Ce mardi, aucun des avocats, pas même ceux de la partie civile, ne pensaient que le tribunal irait jusque-là. Depuis le début du procès, on pouvait se dire qu’il y a des failles, des difficultés de preuves, des fragilités. Et maintenant que la sentence est tombée, des certitudes confirment l’orientation du procès par le pouvoir.
Mais retraçons un peu l’histoire de celui qui est devenu la bête à abattre. Difficile d’imaginer cette relation amoureuse entre deux arts sur lesquels nous portons un regard bien différent aujourd’hui. Les foules se pressent dans les meetings pour profiter du politicien, qui est largement apprécié en tant qu’art. Le pauvre écrivain, de son côté, reste peu valorisé dans nos expériences culturelles. Il est souvent cantonné à un simple apprentissage scolaire. On discute peu d’un livre entre amis, alors qu’on évoquera plus facilement la dernière sortie d’un politique.
Pourtant l’écriture et la politique sont deux arts qui font vie commune, au point que l’un ne peut se concevoir sans l’autre. D’ailleurs, si l’on y regarde de près, on s’aperçoit qu’ils sont toujours unis par des liens discrets et intenses. Thianguel de toute façon, lui, a prouvé qu’on peut casser ces frontières et briser tous les clivages factices de notre pays. Voilà l’artiste, dramaturge, soldat de la plume, Thianguel, génie, pétri de talents qui a su partager ses expériences professionnelles aussi bien avec ses étudiants qu’avec ses troupes et mis ses connaissances dans la valorisation de notre pays à travers l’unique arme dont il dispose: la plume.
Un Guerrier sur scène auquel on vient d’infliger la plus lourde peine en Guinée depuis l’abolition de la peine de mort. C’est à croire que la Guinée est une nation qui travaille contre toute émergence de talents. Au point d’anéantir toute valeur qui apporte un plus aux citoyens du pays. Associer la politique à l’écrivain est une habitude incontestée, une évidence. Pour le public comme pour les artistes, ces deux arts sont indissociables. « L’écriture est une poésie muette et la politique, une peinture parlante ». Il s’agit du même art: l’un déclamé, l’autre contemplé et s’ils emploient des modes d’expression différents, tous deux ont pour but de procurer des émotions similaires chez le spectateur ou le lecteur. Thianguel est ce maestro sans orchestre qui manie avec la plus grande sensualité la langue française, un architecte émulateur d’émotions sur son lecteur tout comme sur son spectateur. Thianguel, chroniqueur humoriste bien connu sur les scènes médiatiques avec ses sorties fracassantes dénommées: ‘’Les Tranchantes’’. Avec cette sentence à la réclusion criminelle à perpétuité prononcée par le juge Mangadouba Sow, Thianguel metteur en scène, écrivain humoriste qui, jusque-là s’exprimait à travers sa plume pour faire vivre son inspiration se voit à présent infligé une peine qui le prive de ses droits les plus élémentaires.
De ce procès, l’on retiendra une manipulation politique tout au long des débats. Le Ministère public avait requis l’acquittement pour Thianguel. Le juge Mangadouba Sow aurait-il décidé de prononcer cette sentence par complaisance ou par naïveté ? En tout état de cause, le verdict de ce procès confirme le énième dysfonctionnement de la justice Guinéenne et la dépendance du pouvoir judiciaire au plus haut sommet de l’État.
Kadija Diallo