Tout Guinéen ne peut qu’être fier d’une histoire glorieuse de l’une de ses quatre régions naturelles qui sont la Basse Côte, le Fouta Djallon, la Haute Guinée et la Guinée Forestière…
Cependant, les données historiques qui sont une source d’inspiration et de fierté doivent être fondées sur des faits réels scientifiquement prouvables et non sur l’imagination. En Guinée, on a trop longtemps laissé la parole aux menteurs. Raison pour laquelle notre pays sombre aujourd’hui sur tous les plans: politique, social et économique.
Ces derniers temps, ceux qui se livrent à des crimes et agressions de tout genre contre les Peuhls en Guinée nous tympanisent sans cesse avec ce qu’ils appellent la charte de Kouroukan Fouga qui serait la preuve de leur grandeur historique sur toutes les autres communautés en Afrique. Ce qui m’amène aujourd’hui à prendre aussi la parole et leur démontrer point par point que l’essentiel de ce sur quoi ces gens reposent leur fierté et sentiment de supériorité, qui rendent la paix impossible en Guinée, est un produit de mensonge et d’imagination de nationalistes malinkés à la recherche de gloire historique.
En effet, fils d’un fonctionnaire et né en Haute Guinée, grandi là-bas, ayant étudié toutes les matières (Maths, physique, biologie, histoire etc.) en langue malinké jusqu’au niveau Brevet, étant toujours parmi les premiers de sa promotion, faisant ses vacances au Mali, je suis un parfait connaisseur de la langue et de la culture malinké. Je mets donc en doute l’élaboration d’un tel texte au Manden sous l’empire de Soundiata que certains situent au 13ème siècle. Personne dans l’empire de Soundiata ne savait lire et écrire.
Que les savants malinkés nous disent, quel archéologue ou quel chercheur a découvert leur papyrus ou saintes écritures en question, quand et où ?
En attendant qu’ils répondent à ces questions, qui peuvent seules, conférer une crédibilité à cette histoire, je vous livre ici ce que j’en sais sur la base de mes connaissance de l’histoire du Manden, de la culture et des recherches effectuées autour de cette charte qui a surgi de l’histoire mandingue vers la fin des années 90.
C’est quoi La charte de Kouroukan Fouga ?
Un site malien qui reprend les mensonges des auteurs guinéens, écrit ceci:
<< Faites ample connaissance avec ce que l’on peut, à juste titre, qualifier de l’un des pans les plus importants de l’histoire, combien riche, de l’actuelle République du Mali et présenté aussi comme la première « Constitution » connue en Afrique voire au monde >> (Lire).
La Constitution française actuelle, bien structurée et subdivisée en chapitres et articles est donc faite au modèle mandingue de l’époque de Soundiata Keita de 1235. Si les malinkés avaient pu produire une telle œuvre intellectuelle à cette époque, c’est que leur langue devrait déjà contenir les mots « chapitre » et « article », comme les noms de mois de l’année, surtout qu’à l’article 28 l’âge majeur du garçon est fixé à 20 ans! A moins que Soundiata et son peuple aient parlé français ou autre langue à cette époque.
Je pose la question aux Malinkés du monde entier: comment dit-on « chapitre », « article » en malinké? Quels sont les noms des douze mois de l’année en malinké ?
Ces noms n’existaient point dans cette langue et ont été créés par l’académie des langues nationales de Guinée à l’époque de Sékou Touré; mais je parie qu’aucun malinké journaliste ou fréquent sur le Net d’aujourd’hui ne les connait encore. Même parmi mes promotionnaires, je suis un des rares à avoir retenu ces noms jusqu’à nos jours.
Revenons à la charte! Dans l’Article 16, on peut lire ceci:
« Les femmes, en plus de leurs occupations quotidiennes doivent être associées à tous nos gouvernements »
Dans la culture malinké, comme c’est le cas dans les villages malinkés de nos jours encore, non seulement la femme n’a rien à chercher dans le cercle du pouvoir ou au lieu où se réunissent les hommes, mais aussi on a déjà ses propres enfants à 20 ans. Jusqu’à nos jours, la culture malinké recommande que si les griots flattent l’ancienne ministre et candidate à la présidentielle 2010 Saran Daraba Kaba en lui disant « I Kaba », elle doit répondre « N’ma soron », c’est à dire « Je n’ai pas eu cet honneur », du fait d’être une femme.
Le choix de cet âge de 20 ans pour la majorité et cette attention accordée aux femmes dans ce montage appelé charte de Kouroukan Fouga montrent simplement que les auteurs se sont inspirés des Constitutions modernes actuelles (droit de la femme et âge majeur entre 18 et 21 ans) pour rendre plus civilisé leur produit fait à Kankan en 1998.
La vérité à propos de la place de la femme est d’ailleurs dite sur la même page au chapitre « CONSEIL DE SOGOLON À SON FILS SOUNDIATA KEÏTA » à savoir ne jamais partager un secret d’Etat avec une femme.
Paradoxalement, cette charte ne fait aucune mention des Wolossos, la plus basse caste ou classe sociale du Manden, située en dessous des Djon (esclaves). C’est la classe humaine sans aucune valeur au point que tout mandingue a droit de coucher toute femme Wolosso s’il le désir quand et où il le voudrait. Les enfants nés de femmes wolossos sont de père « n’importe qui ». D’où le nom Wolo So qui veut dire conçu à travers la ville.
Les Wolossos sont tellement sans valeur qu’ils peuvent insulter même le rois dans sa cour sans rien craindre. C’est surtout à eux qu’on fait appel pour résoudre les grands conflits sociaux du fait que personne n’ose leur dire « NON » sinon ils peuvent t’insulter, te déshabiller et t’inviter publiquement à coucher avec eux.
En 1996, le célèbre journaliste malinen Bala Moussa Keita parlera de cette caste mandingue dans une émission spéciale de TV5. Pourquoi une telle charte mandingue oublierait-elle ces gens ?
En vérité, c’est après que Youssouf Cissé ait traduit le livre de Djibril Tamsir Niane sur l’histoire de Soundiata (Soundjata, ou l’Epopée Mandingue) que la réflexion d’élaborer une charte qui aurait régit le fonctionnement de cet empire mandingue a commencé en 1991 (Lire). Elle sera finalisée et mise en texte lors de l’atelier régional de concertation entre communicateurs et traditionalistes maninka tenu du 03 au 12 Mars 1998 à Kankan (Voir le fichier ci-dessous.)
Je rappelle que sous Sékou Touré, seule la Guinée a poussé des recherches sur les langues et cultures Ouest-africaines en créant des académies des langues et en instituant l’enseignement dans nos langues nationales. De toutes nos cultures, seule l’histoire mandingue aura le privilège d’être officiellement étudiée au-delà de la féodalité, s’étendant jusqu’á l’époque légendaire de Soundiata Keita. Dans l’histoire guinéenne, on l’étudiera sous le titre « La légende de Soundiata » pour éviter que le monde scientifique ne demande des preuves à certaines affirmations purement fantaisistes comme quoi: Soundiata serait un homme-lion issu d’une sorcière de nom de Sogolon elle-même issue d’une femme-buffle, que Fakoly Kourouma était le plus nain du monde qui grandissait au point de faire de la toiture de sa maison (case) son chapeau quand il se met en colère, que Soundiata a vaincu Soumaoro (homme anti-balle et homme-vent) avec un ergot de Coq, que Soundiata arracha et transporta un Baobab le jour où il commença à marcher sur ses deux jambes etc.
(Par définition, le dictionnaire nous dit qu’une légende est un Récit merveilleux et populaire, une Histoire déformée par l’imagination).
Parfois, quand je vois certains films chinois, j’ai l’impression qu’ils s’inspirent de l’histoire du Manden, tellement qu’ils sont fantaisistes.
Nous avons donc étudié l’histoire de Soundiata à partir de l’époque de sa grand-mère (la buffle de Dos) jusqu’à sa disparition dans le Sankarani. Soumaoro Kanté aussi aurait disparu dans le vent après qu’il ait été touché par l’ergot de coq tiré par Soundiata. Certains griots mandingues disent qu’il vit encore aujourd’hui, invisible. Cependant, nulle part, à aucun moment de l’histoire académique ou griotique mandingue, il n’a été question d’une charte de Kouroukan Fouga. Le nationaliste Sékou Touré lui-même n’a d’ailleurs jamais prononcé ce mot. Parce que l’histoire a été inventée après lui, 14 ans après sa mort. Malheureusement, les Maliens qui y trouvent un sentiment de fierté, considérant aussi Soundiata comme leur figure historique, contribuent à la publication large de ces mensonges montés chez nous à Kankan en 1998, surtout lors du cinquantenaire du Mali.
Il est indiscutable que s’il y avait eu une telle constitution au Manden, le régime Sékou Touré aurait imposé son enseignement en Guinée.
Au Manden, la vie était réglementée, à l’image de ce que l’on connait aujourd’hui dans tous les villages de cette région ou africains en général, par les coutumes et traditions, le respect de l’ainé, la solidarité sociale etc. Chez les Peuhls de brousse aussi, un tel code de conduite social s’appelle Pulaaku, différent de la Constitution du Fouta Théocratique. Ce genre de code de conduite ont existé dans toutes les cultures et sociétés primitives.
Contrairement aux affirmations de l’articles 3 de ladite charte, parlant d’éducateurs en Islam, le Manden de Soundiata était adorateur de fétiches, glorificateur de Sorciers, Somas et Donzos, détenteurs de pouvoirs dits sataniques aujourd’hui. Cela ressort dans toute l’histoire en question et ces valeurs persistent d’ailleurs encore dans cette culture.
Deux remarques: l’article 12 de leur charte faite en 1998 stipule que le chef doit rester jusqu’à sa mort au pouvoir et l’article 17 dit qu’après 40 ans, le mensonge devient vérité! Soyez certains qu’on n’acceptera pas ça en Guinée !
C’est quoi Kouroukan Fouga ?
En ne me référant qu’à l’appellation, j’avais écrit il y a 3 ans dans le forum de boubah que Kouroukan Fouga, c’est le lieu où l’on pratiquait l’initiation des jeunes mandingues qui passent de l’âge mineur à l’âge HOMME (adulte en malinké). Ce passage se traduit par la circoncision des bilakoros au Fouga la, espace vaste et plat situé hors du village et interdit aux non-initiés. Quiconque s’y rend, même par perdition, ne doit revenir au village que circoncis.
Le mot Kouroukan qui précède ici indique que le Fouga dont il est question ici se situe sur une montagne ou un plateau.
Dans la culture malinké, il n’y a pas d’âge défini pour être majeur. C’est plutôt cette initiation dont le point fort est la circoncision qui donne le statut de majeur. Un enfant de 7 ans circoncis a droit à certaines considérations voire d’assister aux réunions des adultes mais pas un non-circoncis de 19 ans ou plus. Cette pratique sévit encore aujourd’hui même à Kankan centre. Un camarade à moi, Madou et son grand-frère Sékouba Camara en ont terriblement souffert dans notre quartier.
Sur une page de l’UNSCO, Kouroukan Fouga est défini comme suit:
<< Kurukanfuga, l’un des lieux les plus célèbres de l’Empire du Mali, est situé sur un plateau latéritique à deux kilomètres au nord de Kangaba. Le site qui se présente à vue d’œil comme une piste d’atterrissage orientée nord-Sud. >>
Quand une culture se fonde sur la glorification et des flatteries, le mensonge devient inévitablement sa principale nourriture. Nous n’allons plus laisser le mensonge triompher en Guinée!
SADIO BARRY