Déclaration n°02/2011 du 20 juin 2011

L’Association Guinéenne pour la Transparence (AGT), Contact National de Transparency International en Guinée exprime sa vive préoccupation sur l’état de la promotion de la bonne gouvernance et en particulier de la lutte contre la corruption en Guinée…

Pourtant, dès sa prise de fonction, le Président élu a posé des actes porteurs d’espoir, à savoir :
1    le dépôt, dans les délais, de sa déclaration de biens à la Cour Suprême, comme le prescrit l’article 36 de la Constitution ;
2    la publication d’une première liste des débiteurs de l’Etat et le lancement de procédures pour la récupération des montants compromis ;
3    le déblocage d’importants moyens financiers  pour la campagne agricole en vue d’assurer une autosuffisance alimentaire ;
4    l’affirmation forte « qu’il ne s’agissait pas de changement de Président mais d’un changement de régime et qu’il avait hérité d’un pays et non d’un Etat ».
Ce dernier diagnostic correspond à la triste image de la Guinée de ces dernières années minée par la corruption et la drogue. C’est justement contre cette mal gouvernance généralisée que les syndicats et la société civile lancèrent la grève de janvier-février 2007 pour arrêter la descente aux enfers du pays et amorcer un véritable changement de régime et de gouvernance.

D’ailleurs, toutes les enquêtes d’opinion mondiales sur la gouvernance et le développement révèlent le mauvais classement de la Guinée. A preuve, de 2006 à 2010, sur l’Indice de Perception de la Corruption de Transparency International, la Guinée est scotchée :
1 – en Afrique : dans les cinq pays les plus corrompus ;
2 – dans le monde : dans les dix pays les plus corrompus.

A ce jour, les faits suivants créent des doutes, interrogations et inquiétudes sur la poursuite efficace de la lutte contre la corruption :
1    la non publication par le Journal Officiel de la République, six mois après l’installation du gouvernement, de la déclaration de biens du Président de la République et des ministres : aucune information dans ce sens n’est accessible ni à la Cour Suprême, ni au Secrétariat Général du Gouvernement ;
2    la  publication incomplète des listes des débiteurs de l’Etat ;
3    l’absence de communication sur le niveau de recouvrement et sur l’avancement des poursuites judiciaires;
4    la nomination à des postes de responsabilités (cabinets présidentiel, ministériels, comite d’audit) de présumés personnes débiteurs de l’Etat ou présumés auteurs de détournement de deniers publics  citées dans la presse et les rapports d’audit ;
5    la modicité des allocations de dépenses budgétaires réservées au ministère du contrôle économique et financier et ministère de la Justice (respectivement 0,07 et 0,40% du budget de l’Etat 2011) ;
6    l’absence de fonds de soutien d’Etat à l’Initiative de Transparence des Industries Extractives (ITIE).
Face à cette situation, l’AGT estime que, pour éviter d’altérer le contrat de confiance entre les citoyens et ceux qui dirigent ou contrôle l’action publique, ces derniers ont l’obligation de probité, d’éthique et de transparence.

L’AGT affirme que les débiteurs de l’Etat ou les personnalités sur lesquelles pèsent des soupçons de corruption ou de détournement de deniers publics, sans avoir apporté la preuve de leur innocence, sont moralement disqualifiées pour exercer des responsabilités publiques de direction, de gestion, de contrôle et de conseil.

Sous d’autres cieux, toute personnalité publique mise en cause démissionne ou est limogée pour sauver l’image de l’Etat, de l’éthique et de la déontologie dans la sphère politique, administrative et celle des affaires.

Partant, l’AGT demande au Président de la République et au Gouvernement, comme ils l’ont toujours affirmé, de conformer les actes à la parole en conduisant une politique énergique de bonne gouvernance et de tolérance zéro contre la corruption.

Aujourd’hui, le seul gage de développement de ce pays est de gouverner autrement et de :
1    prendre les mesures nécessaires pour que tous ceux qui sont incriminés, sans distinction et sans discrimination, dans les rapports d’audit justifient et répondent de leurs actes conformément à l’obligation de rendre compte à laquelle est astreint tout gestionnaire des affaires publiques ;
2    s’abstenir de nommer à des postes de responsabilité et de révoquer toute personne compromise dans des affaires de corruption et de détournement de deniers publics ;
3    publier les listes et rapports d’audit réalisés depuis le gouvernement KOUYATE de consensus afin que l’opinion et le citoyen prennent la mesure des résultats de la gestion  des affaires publiques du pays ;
4    publier les rapports d’audit ayant conduit à la révocation de certains Conseils communaux et communautaires;
5    entreprendre des actions de recouvrements et de poursuites judiciaires contre les débiteurs de l’Etat et tous les auteurs de détournements de deniers publics ;
6    publier dans le Journal Officiel de la République, les déclarations de biens du Président de la République et des ministres au moment de leur entrée en fonction ;
7    informer l’opinion publique sur les montants recouvrés et les sanctions prises à l’encontre des personnes indélicates ;
8    informer l’opinion sur les pénalités payées par Rio Tinto (700 millions de $) et Areeba (15 millions d’euros) et l’usage qui en sera fait;
9    engager des missions d’audit de la gestion du CNDD (Conseil  National pour la Démocratie et le Développement) et du Gouvernement de Transition ;
10    doter le ministère du Contrôle Economique et Financier et le ministère de la Justice en charge de la détection et de la répression de la corruption et des détournements de deniers publics de moyens financiers et techniques qui leur permettent d’endiguer ces fléaux ;
11    doter l’ITIE Guinée de moyens financiers et techniques lui permettant de fonctionner, de produire ses rapports annuels et de réaliser sa validation ;
12    veiller à la gestion transparente, efficiente des fonds alloués à la campagne agricole en vue d’empêcher tout détournement ;
13    produire le texte de création du Comité d’audit précisant ses attributions et ses liens fonctionnels avec le ministère du Contrôle Economique et Financier.
L’AGT invite toutes les composantes de la société civile et tous les citoyens à se mobiliser pour accroître le contrôle citoyen sur les actes de ceux qui nous gouvernent et qui ont pour mission de nous servir et non de se servir.

Combattons la corruption, car ne rien faire, c’est laisser faire.