Alors que les critiques sur sa volonté de briguer un 3e mandat pleuvaient de toutes parts depuis quelque temps, le président guinéen avait déclaré qu’il ne se foutait pas mal de ce que pense l’extérieur et que c’est d’abord le peuple guinéen qui l’intéresse. C’est pourtant à l’extérieur qu’il vient de s’exprimer sur un sujet éminemment national.
En déplacement aux Etats-Unis où il participe à l’Assemblée générale des Nations unies, Alpha Condé s’est exprimé pour la première fois dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux au sujet du référendum sur la Constitution guinéenne. « Je vous demande de vous organiser et de vous préparer pour le référendum et les élections », a-t-il en effet lancé à des compatriotes, en majorité sans doute des partisans auxquels il s’est adressé.
Les choses se précisent de plus en plus pour l’insatiable Condé qui, à 81 ans et après deux mandats de cinq ans, veut contre tout bon sens jouer la prolongation. Quitte à faire entorse aux règles du jeu démocratique en modifiant, comme tant d’autres avant lui, la loi fondamentale qui l’en empêche jusque-là. En réalité, sa décision a été déjà prise depuis longtemps, les « larges consultations » menées par son Premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana, n’étant initiées que pour distiller une pilule amère au sein d’une bonne partie de l’opposition et de la société civile guinéenne. C’est d’ailleurs en principe ce mercredi 25 septembre que doivent prendre fin ces pourparlers entamés il y a une dizaine de jours et dont le locataire du palais Sékoutouréyah vient en fait de donner la primeur des conclusions.
On peut comprendre ceux qui ont choisi de boycotter ces discussions, ces biens inutiles discussions, pour ne pas se faire complices de la forfaiture présidentielle. Puisque ce qui se passe présentement en Guinée a tellement déjà été expérimenté par de nombreux chefs d’Etat à travers le continent que plus personne n’en est dupe. On fait sortir quelques éclaireurs pour lancer une sonde et tâter le terrain, on incite ensuite le bon peuple, qui ne saurait dire non à son chef, par des marches de soutien et autres manifestations, à la dévotion du grand manitou, puis on organise comme c’est le cas en ce moment à Conakry un grand rassemblement national pour recueillir les avis et suggestions des forces vives de la Nation avant de trancher. Une tragicomédie politique dont l’épilogue est souvent bien connu, même si certains s’en mordent les doigts pour avoir voulu écrire un tel scénario.
Que veut-il donc réaliser en cinq ans qu’il n’a pu faire en dix, l’irascible Condé, hier opposant historique et qui veut aujourd’hui marcher sur les pas des grands timoniers qu’il a pourtant combattus pendant si longtemps ? Attention néanmoins à ne pas présumer de l’apathie des Guinéens, car s’ils devaient se lever contre cette tendance monarchique, le Professeur et tous ses affidés pourraient quitter l’amphi par la fenêtre.
Issa K. Barry
Source: Observateur Paalga