Vous souvenez-vous, un jour avant la prétendue attaque contre sa résidence de Kipé, Alpha Condé et son ministre de l’Administration du territoire qui a démantelé la décentralisation, effectuent une volte face incroyable…
Ceux-ci, qui s’étaient montrés intransigeants dans leur volonté de violer la Constitution et les lois organiques, pour modifier à leur guise la liste électorale, annoncent ce qu’ils refusaient jusque là, entamer un dialogue avec l’opposition et régler les points de désaccord.
Ceux qui ont cru à une sincérité du pouvoir ont vite désenchanté, car, la même nuit, une « attaque » qui laisse de nombreuses incohérences et questions quant à sa véracité, est le prétexte utilisé par le nouvel apprenti dictateur, pour vouloir embastiller l’opposition. Désormais, il n’est même plus question de dialogue, mais d’anéantir l’opposition. Bref, il maintient le cap qu’il s’était fixé, isoler l’opposition, faire comme entre les deux tours de la présidentielle où il s’est donné le temps d’avoir des institutions conformes à ses exigences et un contrôle réel sur les ordinateurs de la CENI.
Aujourd’hui, comme l’année dernière, c’est chose presque faite, si l’opposition se donne encore tout le temps avant de réagir. Alpha Condé a déjà un contrôle du fichier électoral. Car répondant à ses jérémiades de ne pas pouvoir accéder audit fichier, le PNUD lui a officiellement transmis le code d’accès le 23 juin 2011.
En ce 3 août 2011, on nous apprend nuitamment que « Louceny Camara vient ainsi succéder à la tête de la CENI au général Malien, Siaka Toumany Sangaré ».
Très curieuse façon de présenter cet imposteur de la CENI. Successeur du général Toumany Sangaré ! Pas du tout. Il avait tenté le forcing d’être président de la CENI, en octobre 2010, bien avant la nomination du général Sangaré. Un groupe d’individus de la CENI, au mépris du respect de la loi, avaient violé le principe du fonctionnement de l’Assemblée plénière et des conditions d’élection, en organisant un hold-up électoral qui n’avait pas été avalisé. C’est la crise de confiance consécutive à ce putsch qui avait conduit à la désignation du Malien à la tête d’une institution guinéenne. La CENI s’était déjà assez ridiculisée.
Comme les commanditaires de ces manouvres ne sont pas à une contradiction près, ils nous brossent le portrait de Lounceny Camara comme celui qui « occupait jusque là la fonction de président par intérim de l’institution ». S’il a succédé (et non précédé le général Sangaré), et qu’il était président par intérim, à quel moment il a été désigné ou élu à ce poste d’intérim ?
Un putschiste récidiviste
Contre toute attente, alors qu’aucune information n’a été diffusée sur une élection prévue à la CENI, on nous donne, après minuit les résultats. Décidemment il se passe de drôles de choses la nuit et en embuscade par ces temps d’Alpha Condé.
On nous apprend que « Le nouveau président, Louceny Camara a été élu par 15 voix contre 7 à son challenger, Amadou Oury Diallo sur les 22 commissaires présents qui avaient pris part à cette élection ».
Cette élection n’est que la suite logique de la stratégie d’Alpha Condé de choisir ses hommes qui doivent organiser les législatives. Le RPG, en plus de son agent masqué Lounceny Camara était représenté à la CENI. Le 21 juin 2011, Alpha Condé a démis deux membres de la CENI, Messieurs Abdoul Karim Bah et Fantamady Condé pour les remplacer par des militants de son parti, Messieurs Cheick Mohamed Konaté et El Hadj Mohamed Cissé. La veille Lounceny Camara président contesté de la CENI avait suspendu Thierno Seydou Bayo parce que ce dernier avait protesté contre la signature d’un protocole d’accord entre Alhassane Condé et le président contesté de la CENI sans en informer l’institution. Cynique, Lounceny Camara viole les règles de la CENI en s’octroyant des pouvoirs de sanction dont il ne dispose pas. En effet, seuls le bureau et l’Assemblée plénière ont ce pouvoir (article 43 et 44 du Règlement intérieur de la CENI).
Quid de l’opposition dans tout ça
L’opposition, comme elle le fait depuis la fin de l’élection présidentielle, va-t-elle encore une nouvelle fois observer le statu quo et se contenter de quelques réactions épidermiques qui vont vite retomber ? Ou va-t-elle enfin assumer son rôle en montrant une vraie stratégie et quitter son rôle de toujours être sur la défensive réagissant mollement aux provocations du pouvoir ? Va elle faire une déclaration de protestation et attendre, se lamenter encore une fois sur son sort ?
Ou bien, va-t-elle se montrer responsable et oser prendre des initiatives comme la demande de dissolution de la CENI qui n’a que trop amusé la galerie sur son excès d’amateurisme et d’incompétence tant au recensement, l’organisation des élections et le spectacle affligeant qu’elle nous infligé dans ses querelles de courbettes pour plaire au roi (Dadis, Sekouba et enfin le new dictator) au mépris de l’indépendance qui doit caractériser l’institution et la pensée de chacun de ses membres. Et exiger en lieu et place un groupe d’experts internationaux en privilégiant ceux venus des Etats de l’Europe du Nord et du Canada.
L’opposition a laissé un statu quo s’installer ce qui a poussé le nouveau tyran à violer de manière manifeste et méprisante et persistante la Constitution et les lois. Il s’est permis de démettre des élus pour les remplacer par des délégations spéciales dont, certains, comme à Gaoual, sont des ivrognes. Elle doit exiger le rétablissement dans leurs fonctions des élus destitués, qui sont tous curieusement, membres de l’opposition.
Si le groupe de contact a été remplacé par le groupe des « Amis de la Guinée », il est temps que ceux-ci s’activent et évitent à la Guinée de sombrer ce qui sera une économie en tout pour tout le monde et ne pas attendre le pire pour panser des plaies. Il y a un blocage total du dialogue politique et une volonté réelle et avérée du pouvoir à annihiler l’opposition comme le montre le prétexte d’un attentat très étrange pour la fustiger et s’en prendre à elle.
Mais il appartient aussi à l’opposition de ne pas tomber dans le piège que lui a dressé Alpha, la poussant à l’auto censure, par peur de le heurter et susciter sa crainte. Elle a des droits, elle doit les revendiquer et les exercer. Parmi ces droits, celui d’exprimer des opinions et programmes, de susciter le débat même si cela ne fait pas plaisir au communiste allergique à toute contradiction et le droit de manifester. Toute entrave à ces droits doit être suffisamment motivée. Ce n’est pas en se terrant que l’on fait avancer la démocratie.
Quelqu’un qui a été capable d’inventer une intoxication alimentaire pour organiser des massacres en masse reculera-t-il devant une opposition muette et sans exigence ? L’attentisme de l’opposition, de la société civile et des syndicats l’ont il rendu plus respectueux des lois et des droits de l’Homme ? Que d’occasions manquées depuis 2006/2007 par manque de stratégie et de clairvoyance de nos hommes politiques. Ils doivent apprendre à prendre des décisions au lieu de toujours attendre que la communauté internationale ou le pouvoir en place décident de ce qu’ils ont à faire ou les prennent en pitié.
Hassatou Baldé