Les Guinéens à la merci d’un système néo- fasciste naissant Deuxième Partie:

Le mépris de l’autre, une politique néo- fasciste comme mode de pouvoir…
J’ai  montré dans la première partie ce qui rapprochait  Alpha Condé et Sékou Touré sur les plans humains et politiques en analysant leurs stratégies de conquête et de conservation du pouvoir.

Bien qu’il y ait une infinité de faits, attitudes et comportements qui rapprochent la dictature du PDG et celle naissante d’Alpha Condé, je me limiterai dans cette deuxième partie à une seule pratique ou méthode politique commune à l’idole et son aficionado (son fan).

Il s’agit de la tentative d’exclusion de l’autre et de son ethnie dans l’exercice du pouvoir en les opposant au reste de la population. Cette stratégie est basée sur le mépris qui n’est plus ni moins qu’une forme de fascisme et s’applique à toute autre ethnie qui ne soit celle qui se donne pour vocation de diriger le pays Ad vitam æternam.

Le mépris de l’autre comme mode de gestion du pouvoir

Le mépris est l’autre arme politique d’Alpha Condé dans l’exercice du pouvoir : un  mépris des autres, de l’adversaire, mais aussi des proches. Ce mépris, sentiment  qu’un individu peut avoir en lui- même, et très souvent contre soi- même, peut s’exacerber dans d’autres situations ou contextes.

Appliqué en politique, le mépris prend une dimension non plus psychologique, mais idéologique. Cette dimension de ressenti qu’exprime l’individu qui dispose du pouvoir est appelée « fascisme » par les écrivains et intellectuels français. Notamment les existentialistes.

Pour Albert Camus (1913- 1960)  écrivain et Prix Nobel de Littérature : « Le fascisme, c’est le mépris (…). Inversement, toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme. Il faut ajouter que le fascisme ne peut être autre chose sans se renier lui-même », L’Homme révolté, 1951.

On voit bien que le mépris est bien plus qu’un sentiment individuel tourné contre une tierce personne. Il est le fondement de l’idéologie fasciste. En Guinée, cette idéologie, à défaut de lutte des classes, est basée sur l’ethnocentrisme. Alpha Condé, communiste avant tout, mais qui se dit être reconverti au socialisme, a adopté l’ethnocentrisme en lieu et place de la lutte des classes. Cette arme idéologique très chère à la doctrine marxiste dont le mode d’exercice du pouvoir est très proche du fascisme cède la place à l’ethno- stratégie dans certains pays africains. C’est le cas guinéen.

L’ethnie comme alibi et refuge politique

Le mépris d’Alpha Condé pour les ethnies guinéennes est multiforme. Il revêt plusieurs aspects et dimensions qui varient en fonction des intérêts du moment. A chaque fois que le Président du RPG s’est trouvé en difficulté, il s’est tourné vers l’ethnie. Celle- ci  lui servant d’alibi, sinon de refuge. Dans tous les cas, il vise un double objectif : distraire pour gagner du temps tout en semant la discorde et acquérir  un peu plus de reconnaissance que lui disputent d’autres leaders malinkés.  Du coup, il met en avant et son appartenance ethnique et la Haute- Guinée au détriment des autres entités nationales. Là aussi, il s’inspire du PDG et revisite la stratégie de son idole. Les récentes accusations des leaders de partis politiques qui l’ont rejoint dans l’Arc- en Ciel  et ses multiples revirements sont autant d’exemples. Voyons quelques cas d’espèce.

Le lynchage public des cadres forestiers

Quand Alpha Condé a senti que le Capitaine Moussa Dadis Camara et son entourage sont totalement discrédités aux yeux de l’opinion nationale et internationale, il exprime son mépris des Forestiers. Il accuse  alors un  ministre forestier d’être l’un des acteurs principaux des événements du 28 septembre 2009.

«(…)  C’est une répression qui était programmée. Parce que,… c’est un théoricien, notamment  Papa Koly Kourouma, Ministre de l’Environnement qui a formé le groupe d’intellectuels pour que Dadis soit candidat. (…) Ils ont fait venir des jeunes de la forêt. Ces jeunes qui se vantent de boire le sang et de manger le cœur humain. » Interview accordée à une chaîne de télévision française qui également audible sur youtube, (pour ne pas citer).

Ces propos à l’encontre des Forestiers font penser à une certaine idéologie coloniale qui qualifiait les indigènes d’anthropophages. On sait aussi que ni Alpha Condé ni les responsables de son parti ni ses militants n’étaient au stade.  Cette absence  donne raison à Moussa Dadis qui voyait par là un piège tendu aux leaders qui étaient au stade. Qu’à cela ne tienne. Elu Président, Alpha Condé nomme celui qu’il accusait publiquement d’être la tête pensante des massacres du 28 septembre au poste de Ministre d’Etat à l’Energie et à l’Environnement. Pourtant, c’est encore lui qui disait :

« C’est un groupe de cadres dirigés par Papa Koly Kourouma, le Ministre de l’Environnement. C’est eux qui ont créé un lobby de certains cadres forestiers, pas beaucoup de cadres forestiers, ya pas beaucoup de cadres forestiers, et qui  ont tout fait pour que Dadis se présente. C’est ce petit groupe d’intellectuels qui rêvent depuis, parce que Papa Koly est aujourd’hui l’homme d’affaires de Dadis, et c’est l’homme d’affaires qui vient d’acheter aujourd’hui un immeuble au Canada, etc. Ce sont ceux- là qui ont poussé (Dadis) à se présenter.

Qui ne voit pas le jeu ethnique  du nouveau président guinéen par la nomination aux hautes fonctions de l’Etat d’un homme qu’il a accusé  de crime, d’ethnocentrisme et de corruption? Une telle attitude montre bien qu’en l’absence de tout projet politique et incapable de surmonter ses échecs, Alpha Condé met en avant l’ethnie ou se retourne contre elle. Il réédite son jeu ethnique lors d’une conférence publique tenue à Boffa (Basse- Guinée) en juillet 2011. Il accuse le même Papa Koly, mais aussi Jean- Marc Téliano l’actuel Ministre de l’Agriculture, de corruption avérée.
Cependant,  agissant plus en ethnocentrique équilibriste qu’en démocratique, il se limite au chantage public. Il maintient l’un et l’autre dans le gouvernement car les faire sauter le dévoilerait encore davantage.  Cela explique également le maintien à son poste du Commandant Claude Coplan Pivi, ami et proche de l’ex- chef de la junte. Dans tous les cas, tous les trois ne seront plus que des figurants dont la survie politique dépend de leur capacité à fermer la bouche et  jouer au béni-oui-oui.

Les Peuls, éternels souffre- douleur d’Alpha Condé

Aujourd’hui, exit la haine des Forestiers. Les Peuls sont redevenus la cible comme ils l’ont été lors des campagnes présidentielles. A n’en pas douter, ils céderont la place à d’autres dans les prochains épisodes. En attendant, ils sont dans une mauvaise passe qui rappelle « les années 70. »  Mais, cela va- t- il durer ?

Le mépris et la haine viscérale d’Alpha Condé contre des Peuls tout comme contre les Forestiers entre dans sa stratégie de la politique du « diviser pour régner » qui fonde toute dictature. En taxant les Peuls tantôt de trafiquants, de fraudeurs, d’étrangers, tantôt d’ennemis qui l’auraient marabouté,  « le Professeur- Président » et certains de ses acolytes ne font que remettre au goût du jour la recette du PDG.

Ce recours à l’ethnocentrisme anti- peule tirant ses racines du passé n’a pas perdu sa constance. Cette ethnie a souvent été la cible des pouvoirs dictatoriaux qui ont régné en Guinée. Il atteint son paroxysme en 1976 à l’arrestation de l’ancien Secrétaire Général de l’Union Africaine (OUA), Telly Diallo.

Un complot,  « le Complot  Peul » est fabriqué de toute pièce. L’attaque du domicile d’Alpha Condé est à tout point de vue similaire aux multiples montages du PDG. Ainsi, comme le prouvent les arrestations arbitraires  en cours en Guinée, la recherche du bouc- émissaire pour masquer l’échec d’Alpha Condé est l’objectif politique des tirs nocturnes de Kipé. Sékou Touré en fit de même en 1976 en accusant Diallo Telly d’avoir attenté à sa vie en armant un gamin de 14 ans. Ce fut l’alibi pour  lancer son appel au génocide peul dans  « Je déclare la guerre l aux Peuls. »  Voilà  ce qu’il disait : 

« (…) Aussi, faut-il souligner qu’au référendum du 28 septembre 1958, quand toute la Guinée brandissait le bulletin « NON » pour l’indépendance et la dignité, c’était encore le Fouta qui brandissait le « OUI » pour signifier honteusement : « nous voulons rester soumis au colonialisme ! » Ils ne voulaient pas de l’indépendance, ces Peulhs et ils ont humilié notre Peuple avec un vote massif de « OUI ».
(…) Et s’il faut que toute la Guinée se mette encore debout, couteaux, marteaux et fusils en mains pour les supprimer, les amener au tombeau et les ensevelir, la Guinée assumera ses responsabilités ! C’est la déclaration de guerre ! Ils veulent d’une guerre raciale ? Eh bien nous nous sommes prêts ; quant à nous, nous sommes d’accord, et nous les anéantirons immédiatement (…) par une guerre révolutionnaire radicale ».

Pourquoi tant de haine contre  les Peuls ?

La haine d’Alpha Condé et celle de certains de ses ministres n’est pas à dissocier de leur nostalgie du PDG. La seconde raison est le fait que les Peuls constituent le contrepoids politique et démographique au rêve hégémonique d’Alpha Condé.  Dès lors, le cap que le Fouta traverse actuellement est une sorte de résurrection de « La situation particulière du Fouta » qui fit des Peuls les souffle- douleur de décennies d’échecs du PDG.

Un autre qui réédite les méthodes  du PDG et relaye les discours de Sékou Touré, c’est Alhassane Condé l’actuel Ministre de l’Administration du Territoire.  Si Sékou Touré disait en août 1976 :

« L’on a inculqué au Peulh l’idée qu’il n’est pas Noir et certains vont jusqu’à la recherche de leur origine en Somalie. (…)  Ils sont sans Patrie, ces racistes Peulhs forcenés, parce qu’ils se disent ne pas être des Noirs. Ils sont encore et toujours à la recherche de leur Patrie. Ils ne peuvent pas avoir de Patrie, parce qu’ils n’ont pas une ligne de conduite exigeant l’accomplissement de devoirs sacrés. » In« Croiser le fer avec les racistes » :
Voilà ce qu’a dit le 1er juillet 2011 l’ancien gouverneur et ministre du PDG dans les années70- 80 : « Quiconque veut semer des troubles trouvera l’Etat devant lui. (…) Si Cellou Dalein Diallo veut la guerre, il n’a qu’à prendre ses militants et aller dans les pays en guerre, il y a la Somalie par exemple. »

Cette allusion à la Somalie n’est donc pas fortuite. Surtout quand on parle de quelqu’un dont l’ethnie a subi les pires exactions dans l’histoire du pays. Qu’on me dise  « victimisation…, victimisation. » Je réponds : vérité historique !

Quant au candidat du RPG, il disait dans une interview accordée le 3 septembre 2010 au quotidien français Libération « Les grands commerçants ont réussi par le biais du trafic de faux billets et de la drogue.  (…)  Ce sont des Peuls, et ils sont connus. (…)  Ce sont eux, avec l’ethnicisation, qui ont entraîné la réaction des autres ethnies. »  Dites- moi, cet ethnocentrisme ne coule t- elle pas de source ?

Mais, lisons la suite du discours de Sékou Touré : «  Aliénés qu’ils sont, ils (les Peuls) ne pensent qu’à l’argent, et pour eux’’  (août 1976).  Alpha Condé disait le 20 août 2010 au quotidien, Les Afriques : « … Mon adversaire (…) a mis en place une grosse machine. C’est une mafia bien organisée avec un trafic de liasses d’argent distribuées à tour de bras, en complicité avec des opérateurs issus de sa mouvance. J’ai répété avec insistance que Cellou Dalein Diallo est le candidat d’une mafia. » Qui pourrait aller plus loin qu’Alpha Condé dans cette tentative de diabolisation de l’autre et de son ethnie ?

La finalité du mépris peul d’Alpha Condé

La volonté d’Alpha Condé de dénigrer les Peuls n’a qu’un seul but : coaliser les autres ethnies contre ses ennemis irréductibles. Du moins, à ses yeux. Ainsi, affirmait- il dans le monde du 2 septembre 2010 :

« Je suis soutenu par la Basse et la Haute Guinée et la Guinée- Forestière. C’est l’expression du refus de la volonté de domination des Peuls. Nous proposons un front guinéen pour leur barrer la route. Ce n’est pas forcément lui (Cellou Dalein) qui est en cause. Mais de grands commerçants connus. Ce sont des Peuls, et ils sont connus. »

Quel paradoxe ! Si ce n’est pas Cellou, le Peul qui est indexé, ce sont des commerçants qui sont tous peuls. »

Il  avait dit le 15 mai 2011 au Palais du Peuple : « Certains s’agitent à Dakar. Ici, c’est la Guinée. Ils nous trouveront ici. Ils savent qu’ils ne peuvent rien contre le pouvoir. Ils recrutent des mercenaires. Ils n’ont qu’à venir avec ses mercenaires.  Ils sauront que la Guinée a une armée. (…) Beaucoup de gens qui s’agitent, ils vont fuir… »

Ces accusations  puisent également leurs racines dans l’idéologie du PDG. On lisait dans « Croiser le fer avec les racistes », août 1976 : « Si aujourd’hui, la Guinée ne peut s’entendre ni avec la Côte d’Ivoire, ni avec le Sénégal, la responsabilité principale en incombe vraiment à qui ? A eux seuls, cadres Peulhs ! »

Cette analyse montre qu’à l’image du marxisme qui s’attaque méthodiquement à toutes les couches sociales, la dictature d’Alpha Condé fera comme celle de Sékou Touré. Elle débordera la cadre peul et n’épargnera aucune ethnie. A commencer par celle sur laquelle elle s’appuie actuellement.

Les soussous doivent s’attendre à ce qu’Alpha Condé leur interdise très bientôt de pêcher le poisson dans l’atlantique qui borde Conakry. Il le fera tout comme il l’a fait contre les orpailleurs de Siguiri. Il rééditera sa méthode qu’il a appliquée aux agriculteurs de N’Zérékoré en les expropriant de leur terre au profit de multinationales occultes. Comme il a ordonné l’extermination de plus de 2 mille animaux d’éleveurs peuls de la préfecture de Beyla en juin 2011.

Si l’ethnie (ou des ethnies) peut servir dans les débuts d’un pouvoir, celle- ci se heurte très vite à ses limites. Un groupe social ou une ethnie, quelque soit son poids démographique  ne saurait satisfaire aux exigences d’un Etat ou d’une nation. Ce que semble ignorer le Président guinéen qui fait de son ethnie l’Alpha et l’Omega de son pouvoir.

Tout cela pour dire qu’Alpha Condé semble avoir raté le coach. Il a initié une politique qui ne lui laisse aucun choix. Ce sera l’objet de la troisième et dernière partie : « Alpha Condé ne dirigera la Guinée que par la force et dans la terreur. »

Lamarana Petty Diallo
lamaranapetty@yahoo.fr