Depuis bientôt deux mois, le retour annoncé de Moussa Dadis au bercail alimente la chronique. Et, chacun y va de ses conjectures, sans percer l’abcès…
Pourquoi Dadis est-il réellement empêché de rentrer en Guinée ? Qui en sont les instigateurs ? Suivez ce récit, récolté en plusieurs mois d’investigations menées auprès de sources fiables, crédibles et très proches concomitamment des deux gouvernements de transition, du pool des juges en charge du dossier du 28 septembre, de Dadis lui-même, de Toumba, du régime actuel, de l’Opposition Républicaine et de certains opérateurs économiques de notre pays. J’utilise le français facile pour une meilleure et large compréhension. Nous détenons des supports écrits, audios et visuels que nous utiliserons en temps opportun, lorsque nous nous sentirons attaqués ou menacés. Tout ce que nous dirons dans ce texte, c’est selon nos sources.
« Pour la petite histoire, lorsqu’il s’est agi de la manifestation des opposants le 28 septembre 2009, Dadis ne voulait pas en entendre parler au départ. Certains des proches de Dadis, précisément des ministres très influents au moment des faits – dont nous taisons volontairement les noms, du moins pour un départ – ont été contactés par l’opposant d’alors Jean Marie Doré, sans succès, à l’effet de les convaincre à dissuader le Chef de la junte par rapport à la répression énergique programmée de la manifestation. C’est ainsi que Jean Marie Doré s’est finalement décidé de rencontrer nuitamment le bouillant capitaine. Après moult tractations, alors que Dadis évoquait le fait que la date du 28 septembre soit un repère inviolable de l’histoire de notre pays, tout en proposant le 29 septembre, Jean Marie est parvenu tout de même à convaincre son illustre hôte de laisser les opposants manifester à la date de leur convenance sans risques de répression des forces de l’ordre.
Après le départ de l’opposant Jean Marie Doré du Camp Alpha Yaya où l’entretien a eu lieu, Dadis avait instruit ses hommes de laisser les opposants dérouler leur manifestation le 28 septembre et au stade du même nom. Cette décision prise très tard dans la nuit n’avait pas fait l’unanimité dans l’entourage immédiat de Dadis. C’est ainsi que certains de ses fidèles serviteurs – dont nous dévoilerons les noms au fil de cette chronique – lui ont fait savoir leur opposition à sa décision, au motif que c’est un piège qui lui est tendu par l’opposition pour le chasser du pouvoir le 28 septembre même. On est allé jusqu’à lui dire que la médiation de Jean Marie est utilisée pour jouer sur sa sensibilité, puisque ce dernier étant un « vieux sage » de la région forestière dont est issu Dadis.
En dessous, l’armée et le gouvernement étaient divisés entre trois clans : le premier était constitué de ceux qui tenaient à mâter les manifestants ; le deuxième, ceux qui luttaient dans l’ombre pour éliminer physiquement les leaders des partis politiques présents à la manifestation, et le troisième était formé de ceux qui trouvaient sage et logique de laisser les opposants manifester librement, tout en encadrant la manifestation pour éviter tout débordement. Mais ce dernier groupe était très minoritaire au point que les deux premiers ont eu à l’ascendant.
Il est important de préciser que c’est un ancien homme d’Etat étranger et un richissime homme d’affaires de réputation mondiale qui parrainaient le deuxième groupe dont la mission consistait à éliminer les opposants présents, à l’effet de permettre à d’autres opposants ayant momentanément quitté le pays (par stratégie ?) d’affronter Dadis sur un champ de bataille quasiment conquis. C’est d’ailleurs les mêmes, ancien homme d’Etat et richissime homme d’affaires qui planifieront, quelques mois plus tard, l’agression de Dadis par son Aide de Camp d’alors, le célébrissime Toumba Diakité. C’est ainsi qu’ils ont requisitionné un petit bateau en provenance de Dakar et qui avait accosté derrière le Camp Makambo qui fut le théâtre de la bataille rangée entre Dadis et Toumba.
Dès après leur forfaiture, Toumba et neuf de ses guerriers prendront le large, à bord du petit navire supra-indiqué, à destination de Dakar, où ils vivent, depuis 2009, au quartier Ouakam, dans un immeuble somptueux. Moi, j’ai personnellement rencontré, à deux reprises, Toumba Diakité au marché Sandaga, précisément dans un bureau de l’Administration de la Fabrique Artisanale de Guinée à Dakar, chez un ami commun à nous deux. Ça c’était une parenthèse que je referme aussitôt, volontairement, afin de la rouvrir très bientôt, avec d’autres révélations sur la vie de Toumba à Dakar et ses liens avec le régime de Conakry.
Pour revenir aux douloureux événements du 28 septembre 2009, force est de reconnaître que jamais et plus grand jamais, Dadis n’avait donné le moindre ordre de réprimer la manifestation. Ce sont certains de ses proches civils, plus influents que ceux qui arboraient la tenue, qui ont instruit le Général Mamadouba Toto Camara, alors troisième homme fort de la junte de mâter les manifestants. Ainsi dit, ainsi fait. Ce qui justifie l’inculpation du Général Toto avec mandat de dépôt à l’appui.
Très rusés, les civils qui ont poussé Toto à réprimer la manifestation dans le sang, se cachent actuellement derrière leur statut de civil ne pouvant donner aucun ordre aux hommes en uniforme, mais aussi et surtout, ils interprètent en leur faveur la Loi qui dit que nul n’est censé exécuter un ordre qui viole la Loi, sous peine d’endosser l’entière responsabilité. Pauvre de Toto !
Pourquoi Dadis est-il empêché de rentrer en Guinée ? Qui en sont les instigateurs ? Là-dessus, il faut dire certains opposants au moment des faits et actuellement aux affaires à différents niveaux de l’administration, risquent gros s’ils laissaient Dadis retourner au bercail, pour livrer sa version. Et, jamais les mêmes dirigeants ne laisseront Dadis aux mains de la CPI où ils risquent de se retrouver eux-mêmes pour leur présumée complicité dans le massacre du 28 septembre. Mieux, la popularité de Dadis au sein de l’armée et de la population civile risque fort d’ébranler le régime actuel, tant en validant qu’en invalidant la candidature à l’Election présidentielle de l’ex-Chef de la junte.
Pire, certains opérateurs économiques, devenus les bras financiers d’Alpha Condé, dont ils bénéficient de la protection, risquent également de se retrouver en prison, toujours dans l’affaire du 28 septembre, pour la simple et obscure raison que ce sont leurs engins gros-porteurs qui ont servi de charniers pour convoyer les centaines de corps disparus. Certains de ces cadavres ont été inhumés dans des fosses communes jamais retrouvées et d’autres jetés en brousse loin des villes et autres habitations.
Ajoutés à ce lot de personnages controversés des diplomates accrédités en Guinée et manipulés par le pouvoir de Conakry pour instrumentaliser la fameuse Communauté Internationale, au regard de la suprématie dont jouissent leurs pays respectifs au sein de cette même Communauté, qui dicterait sa Loi à certains Chefs d’Etat de pays voisins de la Guinée, pour refuser le transit de Dadis sur leur territoire ». Nous y reviendrons.
Mandian SIDIBE, Journaliste d’investigation
Depuis Dakar, pour Guineebox.com