Guinée : Qui avait dit changement?

Deuxième Partie : Les germes d’une dictature: la presse muselée, la constitution bafouée…

Dans la première partie, j’avais dénoncé un certain nombre de dérives du pouvoir actuel. Entre autres, le retour des caciques des pouvoirs défunts : du PDG au CNDD en passant par le PUP. Le désenchantement et le doute qui s’est emparé des Guinéens  qui réalisent de jour en jour que celui qui disait apporter le changement n’est rien d’autre qu’une pièce de rechange qui grippe encore plus la machine.

Les symptômes de la dictature naissante que j’ai déjà abordés seront complétés dans cette seconde partie que j’ai finalement reformulée afin de montrer davantage le  vrai visage du système Condé.

D’ores et déjà, je défie toux ceux qui parlent, dans les sites internet, porte- parole du pouvoir et dans les journaux alimentaires, de début de démocratie en Guinée.  Des personnes qui prétendent informer cherchent à vendre l’image d’un président nouveau, compétent et rigoureux. Tout cela n’est que mensonge, esprit partisan et pire intoxication. La seule vérité, c’est qu’une nouvelle dictature est en train de naître sous nos yeux en Guinée.

Les actes posés, durant les six premiers mois, par Alpha Condé relèvent d’une irresponsabilité inqualifiable et d’un amateurisme effarent. S’il continue sur sa lancée,  le temps est compté soit pour son pouvoir, soit pour la nation. Cette organisation qui est considérée comme une entité ou un groupe social librement établi sur un territoire défini et présentant une unité ou une diversité historique, politique et culturelle, est menacée par le système ethno- condéiste qui prend forme en Guinée.  Et pour cause ? Tout ce que fait l’actuel président guinéen est fondé sur l’ethnie, l’esprit de revanche et le culte de la personnalité.

Des nominations à caractère ethnique et un clientélisme à outrance qui défie l’entendement

Depuis la parution de la première partie de cet article, les derniers événements montrent que le puzzle est en train de se compléter. Le président du GPT qui a fait un retour tonitruant à Conakry est sûrement la pièce qui manquait au pouvoir Rpgiste.  Un confrère a brillamment fait allusion à cette appellation bizarre, bien plus, grossière et conjuguée à la première personne du singulier. Je dirais, quant à moi, si le rêve  qu’on attribue au président du « GPT » se réalisait, à savoir être le prochain remplaçant de l’actuel premier ministre, les relations entre les deux hommes risquent bien ne pas être que de cousinage. Pire, son « GPT » pourrait bien se conjuguer au pluriel. Hélas, dans ce cas, c’est tout le tissu social guinéen qui risque de péter réellement.

Il est stupide de prétendre construire une nation, souder un peuple et consolider  un Etat de droit en procédant comme Alpha Condé.  Il a tellement ethnisé le pouvoir, biaisé le débat politique que bon nombre de Guinéens n’osent plus parler ou critiquer. Ils se taisent par peur de se voir indexer comme étant des anti- alpha. Partant, anti- malinké. Mais, on ne dira jamais assez que vouloir confondre l’ethnie à la personne ou inversement est le pire des dangers.  C’est tout simplement fabriquer le dictateur. Je dis et répété que tous les Malinkés ne se reconnaissent pas à Alpha ou au RPG. Alpha Condé joue l’ethnie et se joue du peuple qui attendait beaucoup de lui. Rien d’étonnant en cela parce que, c’est en mélangeant les uns et les autres qu’il a accédé au pouvoir. Seul Moussa Dadis l’avait pressenti sans pour autant  avoir les capacités de s’en préserver et sauver le pays.

La mise en scène de l’empoisonnement des militants du RPG à l’entre- deux- tours est le dernier acte de la comédie d’Alpha Condé. Malheureusement, le dénouement ne fut ni comique, ni même tragi- comique. Mais, effectivement tragique. Les Peuls chassés, violentés et massacrés en Haute- Guinée et ailleurs en savent quelque chose. Mais, pour les raisons évoquées, les Guinéens des autres ethnies se sont contentés de vivre le macabre spectacle. Les victimes elles- mêmes en parlent très peu. Cela rappelle l’histoire vécue par les Juifs qui, en s’échappant d’Auschwitz et autres camps de concentration ou d’extermination, avaient peur de parler de leur propre vécu. Mais, au bout du compte, si Hitler ne fît pas les Juifs, il les unit à tout jamais.

Les temps ont changé. Seuls ne l’ont pas compris Alpha Condé et les personnes pour lesquelles les Guinéens se sont révoltés en 2006, 2007, 2008 et 2009 et qui l’entourent. Sinon, pourquoi ces conseillers, pour la plupart rescapés du PUP et du CNDD, si ce n’est des survivants du PDG, se mettent- ils en selle ? On peut dire que tout indique que la révolution guinéenne de 2007 à 2010 n’est pas achevée. C’est maintenant, avec l’accumulation des erreurs, des frustrations et l’accentuation de la dictature que tout va se jouer.  Tant de faits et d’actes politiques renforcent un tel point de vue.

Une presse muselée et des journalistes voués au pilori

Le caractère démocratique ou anti- démocratique de tout pouvoir se mesure à la liberté d’expression, à la libre opinion et à l’expression d’une réelle  pluralité politique. Toute chose qui manque à la Guinée sous Alpha Condé.

Il est irréfutable que les premiers pas du pouvoir guinéen portent tous les germes d’une dictature.  Arrestations, séquestrations, licenciements abusifs, intimidations, interdictions de publication et de parution, limogeages arbitraires et interdictions d’antenne, pillages de locaux  des maisons de presse etc. sont le lot quotidien de la presse guinéenne. Ces faits anti- démocratiques sont si aigus dans notre pays que les organisations nationales internationales pour la défense de la presse ont tiré la sonnette d’alarme.  Le 3 juin 2011, l’Alliance des Médias pour le Droit Humain en Guinée a exprimé « son inquiétude et sa vive préoccupation sur les violations graves et répétées  de la liberté d’expression en Guinée ».  La presse républicaine, démocratique et impartiale qui cherche à informer est la cible du Conseil National de la Communication et des sbires du système ethnique mis en place. Ce  dit conseil National de la Communication (CNC), que certains qualifient déjà de Conseil National de la Confiscation des  Libertés s’illustrent par ses suspensions, avertissements et autres intimidations de journalistes et de leurs proches. Les faits qui en témoignent sont innombrables.

Le journal « Le défi » a été suspendu pour 2 mois pour avoir relayé les propos, déjà relatés, du sénile Facinet Touré. Des affirmations qui relèvent de la pure folie et qui donnent envie de vomir de dégoût. Sans laisser Facinet à sa folie, contentons- nous de dire que certains mots édentent. Pire, ils ne pardonnent pas leur auteur et ne constituent que le début de la chute. Du reste, Facinet Touré a dit le mot de trop qui n’étonne que ceux qui ne le connaissent pas.

Des journalistes sont renvoyés d’antenne et interdits d’émission. C’est le cas des plus admirés en raison de leur compétence. Parmi eux : Ibrahima Ahmed Barry, jeune talentueux à la diction épatante, au verbe limpide et au regard bien malicieux et séducteur. Ciré Dieng, l’un des plus coutumiers du petit écran. Talentueux, imposant et adulé par plus d’un Guinéen. Marie Louise Sanoussy, l’une de nos anciennes étudiantes, volontaire, distinguée et amoureuse de son métier comme ses confrères victimes du système ambangsandé d’Alpha Condé. La liste est longue et mérite en elle seule un article.

La seule presse, je veux dire soi- disant presse, qui échappe à la répression du système, c’est celle qui assure le relai de la propagande étatique et Rpgiste. Cette presse est plus parasitaire et plus partisane qu’elle ne l’a été dans le passé. La presse en ligne, notamment un certain nombre de sites, se distingue dans la fabrication du label Condé. Ses journaleux qui écrivent toutes sortes d’inepties voient tonton Alpha partout.  Elle met sa photo, bien retouchée pour faire disparaître rides et boursouflures,  à « La Une » de tous ses articles.

On voit Alpha partout : feux de brousse, accidents de circulation, assemblés des partis politiques adverses etc. Mais le mal guinéen ne se limite pas à l’omniprésence d’Alpha Condé dans la presse qui, à n’en pas douter deviendra bientôt le rédacteur en chef de bien de journaux et sites alimentaires.

La constitution  est constamment violée et le suffrage universel piétiné

Dans l’indifférence d’un Conseil National de la Transition (CNT) si ce n’est avec la complicité de certains de ses membres, les acquis démocratiques disparaissent les uns après les autres. La constitution n’est pas respectée, le suffrage universel est remis en cause par des décrets présidentiels anti- constitutionnels. Un soi- disant budget est voté sans consultation ni participation de l’opposition démocratique. Des contrats internationaux sont remis en cause et des élus du peuple destitués par un simple coup de griffe.

Au sommet de l’Etat, (comme évoqué plus haut) les nominations fantaisistes se succèdent et montrent l’amateurisme du président et son incapacité à juger de la qualité et de la probité morale des personnes qu’il nomme. Celui qui a affirmé ne pas connaître les gens, aurait été plus honnête s’il ajoutait qu’en conséquence qu’il mettrait 90% des Malinkés, l’ethnie à laquelle il se rattache aux divers postes politiques et administratifs. Pour s’en convaincre, il suffit de voir les patronymes. Tout indique qu’il n’ya qu’une seule ethnie en Guinée. Ayant instrumentalisé les Soussou et les Forestiers, Alpha Condé ne leur donne que des miettes.  Les Peuls, cibles de son pouvoir sont sûrement les mieux lotis parmi les Guinéens car, qui n’attend rien n’est point déçu.

Qu’on prenne les nominations d’Alpha Condé. Sur 5 postes 4 au moins sont de son ethnie. Il arrive, et ce n’est pas un fait rare que 100% des postes pourvus soient des Malinkés.  Les frustrés ne se comptent plus au sein de l’alliance Arc- en Ciel qui,  « à l’allure où vont les choses disparaitra comme un phénomène météorologique » comme disait un internaute.

Mais, le sort de cette alliance contre nature préoccupe très peu les Guinéens. Leur hantise, c’est la déchirure sociale, l’éclatement de la nation qui se dessine avec une politique fondée sur la chasse de l’autre. Sur l’indexation des ethnies, des organisations socio- professionnels : commerçants, magistrats, enseignants et même militaires. Les soubresauts de tensions ethniques qui se sont manifestés un peu partout en Guinée sont une autre source d’inquiétude.

Si on ajoutait à tout cela,  les dernières violations de la constitution avec les nominations à la CENI dans le but d’imposer des législatives gagnées d’avance, on s’aperçoit aisément le cocktail- Guinée.

Les Guinéens responsables, cadres, syndicats, société civile, partis d’opposition doivent secouer le système ethnocentrique et dictatorial qui est en train de se développer en Guinée.  Il en va du salut de la nation, de l’Etat et du peuple.

C’est la seule manière de voir naître un système réellement démocratique dans notre pays. Les Guinéens ont déjà osé dire non. Le redire est d’autant plus facile.

A suivre : Troisième et dernière partie : Le devoir de l’Opposition et des institutions républicaines et civiles.

Lamarana Petty Diallo