Interview de Mr Mouctar Diallo, président des NFD

‘’Nous allons former une opposition forte et efficace au régime Alpha Condé, mettre des garde-fous, et empêcher le retour de toute dictature en Guinée.’’…

Le 22 avril, M. Mouctar Diallo, le Président des NFD (Nouvelles Forces Démocratiques) a regagné Conakry, après trois mois de tournée en Afrique, Etats-Unis et Europe. Une roulante de questions et réponses sur les 100 jours du Président Alpha Condé, mais pas seulement.  

Vous rentrez d’une tournée de 3 mois en Afrique, Amérique et en Europe.

M. Mouctar Diallo :

Notre parti, après les élections, a jugé opportun d’envoyer une délégation rencontré les nombreux Guinéens à l’étranger. Ainsi, en compagnie de Mme Sylla Aïssata Keïta, responsable des femmes du parti, Etienne Soropogui, vice-président et moi-même, avons fait successivement l’Angola, le Sénégal, les Etats-Unis, la Belgique et la France. La tournée a été extrêmement riche, elle nous aura permis d’échanger avec nos compatriotes sur tous les sujets qui nous interpellent actuellement, sur les élections passées de dégager des perspectives. Nous avons enregistré leurs suggestions et recommandations. Nous leurs avons dit comment nous voyons ce qui se passe actuellement Guinée.

Aux Etats-Unis, nous avons rencontré des sénateurs, des députés, des hommes de lobby, le Département d’Etat, des ONG, les institutions internationales, la société civile.

A Bruxelles, nous avons rencontré l’Union européenne, des personnalités politiques. Partout, nous avons attiré l’attention sur les dangers qui guettent la Guinée par la faute du Président Alpha Condé, à savoir l’instabilité, d’autres grandes difficultés encore.

Nous revenons fort enrichis, confortés et motivés pour le combat, en synergie avec les Guinéens vivant à l’extérieur pour l’instauration d’Etat de droit dans notre pays.

Et ces Cent jours du Président Alpha Condé ?

Absolument négatif. Il y a une véritable régression du pouvoir d’achat et du niveau de vie des Guinéens, l’accroissement de l’inflation du franc guinéen. Et, au lieu des mesures sérieuses pour résoudre ces problèmes, le gouvernement se met plutôt à pourchasser les cambistes et les commerçants pour en faire des boucs émissaires et masquer son incapacité à prendre en charge les problèmes des Guinéens.

 

Sur le plan politique, ça se complique davantage. Le climat se crispe avec la rupture du dialogue entre les Forces vives, les politiques et le pouvoir avec l’impasse où se trouve la transition, car celle-ci ne finira qu’après les élections législatives. Il était convenu d’organiser les législatifs six mois après l’élection présidentielle. Mais le pouvoir en place ne donne aucune information, ne met en place aucun mécanisme sérieux, dans le cadre des préparatifs des élections législatives.

L’opposition n’est pas associée aux réflexions et à la prise de décision. Le pouvoir veut réviser la liste électorale en faisant un nouveau recensement. Notre parti considère qu’une telle décision politicienne est pour gagner du temps, retarder la sortie de la transition. Le pouvoir veut tripatouiller le fichier électoral en vue de frauder massivement pour avoir une majorité écrasante à l’Assemblée nationale et faire d’elle une boite à courrier. Le Pr Alpha Condé des forces vives exigeait de la junte l’organisation des élections nationales à brefs délais. Aujourd’hui, qu’il est élu, c’est lui qui s’oppose à la tenue des élections législatives. Or, il faut les législatives pour accéder à laide des pays amis et des institutions internationales. Alpha dit vouloir développer le pays. Par quel miracle ?

Vous savez qu’Alpha Condé est arrivé au pouvoir en utilisant toutes les stratégies cyniques, que pour lui la fin justifie les moyens. Au lieu de mettre la balle à terre, rassembler les Guinéens et rassurer les Guinéens et les partenaires comme le fait actuellement Alassane Ouattara, Alpha Condé lui, continue à diviser les Guinées, à entretenir la flamme de la tension, vouloir diviser pour régner. Ses discours de Dixinn et de Kindia, personne n’a oubliés.

 

Il y a des arrestations arbitraires, illégale et inacceptables des citoyens tels que les cambistes, les commerçants, ces acteurs de l’économie indispensables au développement du pays. Au sommet de l’Etat, c’est la cacophonie, une confusion des rôles, des prérogatives et des responsabilités. Il y a de l’incohérence dans les décisions, avec ces décrets et contre décrets, comme on en avait connu à la fin du régime du Général Conté. Là au moins c’était la fin de son régime, ici le Président Alpha Condé le fait au début de son régime.

 

Cela veut dire qu’il est complètement embarrassé et ne sait pas où aller. Même au temps de la junte du CNDD, certaines lois et certaines institutions étaient respectées. Malheureusement, c’est au moment où on a un Président qu’on dit démocratiquement élu, qu’on dit professeur de Droit, c’est en ce moment que la loi est complètement massacrée, remise en cause. Vous vous rendez compte ? On nous dit que Cellou Dalein Diallo est un citoyen ordinaire. Or, c’est le chef d’un parti, le parti est une institution, dès lors qu’on est le chef d’un parti, on n’est plus citoyen ordinaire, à fort priori un ancien Premier ministre. Donc le Président Alpha Condé ne connaît pas les institutions où n’a aucun respect pour elles. Cela dénote une insuffisance de culture d’Etat. La justice est plus que balkanisée manipulée et instrumentalisée.

Comment comprendre que des citoyens, dans l’exercice libre de leurs droits et de leurs libertés garanti par la Constitution, sois arrêtés, violentés, blessés et tués et que la Justice condamne sept manifestants et ne dit rien au sujet de ceux qui ont tué ? Le Président Alpha Condé et son gouvernement ne tirent pas des leçons du passé, ne comprennent pas le concept de gouvernance actuelle. Ce n’est pas le moment d’instaurer un régime autoritaire. Même les régimes autoritaires qui sont enracinés depuis des décennies, qui ont les moyens de leur politique sont en train de chuter aujourd’hui comme des châteaux de cartes. La Guinée court le risque de prendre les acquis démocratiques, obtenus au prix de luttes et de sacrifices énormes, avec les centaines de morts en 2006, 2007, 2009, 2010.

La Cour constitutionnelle est muette. Que le Premier président de la Cour suprême démissionne, qu’il laisse la place à un autre qui a la compétence, le courage, la probité morale et intellectuelle.

Cela n’est-il pas dû au fait que l’opposition dont vous êtes ?

Notre parti va jouer pleinement sa participation dans le cadre d’une opposition organisée, efficace et crédible. Nous avons dénoncé dès la première heure le pouvoir d’Alpha Condé pendant que beaucoup de leaders étaient en train d’observer les 100 jours de période de grâce. Nous attirons alors l’attention sur le risque d’une dérive autoritaire et dictatoriale. A la faveur de notre tournée, nous avons réfléchi, de concert avec les partis politiques et les organisations de la société civile, sur la formation d’une opposition forte, efficace au régime d’Alpha Condé, comment mettre des garde-fous et empêcher le retour de toute dictature en Guinée.

Tout porte à croire que le gouvernement veut installer Lounceny Camara à la tête de la CENI !

Nous, nous avons dit que si nous n’aurons pas des garanties, nous ne participeront pas aux élections. Il faut absolument que l’opposition soit associée à la préparation des élections législatives. La réforme de la CENI, l’organe qui organise les élections, comme le prévoit la loi guinéenne, nous en faisons une exigence. D’ailleurs, le CNT (Conseil national de transition) est entrain d’élaborer une … sur la réforme de cette CENI. Il faut que la CENI soit une institution efficace, un organe crédible. Pas un organe aux mains du pouvoir, pour frauder.

Le Gouvernement a instruit l’audit du crash en 2003, de l’avion de l’UTA, quand M. Cellou Dalein était ministre des transports. Qu’en dites-vous ?

Nous sommes pour des audits. Moi, j’ai souhaité un audit de la gestion du gouvernement de Transition. Les biens publics sont sacrés et ceux qui les gèrent doivent rendre compte. Mais nous allons refuser que les audits soient un prétexte pour le pouvoir de régler ses comptes.

Le régime en place veut se servir de ce dossier contre M. Cellou Dalein Diallo qui est un adversaire politique. Sinon, il y a beaucoup de problèmes liés à la gouvernance. Pourquoi évoquer seulement le dossier Air Guinée ? Mais qu’on mette tout sur la table, qu’on commence par le commencement, tous les dossiers, au lieu de tirer un dossier sur cent, juste pour déstabiliser un adversaire politique cela est inacceptable et malsain. Il n’est par normal d’utiliser l’Etat pour combattre un adversaire politique.

Vous avez encore à dire, peut-être.

Aujourd’hui, nous constatons que le gouvernement ne semble pas savoir où aller, comment apporter des vraies solutions aux vrais problèmes.

Le Président Alpha Condé fait de la fuite en avant, de la démagogie. Par exemple, il promit du riz à 20 000 FG le sac de 50 kg. Quand il est élu, il propose ce sac de riz à 160 000 FG, de 35 000 tonnes pour 11 millions Guinéens. A l’évidence, l’équipe d’Alpha Condé est dans l’incapacité de prendre en charge les problèmes les plus élémentaires des Guinéens.

Aujourd’hui une des priorités, c’est la réconciliation nationale. Alpha Condé a déchiré le tissu social guinéen.

Mais pour qu’il y ait réconciliation, il faudrait au préalable la justice, pour mettre fin à l’impunité. L’impunité favorise la répétition de la violation des droits humains. Nous exigeons la lumière sur les crimes de 2006, 2007, 2009, sur les violences en 2010.

 

Interview réalisée par

Mamadou Siré Diallo