À son Excellence, Mr. François Hollande, Président de la République Française…
Mr. Le président,
En Novembre 2012, vous avez fait une déclaration félicitant le président Alpha Condé pour les soi-disant performances économiques de la Guinée ainsi que les réformes des forces de sécurité. À cette occasion, notre organisation, Pottal-Fii-Bhantal Fouta-Djallon, vous avait adressé une lettre exprimant notre inquiétude sur le satisfecit et la caution morale que vous aviez donnés à Mr. Condé, tant votre appréciation était en porte-à-faux avec les réalités sur le terrain. Deux années après, alors que vous vous apprêtez à faire un bref séjour en Guinée, nous avons l’honneur de vous adresser encore une lettre pour vous exprimer notre préoccupation sur la détérioration de la situation dans notre pays.
Avant tout, à travers votre personne, nous voudrions adresser au peuple français, nos sentiments de gratitudes pour le support que la France a octroyé à la Guinée dans le combat contre l’épidémie d’Ébola. Ce geste s’inscrit dans la longue tradition de coopération entre nos deux pays que les vicissitudes politiques n’auront pas pu détériorer. En d’autres circonstances, Pottal-Fii-Bhantal Fouta-Djallon aurait appelé avec enthousiasme à une forte mobilisation pour que votre visite soit non seulement célébrée mais aussi un tremplin pour une plus fructueuse coopération. Toutefois, depuis notre lettre de 2012, la situation en Guinée n’a fait qu’empirer. Tous les observateurs s’accordent sur le fait que la Guinée est devenue un pays à haut-risques avec tous les facteurs d’une guerre civile, voire d’un génocide. La misère grandissante des populations est le terreau sur lequel le gouvernement sème des tensions sociales et ethniques artificielles pour détourner l’attention des citoyens.
L’arrivée au pouvoir de Mr. Alpha Condé, en dépit des irrégularités et des violences qui marquèrent la campagne présidentielle, avait fait espérer que la Guinée allait rompre avec son passé de violence politique. Force est de constater qu’en trois ans, Mr. Alpha Condé a ruiné le capital politique que les élections lui avaient donné. Mr. Condé a renforcé la culture d’impunité qui, pour se perpétuer, a besoin d’exacerber le clientélisme ethnocentrique. Pour se maintenir, le régime s’est condamné à s’assurer la complicité d’officiers militaires accusés de crimes contre l’humanité pour leur participation dans les tueries et viols de Septembre 2009. Du fait de ce laxisme, il est possible que dans la garde d’honneur en charge de vous accueillir à Conakry, il y ait des officiers responsables de ces crimes. Mr. Condé est resté sourd aux appels internationaux et aux demandes multiples des citoyens guinéens, notamment des victimes et de leur familles, pour démettre les accusés de crimes contre l’humanité de leurs fonctions officielles. En Octobre 2014, Mr. Condé a indiqué avoir demandé aux «blancs» d’abandonner le dossier du 28 Septembre. Il marque ainsi son explicite opposition à toute poursuite du processus judiciaire contre les auteurs de ces crimes. À cette troublante provocation s’ajoutent de nombreux crimes par les forces de sécurité du président Condé. À ce jour aucun officier n’a été inculpé pour les crimes contre des dizaines de manifestants dans la préparation des élections législatives ni ceux qui les suivirent. À Zogota, des populations furent massacrées dans leur sommeil suite à une demande de compensation pour leurs terres par le gouvernement. Des jeunes innocents furent kidnappés à Conakry par les forces de sécurité, sans aucun motif, et déferrés dans des conditions atroces au nord du pays. Certains succombèrent aux tortures. Récemment, c’est une personnalité politique de l’opposition qui fut exécutée en plein jour à Conakry. La tragédie de Womey et la répression qui suivit, en pleine crise d’Ébola restent un point saillant de la défaillance de Mr. Condé dont le laxisme a favorisé la propagation de l’épidémie en Afrique de l’Ouest. Le tissu social guinéen est plus que jamais fragilisé. Le pacte citoyen indispensable au maintien de la paix civile et à l’émergence de toute démocratie a été dissout.
Durant les trois années à la tête de notre pays, Mr. Alpha Condé a exhibé des formes désolantes de mépris des guinéens. En même temps, il montre une inquiétante propension à n’écouter que les opinions des dirigeants des pays occidentaux auxquels il croit devoir la sauvegarde de son pouvoir. Ayant dilapidé la confiance à lui faite de diriger son pays, Mr. Condé déploie des efforts considérables pour faire croire qu’il a l’assentiment des dirigeants de l’occident. D’importants moyens financiers sont utilisés pour payer des lobbyistes et pour s’attirer le soutien de personnalités internationales telles que Georges Soros, Tony Blair et Bernard Kouchner dont il exploite les ambitions, politiques ou financières. C’est à ce titre que nous vous adressons cette lettre. Nous voudrions en appeler à votre responsabilité personnelle et de celle de la France, afin d’amener Mr. Alpha Condé à changer le cap de sa politique ruineuse, pendant qu’il est encore temps. Comme notre organisation l’a maintes fois réitéré, le mépris des victimes, l’entretien d’un climat provocateur d’impunité et l’arrogance de criminels reconnus sont les sources des guerres civiles. La France ne peut certes pas être tenue responsable d’éventuelles confrontations en Guinée. Mais du fait des rapports historiques, économiques et culturels qui lient la France et la Guinée, nous pensons qu’il est de votre devoir de profiter de votre rencontre avec le président guinéen pour aider à changer le cours dangereux de l’histoire dans notre pays.
Nous vous souhaitons la bienvenue en terre guinéenne et vous prions de croire à nos sentiments de très haute distinction.
LA COMMISSION CENTRALE DE POTTAL-FII-BHANTAL FOUTA-DJALLON
New-York le 26 Novembre 2014.