Guinée : Qui avait dit changement ?

Première Partie : Un pays en dérive, un pouvoir qui patauge face à un peuple qui s’interroge plus que jamais sur les lendemains.

La situation actuelle de la Guinée est plus préoccupante qu’elle ne l’a jamais été. Aucun citoyen ne peut être indifférent à ce qui guette le pays. Les raisons sont innombrables et nul ne saurait les énumérer dans leur ensemble. Il ne peut que tirer la sonnette d’alarme.

L’Etat s’effrite, la presse et muselée, la constitution et violée, le tissu social est en lambeau, l’ethnocentrisme tourne à une vraie guerre anti- peule dont sont porteurs les affidés du pouvoir et les nostalgiques de tous bord. Facinet Touré nommé médiateur de la république est le porte- parole de ce nouveau fascisme sous les tropiques. Plus inquiétant sont les lendemains qui s’annoncent plus obscurs qu’ils ne l’ont été auparavant.

A cela s’ajoute de simples et puériles déclarations d’une opposition politique qui n’arrive toujours pas à comprendre qu’on ne déboulonne pas une dictature, même naissante, par des mots ou des déclarations d’intention, mais par des actes. C’est-à-dire, des actions concrètes sur le terrain qui ne peuvent consister qu’à un mouvement populaire.

Les risques politiques qui menacent la Guinée en tant qu’Etat et Nation sont réels, flagrants, irréfutables. J’en énumérerai, comme annoncé plus haut, quelques points qui sont à mes yeux les plus préoccupants.

Les risques du rêve brisé d’une présidentielle qu’on disait « démocratique et transparente »

En juin et novembre 2010, les Guinéens sont allés massivement aux urnes. Croyant béatement aux promesses d’une communauté internationale, ils espéraient une sortie de tunnel entamée depuis 1958. Plus de la moitié d’entre- eux ont compris dès  l’annonce des résultats du second tour que le rêve qu’on leur a fait miroiter n’était que pure chimère.

Surtout, que personne ne me rétorque que les 18% de l’Arc- en Ciel, qui a été magiquement et tragiquement transformés à un chiffre rond, y compris les virgules, sont l’expression populaire. Les 52,52%  des suffrages qui ont porté Alpha Condé au pouvoir sont si mal pensés qu’ils sont symptomatiques de la fraude massive et du calcul machiavélique qui ont entaché le second tour de la présidentielle guinéenne.

En dépit de tout, les perdants, c’est-à- dire les partis politiques dont les leaders n’ont pas atteint le second tour et le perdant du second tour lui- même ont accepté le jeu démocratique. Les premiers se sont tous soumis au verdict de la Cour Suprêmes qui a rejeté  leurs différentes plaintes contre la fraude et leurs revendications appelant à la reprise du premier tour.  Mieux, ils n’ont rien fait pour entraver le déroulement du second tour quand bien même certains d’entre- eux parlaient déjà de hold- up électoral.

L’UFDG de Cellou Dalein Diallo arrivé en tête du premier tour avec près de 44% des suffrages avec ses alliés et qui totalisaient près de 70%  des suffrages représentaient l’espoir dans un second tour transparent. Mais, c’était sans compter sur une mafia interne et extérieure pilotée par un certain French Doctor. Ce dernier se présente actuellement en médecin de notre pays après l’avoir inoculé le mal.

Très vite le désenchantement succède à l’espoir. L’attitude du candidat de l’Alliance regroupant l’UFDG, l’UFR, la GECI,  la NGR, le PUP et plusieurs autres partis politiques  qui se montra légaliste et républicain en prenant acte de la décision de la Cour Suprême fit croire que la démocratie est sauvée.  L’Acte hautement démocratique de Cellou Dalein Diallo, on le voit aujourd’hui, parait insuffisant pour sauver la Guinée qui, plus que jamais, se trouve face à un usurpateur. Lequel pour s’assurer le pouvoir, se transforme de plus en plus en potentat et en ethnocentrique invétéré.

Les actes politiques jusque- là posés, les prises de position, les décrets et contre- décrets du président guinéen attestent que le pays est loin de voir se concrétiser le rêve pour lequel des milliers de ses filles et fils ont été sacrifiés depuis 1958. Qu’on en juge par la nature du gouvernement et des conseillers dont la liste est si flexible que tout guinéen risque de se retrouver, à court ou long terme au cabinet d’Alpha Condé.

Un gouvernement  de recyclés à la place d’hommes nouveaux et compétents

Au lieu de choisir des hommes et des femmes susceptibles de répondre aux aspirations des Guinéens pour un changement politique et l’instauration d’un système démocratique,  Alpha Condé a préféré recycler toutes celles et tous ceux qui ont fait le lit de la dictature guinéenne entre 1958 et 2009. Des gens contre lesquels la Guinée a été mise à feu et à sang. Les  uns  sont des acteurs et commanditaires des massacres répétés des Guinéens entre mars 2006 et septembre 2009. D’autres sont les initiateurs ou les exécutants des massacres des Peuls en Haute- Guinée, Guinée- Forestière, au Fouta et en Basse- Guinée dans l’entre- deux- tour des élections présidentielles.

Mais, l’ethnocentrisme est si poussé en Guinée que, pour le simple fait en parler, vous vous classe parme les anti- Alpha et anti- malinké. Paradoxalement tuer un Peul ne relève point d’ethnocentrisme. Alpha Condé l’a introduit dans les mœurs à tel enseigne que Facinet Touré qui nie le droit d’exercice du pouvoir à tout Peul dort tranquillement chez lui. Les  journalistes et leur quotidien qui a osé relayer les discours fasciste de Facinet-  il ya  une consonance entre les deux termes- sont interdits de publication. Ils  vivent depuis dans la peur pour leur vie et celle de leur famille.

Des ministères au cabinet de la Présidence de la République, s’il faille employer le terme république au vu de ceux qui composent cette anti- chambre du pouvoir, il n’ya que des personnes choisies au seul motif d’appartenance ethnique ou de capacité de nuisance.  Au cas contraire, ce sont les copines d’antan et les filles de tel ou tel allié filial ou clanique qui s’y trouvent.

Le malheur pour Alpha Condé, « Président démocratiquement élu », c’est que tôt ou tard, ces carnivores politiques qui l’entourent le boufferont dans la même sauce qu’ils  ont bouffé Lansana Conté et Moussa Dadis Camara. Même Sékou Touré n’a pas échappé à un tel entourage. D’aucuns ne voient- ils pas dans la crise dont il a été victime la prise de conscience d’une trahison venant de personnes qu’il n’aurait soupçonnées qu’à ce jour fatidique de mars 1984 ? L’un dans l’autre, une chose est évidente.

La Guinée a un gouvernement de recyclés. Une expression à ne pas prendre au sens écologique du terme. Cela aurait pu être bénéfique. Mais, dans l’acception de récupération d’éléments ou de choses pourries au but d’en retarder la putréfaction. Le gouvernement d’Alpha Condé est quasiment un conglomérat de revenants. C’est un ensemble épars, biscornu et presque zinzin qui gouverne la Guinée depuis « les élections président- ciel » de novembre 2010. L’échec d’Alpha Condé n’est point étonnant. L’homme étant, à ce qu’on dit, irascible et vindicatif, ce serait une erreur grave de croire qu’il changera d’équipe pour rebondir.

Un cabinet présidentiel à la sauce PUP ancienne version

Le  cabinet d’Alpha Condé est une pâle copie du Cabinet de Lansana Conté, l’ennemi juré de l’actuel hôte du palais de Boulbinet.  Seules quelques rétrogradations d’un certain Premier Ministre et d’un Ministre aux Affaires Présidentielles au rang de conseiller font exception. Qu’on sorte la liste des gouvernements successifs du Général Conté pour nous montrer la nouveauté d’Alpha. Qu’on nous dise où est la rupture ?

La Guinée est malheureusement capable de tous les paradoxes à l’exception de ceux qui nous sortiraient de la misère et de la dictature. Tenez ! Avoir servi  Lansana Conté rien que pour devenir le subordonné de son pire ennemi. Avoir combattu le même homme pour hériter ses propres serviteurs. Tel est le changement qu’Alpha Condé a rapporté de ses valises de France. Oh ! De sa valise, car il semble qu’il n’en avait qu’une. De  surcroit, elle était à moitié vide.  Ah ! N’Koro Alpha !

« Le Professeur » fait croire aux Guinéens, qu’il prend pour les plus grands naïfs du monde, qu’avec du recyclé il fera une nouvelle République qui « fera des pas de géants pour rattraper notre retard », dixit Alpha Condé. Une Guinée qui se classera parmi les pays émergents. Les pays emmerdants, certes ! Car la communauté internationale ne risque pas d’être tranquille le jour où s’éveillera le peuple de Guinée. Ce ne sera pas pour un simple printemps. Le terme a une connotation trop éphémère. Mais, pour une révolution intemporelle, éternelle et illimitée en vue de sa totale libération. De la fin de toutes les formes de dictatures, de mensonges, de brimades et de divisions afin de construire une Guinée de toutes ses filles et fils.

Alpha Condé s’apercevra très vite, mais ce sera trop tard, qu’il a réuni autour de lui des gens qui se côtoient, se frottent, s’aiment et se haïssent selon les moments et en fonction des systèmes. Des gens qui le perdront bien qu’on lui prêterait un plan machiavélique qui les éjecterait au lendemain des hypothétique législatives.  A coup sûr, il se rendra compte, mais encore trop tard, qu’il a en face de lui de personnes avides de pouvoir, rôdées à toutes les formes de trahison, d’acrobates endiablés qui s’adaptent à tous les systèmes, à toutes les conjonctures. Ces gens qui ont trahi Conté, pour les uns, enfoncé Dadis, pour les autres, ne l’épargneront  pas. C’est un pari que je ne risque par de perdre. Et ce n’est pas le départ déjà amorcé qui me fait craindre le contraire.

La preuve. Tout porte à croire que ces personnes- là ont réussi à tisser une toile d’araignée autour d’Alpha Condé. Elles  lui font croire qu’il a le pouvoir alors que dans la réalité tout lui échappe. C’est le cercle qui dirige, ce n’est pas Alpha. Le vrai maître de la Guinée est auprès de lui. Il  jette les pions, Alpha ne fait que les placer. Les dames comme les piques sont entre ses mais. Malheureusement, le maître croit toujours être le maître du simple fait qu’on lui tienne un langage laudateur, encenseur et qui flatte son égo.

La Guinée a vécu une situation similaire avec celle d’aujourd’hui au crépuscule du pouvoir du Général Conté. Au moment le plus fort du pouvoir de Moussa Dadis Camara qui se prit pour Moïse oubliant qu’il n’était que simple mortel.  N’a t- on pas vu ce capitaine qui, se croyant le maître de tout, à la merci  du vrai chef qui le côtoyait sans mot dire ? Alpha Condé échappera difficilement à cette logique atypique et propre à la Guinée.

Hélas, c’est seulement en ce moment qu’il saura c’est quoi la Guinée. La Guinée des réalités et non le pays livresque. En ce moment seulement, il comprendra qu’il s’est fourvoyé. Qu’il s’est très tôt pris les pieds dans la nacelle. Enfin, qu’il a mené injustement une guerre contre des ennemis fictifs ou obsessionnels qui ne sont ni les forestiers, ni les malinkés raisonnables, ni les soussous. Et tout naturellement ni les peuls qu’il aime à la mort ! Cette entité sociale qu’il a taxée de tout et qui ne lui a rien fait.

En attendant, la médiocrité s’est emparée de notre pays. La Guinée s’enlise. Les relents ethnocentriques de certains risquent de faire couler Alpha Condé comme ce fut pour bien d’autres. La mafia locale s’est reconstituée autour, ou à l’insu, d’un Alpha Condé qui court derrière des ennemis imaginaires et qui remue tous les dossiers, s’attaque à tous les sujets sans jamais résoudre quoi que ce soit.

Dans ce touche- à- tout politique, prémisses de l’échec, la presse est devenue la cible du pouvoir. L’opposition politique patauge dans des déclarations qui ne feront pas peur à une mouche. La médiocrité, le parasitisme, le clientélisme et, le plus dangereux pour toute nation, l’ethno- stratégie, devient le quotidien. Les uns et les autres font de jour en jour leur lit dans notre pays.

A n’en prendre garde, Alpha Condé ne laissera que des regrets à la Guinée. Espérons le contraire !

A suivre Deuxième Partie : Les germes d’une dictature, le devoir de l’Opposition et des institutions républicaines et civiles.

Lamarana Petty Diallo
lamaranapetty@yahoo.fr