J’ai lu vos intéressantes « remarques sur La Lettre de Pottal Fii Bhantal à Obama ». Je dis que vous faites d’intéressantes observations sur la lettre de Pottal Fii Bhantal Fouta Djallon au Président américain…
Je dois vous dire que je ne suis pas d’accord avec toutes les propositions de Pottal Fii Bhantal, non pas parce que je suis Malinké et que je soutienne aveuglément la politique à courte vue d’Alpha Condé.
Mais je comprends certains positionnements de Pottal Fii Bhantal quand je considère le degré de stigmatisation des Peuls dans notre pays commun. Aucune ethnie n’a été aussi stigmatisée qu’eux en Guinée, bien qu’aucun d’eux n’ait encore dirigé le pays en 56 ans, pour leur reprocher collectivement, (comme on le fait dans ce pays), les effets pervers qui maintiennent la Guinée dans la glu.
Et puis pour ceux qui ont la mémoire courte ou sélective pour taxer d’autres d’être ethno-centristes, qui a dit qu’un Malinké qui ne vote pas pour lui est un bâtard?
Ce ne sont ni Cellou Dalein Diallo, ni Sidya Touré, ni Lansana Kouyaté, ni Jean-Marie Doré, ni aucun autre dirigeant politique concernant leurs communautés respectives.
Mais tout le monde le sait, il ne s’agit ici que d’une répétition, c’est le Professeur-Président Alpha Condé qui a proféré ces mots infâmes.
Les Guinéens doivent avoir la capacité d’hommes et de femmes croyants (musulmans ou chrétiens) de se mettre à la place d’autres pour comprendre les souffrances de ceux qu’on stigmatise systématiquement depuis longtemps, à moins qu’ils ne se rangent moutonnement sous la bannière des vainqueurs. Or la nation dans ce XXIe siècle ne se construira que dans la fraternité ouverte.
C’est pourquoi, je comprends et partage certaines prises de position de Pottal Fii Bhantal Fouta Djallon. Si ce message est accueilli dans les cœurs et les esprits par beaucoup de nos compatriotes, nous serons alors sur la voie d’une Nation-Guinée en voie de construction.
En ce qui concernent les remarques de notre Frère Ray-Autra, sur la lettre de Pottal Fii Bhantal au Président américain Obama, elles auraient dû être plus précises et sommaires, de mon point de vue, car elles pêchent par la prolixité et des considérations qui font perdre de vue l’essentiel de ce qui m’avait paru comme son objectif.
Ainsi une certaine confusion m’est apparue lorsque Ray-Autra donne vers la fin de son texte, pêle- mêle des exemples d’ethno-centrisme, de racisme, de temps révolus et d’espaces géographiques très éloignés de nos problèmes guinéens.
Cet étalage a fait, encore une fois de mon point de vue, perdre à son texte une part d’intérêt que je pouvais accorder à cette contribution. Sur tous les problèmes qu’i soulève, il adopte une attitude aristocratique (pas dans le sens noble de ce terme). Il pratique en quelque sorte ce qu’il semble reprocher à d’autres.
En aucune circonstance, je n’ai lu de lui le moindre point de vue critique du gouvernement d’Alpha Condé. Or tout gouvernement, dans le monde, a « besoin » de critique pour s’améliorer.
Et toute critique contient en filigrane une part de propositions à saisir si les pouvoirs critiqués sont dans une posture positive de construction. Les tourbillons du pouvoir ne permettent pas toujours de s’apercevoir à temps des dysfonctionnements des rouages étatiques, surtout dans nos jeunes démocraties africaines.
Au début de la mandature d’Alpha Condé, j’ai bien écrit, à plusieurs fois de suite, qu’ayant trouvé une accumulation de plus de cinquante ans de problèmes à résoudre en Guinée, il ne pouvait pas réaliser des miracles en cinq ans.
Encore, qu’avant son accession au pouvoir, je doutais qu’il fasse un chef d’Etat compétent. Comme on dit l’enfant préfigure parfois le jeune homme ou la jeune fille, ceux-ci préfigurant les hommes et femmes d’âge mûr.
Mes réserves sur lui datent de nos années d’étudiants. Mais bon par la volonté populaire, dit-on, il est devenu notre Président. C’est pourquoi, il fallait lui accorder un délai de grâce.
Je m’attendais donc qu’il tente de mettre en vue quelques-uns des principes qu’il annonçait en intellectuel affranchi de la gangue « tribaliste ».
Son opportunisme politique lui fait dire, à présent, que la gabegie, pratiquée sur la Guinée du temps de Lansana Conté, n’était pas le fait de celui-ci mais de son entourage.
Qui eût cru à une époque donnée que cet « unique, Mal de la Guinée » aurait trouvé un jour un tel mot de réhabilitation du Général-Président dans la bouche d’un Alpha Condé?
Mais quand on l’accuse d’ethno -centrisme, ce n’est pas une vaine accusation, il faut ouvrir les yeux et regarder les principaux postes ministériels et de nombreuses Directions de Services dans notre pays. Ils sont occupés par des Malinkés.
Je suis Malinké de Beyla et Forestier de Région. Le constat de l’accaparement de tous les rouages de l’Etat guinéen par des Malinkés me choque dans un pays en formation.
Sur ce plan des leaders éclairés ne pouvaient pas se permettre d’imiter les vieilles démocraties occidentales, où il est de coutume que les partis vainqueurs des élections présidentielles, forment leurs gouvernements avec leurs seuls partisans ou affidés.
Au stade de développement sociologique et politique de notre peuple où le symbole compte, un leader politique d’esprit ouvert aurait ratissé largement pour l’encadrement du pays pour que tout le monde se sente concerné par ce qui est à faire pour la construction nationale. Ce qui pouvait d’ailleurs se faire en respectant la volonté de non-participation des leaders de l’opposition.
Les Malinkés avaient déjà été l’objet de haines d’autres Guinéens sous Sékou Touré qu’on disait avoir réalisé l’unité nationale, pour que les plus éclairés d’entre eux fassent tout pour éviter à nouveau de retomber dans l’appellation de « Régime malinké ». Car c’est ainsi qu’en silence, était appelé le régime du PDG. Dès que ce régime est tombé en 1984, l’occasion du défoulement est venue du soi-disant coup d’Etat du Colonel Diarra Traoré en 1985.
Au lieu que cette affaire se règle entre militaires, c’est la communauté malinké (civils et militaires) qui a subi un pogrom violent à Conakry en juillet 1985. Il faut que les intellectuels Malinkés prennent conscience de ce terrible passé et s’élèvent contre ce qui apparaîtra à nouveau comme une responsabilité collective des Malinkés.
Qu’ils se souviennent que la façade d’unité nationale guinéenne présentée sous le régime du PDG, n’était que du vent. A peine, le dictateur Sékou Touré et son régime disparus; les rancœurs et les haines comprimées sous ce régime clanique et familial se sont réveillées contre eux, par des gens qui étaient censés être les gardiens du pouvoir en place: l’Armée et toute la classe politique. Comme dans tous les régimes factices, le coup d’Etat du 3 avril 1984, n’a pas suscité la moindre petite résistance en Guinée.
C’est le seul cas de cet exemple que j’ai pu observer parmi les nombreux putschs intervenus en Afrique Sub-Saharienne. Ainsi Mme Diori est morte, le fusil à la main, lors du coup d’Etat contre le régime de son mari Hamani Diori, au Niger en avril 1974.Ouvrons donc les yeux sur le régime actuel de notre pays et disons ce qui ne va à ceux qui se sont sentis aptes pour endosser les charges collectives des Guinéens.
Dans chaque société humaine, existe une division sociale du travail. Celui de ceux qui se croient « intellectuels » est de réfléchir aux grands problèmes de société.
Leurs réflexions consignées dans des ouvrages, des articles, des documents ne constituent pas des plans gouvernementaux d’actions publiques, mais peuvent apporter à des gouvernants des éléments de réflexion pour les divers plans qu’ils élaborent.
A mon avis, c’est l’absence de telles réflexions « domestiquées » qui a marqué, au cours des cinquante années écoulées, bien des politiques africaines de développement économique et social. On s’est, le plus souvent, contenté de plaquer des schémas directeurs occidentaux de politique publique.
Tout cela pour dire que reprocher à ceux qui écrivent sur leur pays qu’ils n’apportent rien, me paraît d’horizon étroit. Critiquer la politique d’Alpha Condé devrait être, en principe, un acte de comportement démocratique, qui ne peut nullement l’empêcher de travailler pour le pays. Dans les critiques, il y a à prendre et il y a à laisser. « Car tel est le sort des rois…qu’on les blâme toujours de ce qu’ils font et de ce qu’ils ne font pas » (Voltaire ,1694-1778, – Le siècle de Louis XIV-).
Ansoumane Doré (Dijon, France)