Inculpation de Dadis CAMARA ou l’Instrumentalisation de la Justice

Hier à Ouagadougou, deux juges d’instruction et un procureur guinéens inculpent l’ancien chef de junte militaire du CNDD, le Capitaine Dadis CAMARA dans l’affaire du massacre du 28 septembre 2009…

Déjà plusieurs autres officiers militaires ont été inculpés dans le cadre du même dossier ces dernières semaines depuis que leur ancien chef a déclaré «  son retour prochain en Guinée et son intention de briguer la magistrature suprême pour les prochaines élections présidentielles ». Dans ce contexte il est essentiel de se demander quelle est la signification véritable de cette soudaine accélération de la procédure judiciaire contre les anciens du CNDD.

Alpha CONDE tire les ficelles judiciaires à des fins politiciens

Entre les deux tours des élections présidentielles de 2010 , le candidat Alpha CONDE promet à la population de la Guinée – Forestière et notamment aux proches du Capitaine Dadis CAMARA :  « Président, je ferai revenir en Guinée votre fils, libre et en sécurité ». Ainsi de février 2010 à fin 2014, il n’y a eu que trois ou quatre inculpations. Ensuite au milieu de 2014, dans une déclaration aux îles Kassa aux larges de Conakry il nie la gravité de la tragédie du 28 septembre 2009 qu’il faut pardonner selon lui et accuse la CPI d’être la justice des blancs.
Pendant plus de quatre années, Alpha CONDE a louvoyé sur ce dossier important pour la Guinée. Excédé et se rendant compte de la duplicité d’Alpha CONDE à son égard, le Capitaine Dadis CAMARA a franchi le Rubicon en se décidant de s’allier à l’UFDG. Pour le régime, c’est un affront de trop. Depuis lors une cascade d’inculpations d’anciens dirigeants du CNDD est annoncée. Il est manifeste que la justice est ainsi instrumentalisée pour servir les intérêts politiciens d’Alpha CONDE . L’actuel ministre de la justice, Cheik SAKO  est de ce point de vue le maître d’œuvre et chef d’orchestre de cette manipulation judiciaire.

La gouvernance d’Alpha CONDE est disqualifiée pour assurer une justice indépendante

Les violations des droits de l’homme ont été systématiques depuis l’arrivée d’Alpha CONDE au pouvoir. Au cimetière de Bambeto à Conakry, gisent prés de quatre vingt jeunes personnes victimes de la barbarie de la répression policière. En Guinée-Forestière , les massacres ont été légions : Zogota, Gallayaye, Womé , Diécké et Nzérékoré. Les assises de Conakry entre décembre 2012- juillet 2013 jugeant l’affaire du 19 juillet 2011, ont montré que la justice est aux ordres pour simplement neutraliser les politiques et les officiers qui inquiètent le régime. Des militaires dont le Général Nouhou THIAM et le Colonel Sadou DIALLO sont emprisonnés depuis plusieurs années sans aucun jugement. Des délinquants accusés d’avoir assassiné Mme Aissatou BOIRO dont Mohamed Junior accuse directement Alpha CONDE d’être la «  main noire » qui a créé une milice privée dotée des pleins pouvoirs pour exécuter les basses besognes à caractère criminelle et crapuleux pour son compte. Dans ce contexte d’institutions judiciaires faillies , il n’est pas possible d’organiser un procès équitable pour juger une si grave affaire car les principes de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la justice font défaut.

L’élection présidentielle prévue le 11 octobre 2015 parasite l’échéancier d’un procès pourtant historique pour la Guinée. Comme le tribunal de Dakar, chargé de juger Hisséne HABRE, un tribunal compétent et doté de compétences et d’expertises internationales est une nécessité impérieuse pour juger l’affaire du massacre du 28 septembre 2009. C’est la seule voie d’assurer le respect des engagements pris par la communauté internationale à l’égard des victimes. Laisser le régime guinéen agir à sa guise dans ce dossier sensible, ruinera inéluctablement les chances de la Guinée de s’engager dans la voie de la vérité, de la justice et de la réconciliation nationale.

 
BAH Oury
Président du comité d’organisation de la manifestation du 28 septembre 2009
Ancien Ministre de la Réconciliation Nationale