L’agriculture est la base du développement de pratiquement tous les pays L’exemple de la France des années 50 est instructif à cet égard…
Cette vérité, qui est presque de LA PALISSE maintenant est beaucoup plus facile à énoncer qu’à mettre en œuvre. Pour comprendre cela, voyons ce que nos dirigeants ont fait ou nous ont fait faire depuis plus de 50 ans, sans que notre pays ne soit capable de nourrir ses fils par sa production agricole. C’est forcément la résultante d’une mauvaise politique de développement rural.
C’est d’abord le régime du PDG de Sékou Touré qui a commencé les dérapages. Après avoir liquidé la fine fleur de notre agriculture moderne que constituaient les grands planteurs de bananes et d’ananas, il a tenté d’installer des coopératives villageoises pour la production et la commercialisation des produits agricoles. Le prétexte contre les planteurs était que c’était des bourgeois et surtout des anciens soutiens du BAG, parti de Barry Diawadou déjà dissous dans le PDG.
L’on se rappelle que notre pays a été premier producteur mondial de bananes. Jusqu’à nos jours les anciennes familles de planteurs aisés de Coyah et de Forécariah ne se sont pas relevées de ce désastre. Puis, le Staline subsaharien décida que le système éducatif va former désormais un grand nombre d’agronomes et créa à cet effet les CER (centre d’enseignement rural). Quand les critiques persistantes sous forme de rumeurs (il n y avait pas de presse libre à l’époque) lui parvinrent comme quoi ce sont les fils des pauvres qui sont envoyés dans les CER tandis que les autres allaient dans les lycées et même à l’étranger, Sékou décréta alors que tous les établissements d’enseignement sont dorénavant des CER. Bien entendu, rien n’a changé dans le fond mais pour lui ce qui est dit est fait. Il engagea ensuite une aventureuse politique agro-industrielle qui a donné naissance par exemple à l’usine de jus de fruits de Kankan, la conserverie de Mamou, l’usine textile de Sanoyah, l’huilerie de Dabola… censées transformer des produits de notre agriculture. C’était comme mettre la charrue avant les bœufs puisqu’aucune production suffisante n’existait pour approvisionner ces unités industrielles. Au début des années 70, une autre « idée lumineuse » du Responsable Suprême a été de créer des BMP ( brigades motorisées de production ) , des BAP ( brigades attelées de production) et des FAPA (fermes agro-pastorales d’arrondissement) qui ont entrainé une importation massive de tracteurs et autres engins agricoles remis au villageois .
Le manque d’entretien des engins,l’ absence de plaines aménagées et d’autres facteurs ont fait échouer cette politique et très vite les tracteurs en état de marche sont devenus des taxis- brousse transportant les villageois se rendant dans les marchés forains. En 1975, les idéologues du régime tels que Mamadi Keïta, Galéma et surtout Béhanzin pour qui la Guinée était un grand laboratoire grandeur nature pour leurs idées de gauche ont inventé le concept d’université à la CAMPAGNE. Pendant un an les universités étaient fermées et les étudiants étaient dans les villages .Pour ces idéologues,les étudiants en campagne raffermiraient leur formation idéologique et contribueraient à faire fonctionner les différentes brigades dont on a parlé plus haut. Le principal résultat de cette démarche est que l’étudiant a compris et vu le gap existant entre la théorie révolutionnaire et la vie du paysan.
La révolution s’arrêtait à Conakry. Le paysan était loin de tout cela.Sur le plan de la production agricole, c’était un fiasco total. N’oublions pas de mentionner la politique de prélèvement obligatoire que les paysans ont appelé politique de « Tour et de Normes » qui consistait à obliger les villageois à céder de force à l’Etat, à des prix administratifs, l’essentiel de leur production ou de leur bétail. Il fallait coûte que coûte trouver des matières premières pour les agro-industries et nourrir la population de Conakry en denrées de première nécessité puisque les devises nécessaires pour importer du riz commençaient à manquer; Sékou savait que Conakry privé de riz équivaut à la chute de son régime sanguinaire. Mis à part les abominables crimes de sang, la période dite de « Tour et de Normes » est l’une des périodes les plus sombres de notre histoire. C’est à cette époque que les paysans incapables de fournir leurs normes sont allés grossir les pauvres des villes. Le Fouta a particulièrement souffert de cette politique des normes car en plus des produits agricoles, c’est son bétail qui est maintenant touché. C’est de cette période que date le mouvement des éleveurs peulhs vers le Sénégal et aussi vers le sud (bétail que les hordes d’alphadonzos massacrent actuellement impunément).
Au total, le régime de Sékou en 1984 a laissé un pays exsangue, loin de pouvoir se nourrir par sa propre production agricole. Il a aussi laissé dans nos bras une dette à rembourser correspondant au prix de ces milliers de tracteurs et à ces usines fantômes. Il nous a laissé Conakry devenu un gros village, transformé pratiquement en un camp nourri par du riz importé où le carnet de rationnement a remplacé l’abondance que nous étions en droit d’attendre de notre grand potentiel agricole.
Dans la deuxième partie nous verrons les « réalisations » du régime de Conté notamment à travers les fameuses Lettres de Politique de Développement Agricole (LPDA 1 et 2) et comment le burkinabé président du RPG est entrain de nous mener dans l’impasse à cause notamment de sa méconnaissance de la réalité historique de notre pays.
Par BALDE Kandia-Haïdara