Lettre Ouverte à
la Communauté internationale :
-Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, (CEDEAO)
-Organisation des Nations-Unies, (ONU)
-Union Africaine, (UA)
-Organisations de la Mano River Union et de la Mise en Valeur du Fleuve
Sénégal, (OMVS)
A Messieurs les présidents :
-En exercice de l’Union Africaine, Abdel Fattah al-Sissi
-De la République Française, Emmanuel Macron
-Des Etats-Unis d’Amérique, Donald Trump
Messieurs les Chefs d’Etat et Représentants des Organisations Internationales
Cette lettre n’a nullement la prétention de dire ce qui serait méconnu ou
ignoré. Elle se vent en revanche d’être un appel à la conscience des nations, à
leurs dirigeants ou représentants. Elle est un rappel du passé de la Guinée
faite de tumultes souvent dramatiques, parfois tragiques.
Une fois de plus, la Guinée renoue avec son passé fait de violences politiques
dans toute leur dimension et, comme à l’accoutumé, dans l’indifférence totale.
Une fois de plus, les Guinéens sont submergés par les flots menaçants de
lendemains incertains mais sûrement obscurs.
Vos représentants, ambassades, corps consulaires et autres institutions ont
sûrement dû, mesdames, messieurs les chefs d’Etats et représentants des
institutions susmentionnées, vous remonter les informations de l’actualité
politique guinéenne marquée par des : manifestations, répressions,
arrestations, séquestration de leaders politiques, violations de domiciles
privées, meurtres, etc.
Au-delà des informations officielles que vous devriez avoir reçues, les médias
guinéens et internationaux relayent la réalité du terrain.
Messieurs les chefs d’Etats et représentants des institutions internationales
Depuis lundi 14 octobre 2019, une vague de violences déferle sur la Guinée à
cause de la volonté manifeste ou supposée du président Alpha Condé d’imposer
une nouvelle constitution en violation flagrante de celle en vigueur. Une
constitution qui ne souffre d’aucune illégitimité car l’expression librement
consentie du peuple de Guinée sur laquelle le président Condé a prêté serment à
son élection de 2010 et à sa réélection de 2015.
Les violences engendrées ces derniers jours, lors de manifestations pacifiques
de la société civile et des partis politiques de l’opposition réunis au sein du
Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), dépassent les bornes.
Elles sont en voie de précipiter la Guinée dans le gouffre et aucune limite ne
semble se dessiner pour empêcher cette éventualité.
Les conséquences pourraient être dévastatrices car les prévisions actuelles ne
sont pas les plus optimistes. Les dates des prochaines manifestations sont déjà
annoncées et le peuple pourrait bien répondre massivement alors que la
répression coutumière des forces de l’ordre ne fait l’ombre d’aucun doute.
Messieurs les chefs d’Etats et représentants des institutions internationales
Le temps des hypothèses est dépassé en Guinée. Nul ne peut nier que le pays
peut basculer d’un moment à un autre face à un pouvoir répressif qui met
en avant l’arrogance
à la place du dialogue, une société civile déterminée et légitimée par l’appui
populaire.
Les partis politiques de l’opposition longtemps méprisés et forcés au repli par
l’interdiction de toutes manifestations depuis un an, reprennent du poil de la
bête. Leur appel au dialogue longtemps ignoré ne leur donne plus aucun crédit
de s’asseoir à nouveau sur la table de négociation avec le pouvoir. Le parti
politique qui s’y hasarderait risque de perdre tout soutien de la base tant son
acte apparaitrait comme une trahison. Face à cette situation, plus le chrono tourne,
plus les lendemains s’assombrissent et les positions se durcissent.
D’autre part, les digues ethniques par lesquelles le pouvoir semblait tenir les
Guinéens sont en train de sauter et plus aucun obstacle ne semble empêcher les
populations de manifester leur opposition à un troisième mandat générateur des
conflits actuels. Seulement, acculé, apparemment dépassé par la réalité, le
pouvoir ne veut rien cédé, encore moins la société civile et les partis
d’opposition unis dans un élan de refus et de revendication.
Les effets sont visibles et malheureusement guère étonnants : armer les forces
de sécurité pour réprimer des manifestants désarmés est la seule solution que
semble trouver le système en place. En face, retranchés et acculés, ces
derniers répondent en se servant de tout ce qui leur tombe entre les mains.
En outre, les répressions ne se limitent pas aux lieux de manifestations : les
paisibles citoyens sont violentés dans leur domicile, victimes de brimades, de
jets de bombes lacrymogènes et de tirs à balles réelles. Les meurtres, si ce
n’est les assassinats, se multiplient de jour en jour. On en dénombre neuf (9)
morts et d’innombrables blessés. Et la violence semble monter crescendo à
chaque manifestation, veille ou lendemain de celle-ci. Dès lors, plus aucun
citoyen ne se sent en sécurité ni chez lui, ni travail, au marché ou ailleurs.
Messieurs les chefs d’Etats et représentants des institutions internationales
Nul n’a besoin de dire que la situation actuelle de la Guinée fait planer le
spectre de la guerre civile et, dans une moindre mesure, du retour à un pouvoir
qui ne serait pas issu de la volonté populaire.
Aujourd’hui, plus qu’hier, tout guinéen se pose la question de savoir si sa vie
vaut moins que celle d’un autre être humain. Il se demande s’il compte encore
parmi le petit chainon qui constitue la longue chaine de l’humanité. Il se
questionne sur le devenir de son pays et de l’importance de celui-ci face au
destin des autres nations.
Les Guinéens se sentent abandonnés et livrés à un pouvoir qui ne montre aucun
état d’âme quant à sa capacité répressive. Un pouvoir impuissant de dialoguer
et qui se radicalise au seul motif d’ambition personnelle d’un homme élu par
son peuple pour le protéger et non pour le punir, le réprimer ou le faire tuer.
Ce bref rappel de la situation guinéenne et du sentiment que semble éprouver
chaque Guinéen pose un certain nombre de questions. Cette lettre ouverte qui en
est l’objet les décline en quelques points.
La communauté internationale :
– Serait-elle si indifférente au sort du peuple de Guinée pour qu’elle soit
aussi inaudible depuis tant de jours de violences en cours en Guinée ?
-Se serait-elle lassée des efforts antérieurs qu’elle a fournis, même à minima,
face à la situation guinéenne qui perdure ?
-Méconnaitrait-elle les risques de reproduction sur la Guinée du passé récent
de pays limitrophes : Sierra-Leone, Liberia, Côte-d’Ivoire et, dans une moindre
mesure, la Guinée-Bissau ?
-Serait-elle incapable de paroles franches et fermes face à un chef d’Etat qui,
non seulement viole la charte des organisations régionale et/ou continentale en
matière de durée de mandat et qui laisse (ou fait) tuer ses concitoyens ?
-Des intérêts partisans sacrifieraient-elles la vie et la sécurité des
populations guinéennes ? Autrement dit, les richesses minières, halieutiques,
forestières et autres du pays valent-elles mieux que la vie d’un Guinéen ?
-Ignorerait-elle l’effet domino du non-respect de la durée du mandat
présidentiel (un quinquennat renouvelable une seule fois) sur la sous-région
ouest-africaine ?
-Enfin, serait-elle indifférente aux risques qu’en court la Guinée face à la
menace qui pèse sur la sécurité et la vie des leaders politiques et du FNDC ?
J’appelle par ces mots à mettre fin aux maux du peuple de Guinée rongé depuis
des décennies par de multiples souffrances.
Il est dur de se sentir seul. Les Guinéens ont de plus en plus le sentiment
d’être seuls. Alors, je dis, ne nous laissez pas seuls. Ne nous abandonnez pas
au bord du gouffre. La vie de tout peuple, le devenir de toute nation vaut la
peine d’être défendue.
Je terminerais en paraphrasant Sir Wilson Churchill : « Donnez aux Guinéens les
instruments de la démocratie véritable, ils termineront la tâche ».
Je vous remercie.
M. Lamarana Petty Diallo, Guinéen- Professeur
Hors-Classe, lettres-histoire, Orléans- France
Lamarana Petty Diallo lamaranapetty@yahoo.fr