agit du destin de tout un pays et de l’avenir de millions d’individus qui sont en jeu. Perte de crédibilité sur le plan international, méfiance et suspicion sur le plan interne, démoralisation des troupes de militants et désespérance du plus grand nombre sont l’aboutissement tragique des journées de manifestations où six personnes furent tuées et des dizaines d’autres condamnées. Beaucoup de personnes de tous les bords se sentent trahies. En allant siéger avec le gouvernement dans le cadre des instructions présidentielles, les responsables de l’opposition accordent ainsi une prime à l’impunité.
Le piège d’Alpha CONDE marque des points
Au regard de ces multiples va-et-vient, Alpha CONDE se frotte les mains. Son piège habilement ficelé a réussi à faire imploser l’unité des deux principaux dirigeants de l’opposition. Le statut de chef de file de l’opposition adopté à moins d’un an de la fin de son mandat a exacerbé la rivalité entre Cellou Dalein DIALLO et Sidya TOURE. Cette initiative n’a nullement pour objectif l’amélioration du climat politique par l’institutionnalisation d’un dialogue permanent exécutif-opposition, car elle n’a aucune justification dans le cadre d’un système présidentiel. En effet entre 2005-2006 au moment où le PUP, l’UPR et l’UPG siégeaient à l’Assemblée Nationale, les partis significatifs de l’opposition de cette période à savoir l’UFDG, le RPG et l’UFR étaient extra-parlementaires car ils avaient boycotté les législatives de 2002. Afin d’institutionnaliser les relations entre l’opposition au régime du Général CONTE et la mouvance présidentielle, une proposition de loi portant sur le statut de l’opposition fut négociée. Le statut protocolaire et institutionnel de chef de file de l’opposition décerné à Cellou Dalein DIALLO en présence du président HOLLANDE a été un moyen pour contrecarrer la proposition de l’UFR, d’une candidature unique de l’opposition aux prochaines présidentielles. Alpha CONDE montre ainsi une réelle capacité tactique pour diviser ses adversaires. Il réédite ainsi, sa prouesse d’avoir tout le temps réussi à exacerber la rivalité entre Siradiou DIALLO du PRP et BA Mamadou de l’UNR afin de les neutraliser et de les affaiblir. Sa tactique est toujours la même, exacerber les rivalités en opposant des ego surdimensionnés.
Quelles perspectives, alors pour le combat démocratique
Le processus électoral en cours augure d’une amplification de la crise politique: Le fichier électoral est totalement corrompu. L’enrôlement des écoliers mineurs à la demande expresse d’Alpha CONDE en Haute-Guinée en est une illustration concrète. La CENI est totalement inféodée au Chef de l’Exécutif guinéen. Les administrations territoriales et locales sont les appendices de l’Etat-Parti. La Cour Suprême et la Cour Constitutionnelle sont sous ordres. Dans ce contexte comme par le passé, les résultats sont dictés avant même que les élections ne soient organisées. Pendant ce temps, la crise sanitaire Ebola se maintient en faisant des ravages dans la zone économiquement stratégique de Kamsar -Sangarédi. Le niveau de pauvreté a atteint des niveaux insoutenables et le taux de croissance économique est pratiquement nul voire négatif. Alpha CONDE peut maîtriser et dicter sa volonté aux acteurs du processus électoral mais il ne pourra pas endiguer le flot des revendications populaires qui sont en attentes depuis très longtemps. Avec Alpha CONDE, la crise est devant nous et la Guinée est en danger.
Rénover l’action politique : La situation actuelle est un grand moment dans l’histoire politique de la Guinée car elle met en relief la nécessité impérieuse de rénover profondément l’engagement politique. Des réponses précises doivent être portées à la société guinéenne. Pourquoi sommes-nous en politique ? Notre engagement est-il motivé seulement par la recherche des honneurs pour soi ? A la lumière de son propre vécu, quelles sont les causes qu’on prétend défendre ? Quel projet démocratique propose-t-on ? Quels sont nos rapports avec la citoyenneté etc….Ce questionnement pour une identification plus fine du personnel politique est essentiel pour rompre la longue chaîne des dictateurs et des prédateurs qui se succèdent au pouvoir dans notre pays. Désormais il faut de plus en plus que les citoyens exigent de ceux qui prétendent les gouverner des qualités comme l’exemplarité, le sens de l’honneur et de la responsabilité, une conscience élevée de l’intérêt national et une haute moralité afin de réconcilier les guinéens avec la politique. Ces qualités humaines sont des viatiques pour faire émerger un leadership éclairé, compétent, totalement voué à la cause publique pour définir -et accompagner des véritables programmes de transformation sociale et économique de la Guinée. C’est possible et nous sommes condamnés à travailler dans ce sens. Le prochain congrès de l’UFDG pourrait y contribuer.
BAH Oury
Ancien Ministre de la Réconciliation Nationale
1er Vice-Président de l’UFDG