Le « poutoh » du Fouta rabattra-t-il le caquet à Condè de Pinè ?

Le « poutoh » est un bonnet admirablement brodé que portent par tradition et fierté les originaires du Fouta-Djalon. Tous les Peulhs ne le portent pas mais ceux qui le portent sont presque tous d’ethnie peule…

J’utilise, à titre exceptionnel, ce signe distinctif pour parler des représentants religieux du Fouta-Djalon qui, le 27 août 2011, nous ont agréablement surpris en tenant un discours poli mais ferme aux « envoyés » du pharaon Condé qui cherche à faire de leur région un bantoustan entièrement à part. Pour transporter son message jusqu’à Labé, il a fallu des religieux, des civils et des miliaires de trois des quatre régions naturelles. En fait, une coquille lourde mais vide.

AC ne veut pas de réconciliation nationale mais une capitulation régionale ! Que tout « Poullo porte son poutoh » et dise NON ! Le Fouta plie momentanément mais ne rompra jamais ! Il ne faut surtout pas aller remercier AC qui n’a aucun mérite. AC aurait pu donner quelques signes de bonne volonté pour montrer le chemin d’une vraie réconciliation: arrêter les nominations scandaleusement ethniques, libérer les citoyens injustement incarcérés, respecter la liberté d’expression, etc. En ne donnant aucun bon signe, il maintient sa mauvaise politique qui tend vers la ruine.

Le message d’AC se lit sous 2 angles :

– au niveau international, montrer que tout va bien en Guinée et qu’il œuvre pour la démocratie, l’unité et le changement.

En effet, l’extérieur a compris qui est AC. Des accords sont signés mais les investissements n’arrivent pas. Condé le Rouge n’a pas compris le comportement rationnel de l’investisseur: avant d’engager ses sous, ce dernier ne regarde pas que la porte d’entrée mais surtout la porte de sortie ! Pense-t-il que le « toubab » est à son image pour engager ses fonds sans la moindre sécurité juridique ? La Guinée est dans le brouillard et tout investisseur n’opère que par temps clair.

– au niveau national, faire croire que 3 régions sont avec lui et que c’est le Fouta qui s’est lui-même isolé.

Quel cynisme ! Historiquement, socialement, culturellement et économiquement, le Fouta n’est pas isolé ; c’est AC, censé être le garant de l’unité nationale, qui cherche à l’isoler ! Sur ce point, c’est un traître à la nation et indigne de la fonction qu’il occupe. Le Fouta n’a même pas de problème avec la Haute Guinée (historiquement, un pacte liait les 2 régions mais des politicards en ont piétiné le contenu) mais avec certaine «Hautaine Guinée» incarnée par AC et certains de ses prédécesseurs (Sékouba Konaté et Sékou Touré). Le manichéisme archaïque d’AC est d’autant plus outrageant qu’il apparaît de plus en plus obsessionnel : Les Peulhs  et les autres, le Fouta et les 3 autres, etc. Peut-on édifier une nation avec ce genre de débilité ?

Par conséquent, AC ne tend pas une main pour la réconciliation mais sort un membre pour nous piétiner ! Ne le laissons pas réussir là où Sékou a échoué. Il est incapable de marginaliser le Fouta-Djalon ne serait qu’à cause de la position géographique, du dynamisme démographique et du potentiel économique de cette région. Freiner un élan n’est pas l’arrêter !

Maintenant que faire ?

La résistance doit être, pour reprendre le langage des Rouges, globale et multiforme. En ce qui concerne les religieux, il faut les aider à porter droit leur « poutoh » difficile à amidonner dans le contexte de misère actuelle.

Nous devons aider nos imams à se passer de l’igname d’AC en les secourant dans la recherche de leur manioc quotidien. Ne les obligeons plus, par notre incurie, à bénir la main maléfique d’AC qui cherche à les nourrir. Financièrement, leur prise en charge n’est pas lourde pour la diaspora.

Je constate que nos sages savent comment dire ce qu’il faut. Toutefois, je leur propose modestement un discours à tenir, le cas échéant, devant AC :

« M. le Président, en nous recevant, vous avez effectivement repris la Guinée laïque là où votre camarade Sékou Touré l’avait laissée. Après l’élection présidentielle de 2010, vous  avez été désigné à la tête du pays. En tant que religieux, nous vous acceptons en tant que tel mais prions ALLAH pour que vous deveniez le Président de tous les Guinéens.

Vous parlez de réconciliation nationale ? Vous avez raison et vous pouvez compter sur notre disponibilité pour atteindre cet objectif.

Cependant, M. le Président, avant de faire des tresses, il vaut mieux laver soigneusement les cheveux et tuer éventuellement les poux qu’ils renferment. Autrement, c’est un autre stress !
En votre qualité de Président de la Guinée, vous êtes également Président du Fouta. ALLAH donne mais Il peut aussi retirer ce qu’Il a donné. Notre région ne demande pas de traitement de faveur mais une égalité de traitement.

Nous constatons que depuis votre prise de fonction, tout est fait pour marginaliser systématiquement le Fouta. Les nominations (armée, police, haute administration, diplomatie, etc.) montrent que la communauté peule est outrageusement oubliée. Croyez-vous, M. le Président, que ce soit la meilleure façon de gorger une nation ?

Peut-on parler de démocratie, de justice et d’équité lorsque le pouvoir central confie les ¾ des postes de responsabilité aux membres d’une ethnie constituant moins du quart de la population du pays ? Si au moins, il s’était agi de cadres compétents et honnêtes !

Peut-être que nous nous trompons mais le fait de vous exprimer en face ce que nous ressentons doit vous montrer qu’il y a un malaise.

La Guinée souffre beaucoup ; le Fouta souffre encore plus car ses ressortissants sont victimes de la partialité de l’Etat.

A force de s’accumuler, les frustrations finiront par exploser et, en tant que sages, nous ne pourrons pas contrôler notre jeunesse.

Les imams du Fouta n’ont pas besoin d’igname mais d’écoute et de respect. En nous écoutant et en nous respectant, la Guinée pourra voir le bout du tunnel.  Pour le moment, nous sommes dans le brouillard.

Eclairez-nous le chemin car c’est au chef de montrer l’exemple par son intégrité, ses valeurs humanistes, son sens de la justice et de l’équité.

Quand on est Président, on devient l’arbitre national et on accepte l’héritage sans en faire l’inventaire. Des crimes ont été commis en Guinée depuis 1958.

Nous vous demandons, M. le Président, de faire preuve de grandeur en assumant, pas en tant qu’individu mais en tant que chef de l’Etat, les fautes commises par vos prédécesseurs et vous-même. C’est cela la continuité de l’Etat. Si vous demandez pardon aux victimes, réparez les injustices les plus criardes et respectez notre constitution, la Guinée ne va pas immédiatement guérir mais il ira un peut mieux.

Qu’ALLAH protège la Guinée ! »

Evidemment, ce discours n’est pas parfait mais il peut forcer le respect d’AC.

 

Ibrahima Kylé Diallo