Johannesburg, le 27 septembre 2013 – Les responsables du massacre, des viols et d’autres exactions qu’ont commis les forces de sécurité de Guinée dans un stade de la capitale en 2009 n’ont toujours pas été amenés à rendre compte de ces actes quatre ans plus tard, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui…
Une enquête nationale a été contrecarrée par l’insuffisance du soutien apporté par le gouvernement guinéen. En particulier, le gouvernement devrait contacter les autorités du Burkina Faso, afin de traiter une demande adressée depuis deux ans par les juges au gouvernement de ce pays visant à interroger l’ancien président guinéen, Moussa Dadis Camara, qui y réside. Les autorités guinéennes devraient également suspendre certains suspects de toute fonction gouvernementale dans l’attente des résultats de l’enquête.
« Quatre ans plus tard, les victimes et leurs familles attendent toujours que justice soit rendue pour les exactions abominables commises le 28 septembre 2009 et les jours suivants », a déclaré Elise Keppler, directrice adjointe de la division Justice internationale à Human Rights Watch. « L’enquête est entravée pour une large part, semble-t-il, par le simple fait que le gouvernement ne lui apporte pas l’appui nécessaire à son aboutissement. »
Le 28 septembre 2009, plusieurs centaines de membres des forces de sécurité guinéennes ont fait irruption dans un stade de la capitale de la Guinée, Conakry, et ouvert le feu sur des dizaines de milliers de partisans de l’opposition qui s’y étaient rassemblés pacifiquement. À la fin de l’après-midi, au moins 150 Guinéens gisaient morts ou mourants, et des dizaines de femmes avaient subi des violences sexuelles d’une extrême brutalité, notamment des viols individuels et collectifs.
En février 2010, un panel national de juges d’instruction a été mis en place et chargé d’enquêter sur ces crimes. Ce panel a fait d’importants progrès dans l’enquête, interrogeant notamment plus de 300 victimes, a déclaré Human Rights Watch. Des poursuites ont été intentées contre plusieurs responsables de haut rang. Parmi eux figurent le Capitaine Claude « Coplan » Pivi, qui est le ministre guinéen chargé de la sécurité présidentielle, poste qu’il occupait déjà au moment des crimes de 2009; le Colonel Abdoulaye Chérif Diaby, à l’époque ministre de la Santé; et Moussa Tiégboro Camara, qui était alors et est toujours ministre chargé de la lutte contre le trafic de drogue et le crime organisé.
Cependant, quatre ans après les crimes, l’enquête n’est toujours pas conclue et le manque de soutien politique et financier dont elle souffre constitue un défi de taille. Certains suspects sont en détention préventive depuis plus de deux ans, soit au-delà de la durée maximale autorisée par la loi guinéenne.
Une requête introduite par les juges pour interroger le Capitaine Moussa Dadis Camara, qui était président au moment où les crimes ont été commis et qui vit au Burkina Faso – est en souffrance depuis plus de deux ans. Tiégboro Camara et Pivi n’ont pas été suspendus de leurs fonctions, alors qu’ils ont la capacité de peser sur l’enquête étant donné les postes influents qu’ils occupent au sein du gouvernement.
L’enquête a souffert d’un manque de soutien matériel et de préoccupations concernant la sécurité des juges et des témoins. En 2011 et 2012, le panel de juges d’instruction était confronté à un manque de fournitures de base, entre autres des stylos, du papier et autre matériel, et il a fallu plus d’un an au ministère guinéen de la Justice pour commencer à remédier à ce problème.
En juillet 2013, l’interrogatoire de Pivi par les juges a été annulé alors que ses partisans manifestaient en signe de protestation à Conakry, et il n’a toujours pas eu lieu.
« La nature sensible de l’enquête présente des risques accrus pour ceux qui y participent », a souligné Elise Keppler. « Les autorités guinéennes doivent faire preuve de leur attachement à cette cause en apportant à l’enquête un soutien adéquat et en s’assurant que les juges, les témoins et les victimes soient à l’abri des menaces. »
Une enquête effectuée par Human Rights Watch en 2009 a permis d’affirmer que les meurtres, viols et autres abus commis par les forces de sécurité le 28 septembre et les jours suivants équivalent à des crimes contre l’humanité, étant donné leur caractère généralisé et systématique. Une commission d’enquête créée par le Secrétaire général des Nations Unies a également affirmé qu’il était raisonnable de conclure que des crimes contre l’humanité avaient été commis.
En octobre 2009, le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a décidé de procéder à un examen préliminaire de la situation en Guinée, qui est un État partie à la CPI depuis 2003. Il reste à voir si la CPI pourra ouvrir une enquête en Guinée. Selon le principe de la complémentarité de la CPI, celle-ci n’intervient que lorsque les autorités nationales sont dans l’incapacité ou n’ont pas la volonté de mener à bien les poursuites.