J’ai mal pour la Guinée, mon pays ! Le cœur fendu d’un patriote

J’ai mal pour ma chère Guinée. Ce pays qui m’a vu naître et qui depuis que j’ai commencé à mémoriser un mot, un geste, une parole, une idée ne cesse de marcher à reculons…

Serait- ce le sort de tous les pays qui ont donné à d’autres la voie à suivre comme ce fut le cas d’Haïti, Cuba ou le Chili ? Sinon, comment expliquer l’échec de la Guinée ? Ou tout simplement, comment la Guinée a- t- elle fait pour échouer ? Ce que me  demandait en 1987 un ancien inspecteur de l’enseignement colonial.

Je n’ai pas la réponse ! Cela reste une énigme pour moi. Mais, mon regard d’historien m’interpelle à chaque fois que j’observe ce qui se passe dans l’un des pays cités. Le mien en premier.

J’ai mal pour ma génération qui s’est tant battu derrière des leaders non clairvoyants. En ce qui concerne l’actualité guinéenne, quel n’a été mon effarement en entendant tous les leaders politiques, sans exception aucune, ordonner des investigations. Nul d’entre- eux n’a demandé de compte ni à Alpha Condé ni au gouvernement guinéen. Personne n’a mis des gardes- fous sachant qui doit mener lesdites investigations et les méthodes qui seront employées.

Tous les leaders qui se sont exprimés ont tous repris en litanie, « il faut que les investigations soient menées par le gouvernement ». Comme s’ils ignoraient de quel gouvernement il s’agit. Comme s’ils sont des étrangers à la réalité guinéenne. Comme s’ils n’avaient pas vécu en Guinée entre 1958 et 2011. Comme s’ils n’étaient pas nés au temps de Sékou Touré. Comme s’ils n’avaient assisté à l’ère Conté. Comme s’ils n’avaient pas été témoins des événements du 28 septembre 2009. Pire, comme s’ils ne faisaient pas partie des victimes blessées, molestés et moralement agressées lors des massacres du Stade du 28 Septembre.. Simplement, comme s’ils étaient tous amnésiques.

Ces leaders ne sont pas condamnables en se désolidarisant d’un acte, a priori, un attentat. Ou si l’on veut, comme le dit le principal intéressé, une tentative d’assassinat qui ne serait pas un coup d’Etat.

Mais le propre de l’homme politique, c’est d’éviter la certitude en se posant des questions. Les plus élémentaires au moins. A savoir. Qui ? Qoui ? Quand ? Pourquoi ? Par qui ? Comment ?

Ces  six questions élémentaires du « W »  anglais sont communes à toutes les situations. Quelles relèvent de la simple situation de communication ou de la vie sociale. Mais aucun des leaders n’a pris du recul pour se questionner. Tous se sont contentés de cautionner indirectement la chasse à l’homme qui règne en Guinée.
Le pire, des milliers de guinéennes et de guinéens leur ont confié leur destin croyant en leur capacité de gérer le pays. A défaut, de former une opposition soudée, clairvoyante et audacieuse face au système dictatorial et ethnocentrique qui se développe dans notre pays. On croyait qu’ils voyaient au- delà de leur propre personne. Qu’ils n’oublieraient pas le peuple dans une situation floue, absurde et grotesque.

Mais que se passe- t- il ? Une tentative d’assassinat du premier responsable de l’Etat est orchestrée, nous dit- on. Par une acrobatie verbale qu’on ne peut entendre qu’en Guinée, la présumée cible, annonce que ce n’est pas un coup d’Etat.

L’Etat n’étant qu’une institution relevant de la superstructure, on ne peut l’attenter en tant que tel. C’est, l’attentat ou la tentative de porter atteinte à son premier représentant, en l’occurrence un Président de la République, une assemblée collégiale qui l’incarne, qui est défini comme un coup d’Etat. Si tel n’est pas le cas, Alpha Condé aurait tout simplement un règlement de compte personnel avec des gens dont il serait le seul à connaître et en savoir les motivations. Dans ce cas, ni l’Etat, ni le gouvernement guinéen, ni aucun responsable, membre, militant ou simple citoyen n’a rien à voir avec ce qui s’est passé à son domicile.

Soit il ya eu une tentative de coup d’État  en Guinée. C’est- à- dire, une volonté de « renversement du pouvoir par une personne investie d’une autorité, de façon illégale et souvent brutale », en l’occurrence, l’armée dont les membres sont arrêtés de jour en jour. Soit, il n’ya pas. Mais, on ne peut dire qu’une tentative d’élimination d’un Président de la République n’est pas un coup d’Etat.

Et, vu l’ampleur des arrestations d’hommes en arme, on pourrait même parler de tentative de putsch militaire. A contrario, si Alpha Condé, par ses déclarations se distingue de l’Etat qu’il représente, (comme il l’a fait) alors qu’il ne mêle ni les leaders politiques, ni les militaires. Encore moins le citoyen lambda. Autrement dit, qu’il cherche ailleurs ses «  ennemis » comme il aime le dire car sa tentative d’élimination physique ne serait que pur montage. C’est d’ailleurs ce qui se susurre partout  à Conakry.

Le plus désolant, c’est qu’aucun leader politique n’ait cherché à approfondir les notions de coup d’Etat, de tentative d’assassinat, de putsch, à plus forte raison à analyser la situation qui les a générés. Aucun n’a demandé de comptes au gouvernement. Personne n’a posé la question de savoir comment on en est arrivé là. Tous, ont repris comme au temps de la Révolution, les slogans d’hommes peureux et traqués : « Je condamne… ; dans cette situation que traverse notre pays…, je partage… ; j’en appelle à…etc. » Résultat : d’un coup, leur adversaire politique, celui dont ils décriaient le pouvoir et la manière de la gérer est devenu leur vedette.

A défaut de convaincre les Guinéens sur son coup, Alpha Condé aura réussi à voler la vedette à ceux qui étaient jusque- là considérés comme des leaders politiques. La faute : l’absence de conseillers, de clairvoyance, de prise de recul face à une situation qui, d’elle- même, pose question.

Peut- être, qu’il ya eu coup ou tentative d’assassinat, mais ce n’est pas à l’opposition de demander des investigations sans aucune mise en garde contre toutes dérives. Aujourd’hui, les choses prennent une tournure dramatique dans notre pays. Les responsables des l’opposition sont menacés, d’autres sont portés disparus. Le cas Bah Oury. Les militants sont brutalisés. Les familles des leaders sont inquiétées. Les femmes, les enfants, les proches et sympathisants sont arrêtés et séquestrés. Surement violentés.

C’est seulement maintenant que certains leaders commencent à réagir avec précaution. Ce, après avoir demandé, sans se poser la moindre question sur l’authenticité de cette soi- disant tentative d’assassinat. Sans interpeller le gouvernement sur les raisons de ce putsch présumé. On dirait qu’ils attendent tous leur carte de membre au RPG.

J’ai mal pour les cinq personnes menacées  de mort ! J’ai mal pour celles et ceux  qui sont en ce moment même en train d’être arrêtés et torturés par des soldats et autres criminels qui ont massacré et violé en plein jour. C’était le 28 septembre 2009. C’était au vu et au su de tout le monde. Si l’on sait qu’actuellement, tout se passe dans la plus totale opacité, on n’ose imaginer le calvaire des accusés. 

Le système Alpha Condé marche sur les traces de la dictature guinéenne de 1958 à 1984. Rien de surprenant en cela car il n’a jamais caché le  nom de son idole en affirmant : « Je reprendrai la Guinée où Sékou Touré l’a laissée. »

Alpha Condé est en train de réussir son coup d’éclat, si on ne prenait garde. En  ce moment même, il musèle une opposition myope ; lamine une armée sauvage et divisée ; manipule une communauté internationale complice et qui n’arrive que lorsque tout est perdu. S’il s’est raté dan sa propre tentative d’assassinat, il est en train de supplanter Sékou Touré, Lansana Conté, Moussa  Dadis et Sékouba Konaté réunis.

Etonnant ? Pas du tout ! Sa vie durant, il a été un manipulateur. Plus grave, il est le dernier des mohicans.

J’ai mal à mon pays à un tel point que je suis arrivé à me demander s’il ne faut pas tourner la page de ceux qui se disent aujourd’hui leaders de l’opposition guinéenne. En tout cas, je suis déçu. Il faut voir que même les représentations des partis politiques font des déclarations presque d’allégeance, comme au temps du PDG. Tout cela me fait mal.

Une chose cependant. Tous les Guinéens doivent se poser la question de savoir que faut- il faire après le 18 juillet 2011 au risque de vivre le pire de leur histoire.

Je vous invite à se la poser avec moi, chers compatriotes !

Vive la Guinée ! Que Dieu, s’il nous entend encore, Sauve notre pauvre pays et son peuple !

Lamarana Petty Diallo
lamaranapetty@yahoo.fr