FOREKARIAH : Kaback hausse le ton et tacle Kassoy Fofana

Les évènements qui se sont déroulés ce lundi 1er juillet 2019 à Kaback ont eu peu d’échos dans les médias. Pourtant ce qui s’y est passé méritait un traitement particulier pour plusieurs raisons.

Pour ceux qui ne le savent pas, Kaback est une sous-préfecture de Forécariah, une ile de 116 Km2 comptant environs 29 milles habitants.

Habitant une île d’une immensité de richesse inestimable, c’est cette portion de guinéens ruraux qui s’est levée ce lundi 1er juillet pour exprimer son opposition à un éventuel mandat à vie pour Alpha condé. Réunis dans le district de Manken, Centre administratif de la Commune Rurale, les kabackas ont voulu répondre aux propos de leur maire Elhadj Almamy Oumar Camara alias « Guégué », qui s’est récemment prononcé en faveur d’un troisième mandat pour Alpha Condé.

Ce lundi très tôt le matin, le district Manken vivait au rythme des quartiers chauds d’une grande agglomération : chants, danses, discours, déclarations. Il y a du monde, des centaines de personnes venues de différentes contrées de l’ile, de Matakan à Kamerembaya en passant par Bomodia chacun des 36 secteurs étaient massivement représentés à cette rencontre. À l’appel d’une dizaine de membres du conseil communal, en leur tête un certain Cheick Fanta Mady Camara, 1er Vice-maire et opposant à toute idée de troisième mandat, cette réunion à la sensation d’un grand meeting, avait un double objectif. Premièrement la validation de l’antenne locale du FNDC et ensuite finir par une déclaration pour exprimer l’opposition des citoyens de Kaback à un troisième mandat d’Alpha Condé. Une manière de défier le maire Guégué et prouver à l’opinion qu’à Kaback ce sont des hommes et des femmes libres qui y vivent.

C’était un camouflet pour le maire Almamy Oumar, une humiliation qu’il n’y avait pas vu venir. Paniqué et dépassé par l’ampleur de la mobilisation sur la grande place de Manken, Guégué a fait appel à la CMIS, la police anti-émeute de Forécariah pour disperser la réunion. Sous les ordres d’un certain lieutenant Kaba, la police arrive sur les lieux à midi et tente pour un premier temps d’arrêter le leader de la contestation Cheick Fanta Mady Camara. Les jeunes massivement présents s’opposent aux ‘’forces de répression’’ et réussissent avec bravoure à extirper de leur main le Vice-maire qu’elles s’apprêtaient à embarquer pour une destination inconnue. « Il n’ira pas ! Ou vous nous embarquez tous avec lui.» scandaient la foule avec détermination. Quel courage ! Surtout quand ça vient des habitants d’une zone rurale.

Après plusieurs tentatives sans succès d’arrêter les responsables de cette réunion de contestation, se heurtant à une résistance farouche des jeunes, la police fait usage de sa force répressive comme à son habitude : sans aucun scrupule, elle lance des gaz lacrymogènes dans cette foule compacte composée de vieillards et de femmes. La foule se disperse mais elle ne plie pas. Les jeunes reviennent aussitôt à la charge et repoussent la police à l’aide des jets de pierres. Surprise par la détermination de ces villageois, la police recourt aux armes à feu, elle fait à plusieurs reprises des tirs de sommation à balle réelle dans le but de semer la peur et ainsi mettre fin au rassemblement. C’était sans compter sur la détermination de ses participants. La réunion a lieu malgré les risques.

L’objectif de cette force de répression sous les ordres du Maire Guégué était d’empêcher cette assemblée de se tenir ; les jeunes de Kaback l’avaient compris, la poursuite de cet évènement qui les réunissait jusqu’à son terme était devenu alors pour eux comme une sorte de combat pour l’honneur. Ils étaient prêts à faire tous les sacrifices possibles pour sa réussite. Je suis resté stupéfait face à cette détermination, leur courage m’a laissé sans mot.

Afin de réussir ce pourquoi ils sont là, à savoir je rappelle, l’installation d’une antenne du FNDC et une déclaration commune contre la position de leur maire ; les jeunes participants montent une stratégie encore plus audacieuse pour défendre la place où se tenait le rassemblement. Je me réserve de donner davantage de détails sur cette stratégie, mais elle a été payante, car la police a été chassée et contrainte de se barricader dans les périphéries du siège de la mairie. La réunion s’est poursuivie et les participants ont adopté une résolution dont les grandes lignes sont entre autres :
– Leur opposition au troisième mandat pour un Président qui laisse leur ile mourir à petit feu par son incapacité à reconstruire la digue qui les protégeait
– Dénoncer l’attitude du maire Almamy Oumar dit Guégué qui les empêche de jouir de leur liberté de réunion et d’opinion
– Demander la démission du maire Almamy Oumar qui a trahit leur confiance en disant que Kaback soutient le troisième mandat

La résistance des habitants de Kaback face à la force de répression du pouvoir, le courage de ses populations à s’opposer clairement à leur élu qui parle en leur nom sans demander leur avis est une leçon qui doit inspirer toutes les communautés du pays. Si des villageois, de simples agriculteurs ont surmonté leur peur et ont pu dire devant les armes et face à la répression qu’ils ne sont pas d’accord avec une idée qui ne leur apporte rien, nous devons tous prendre conscience du danger que court notre démocratie et que l’heure n’est plus à la résignation. Il est temps d’agir ! Kaback nous donne la voie…

Ousmane MORIAH KABA pour guineebox.com