D’après Tibou Camar « En Guinée, il faut croire qu’il n’y a jamais d’alliances définitives, il faut croire aussi que toutes les ruptures sont toujours prévisibles. Et pour cause ? En chaque ami, il y a un ennemi, en chaque ennemi, il y a un ami. ça y est, Moussa Dadis Camara n’avance plus masqué »…
Il vient de sortir du bois et des archives où on l’avait rangé. Enfin, serait-on tenté de dire, car pour qui connaît l’homme qui aime tant faire parler de lui et créer souvent l’événement porté en permanence sur les actions d’éclat, le long anonymat et l’attitude résignée du vaincu vivant un exil forcé ont dû terriblement peser sur lui. L’homme qui revendique son honneur et assume son orgueil a souffert au fond de lui de passer pour un paria ou un apatride.
La prise de position tranchante de Papa Koly , « ça n’a que trop duré « , proche de Dadis Camara ou parfois en froid avec lui au gré des circonstances de la vie ou des aléas politiques, ou selon tout simplement que leurs intérêts coïncident ou non, sonne comme une sentence : la fin des faux-semblants et des faux-fuyants dans le show politique et médiatique du feuilleton Dadis ayant bénéficié aux « vautours » ou « chauve-souris » de la politique.
« ça a trop duré », signifie la fin de l’ambiguïté autour d’un homme réputé lunatique et imprévisible, donc un possible soulagement aussi pour le leader du GRUP plus visible que tous les autres leaders ou potentiels candidats aux élections sur les terres de Moussa Dadis Camara. En effet, si l’ancien président du CNDD garde intacte sa côte de confiance et d’adhésion en Forêt, c’est Papa Koly qui , en attendant, occupe le terrain laissé vide par son départ du pouvoir et son éloignement du pays qui a suivi. Possibles partenaires ou concurrents déclarés ? L’avenir proche le dira.
« ça a trop duré », parce qu’une clarification était nécessaire à propos du discours et de l’attitude de l’ancien chef de l’Etat à l’égard du pouvoir et de ses amis et héritiers politiques , tant la confusion a régné pendant trop longtemps et a été souvent marquée par des déclarations spectaculaires supposées engager Moussa Dadis Camara et de cinglants démentis tout de suite de la part de ce dernier. Qui il fallait croire ? Qui il ne fallait pas croire?
A juste raison donc, gagnés par le doute, beaucoup de Guinéens continuaient à se poser des questions à propos de la vérité et de la nature exacte des relations entre Alpha Condé et Moussa Dadis Camara. Surtout qu’il fallait suivre au jour le jour , parce que ces relations évoluent en dents de scie , l’ancien et le nouveau Président ayant en commun le défaut d’être impulsif, donc d’humeur variable et imprévisible.
Moussa Dadis Camara a tout fait pour avoir des relations apaisées avec son successeur lointain. Par son silence, ses prises de parole publique et parfois des actes d’allégeance, l’ancien officier a donné des gages de confiance et de soutien au nouveau Président. Il a attendu, en retour et en vain, la reconnaissance de son statut d’ancien Chef de l’Eat, a espéré son retour au pays avec la « couverture politique et une immunité judiciaire » de la part de Alpha condé, comme celui-ci s’y était engagé pour obtenir son précieux soutien. Mais comme toujours, le vieil opposant devenu président passé maître dans l’art de plaire à ses ennemis et de frustrer ses amis a déçu.
« ça n’a que trop duré », enfin annonce la fin d’un vrai-faux suspense sur le « cas » de Dadis qui n’est pas isolé pour un régime qui commence à s’habituer à exiler les citoyens et à les exclure du débat démocratique, alors qu’il ne leur est rien reproché officiellement. Les questions que Dadis adresse à Alpha Condé par l’acte qu’il vient de poser est un test pour rétablir la confiance et envisager de nouvelles alliances ou au contraire pour consacrer la rupture désormais en marche : Peut-il ou non rentrer chez lui, en Guinée, maintenant qu’il en manifeste ouvertement le désir et le besoin? Ou sera-t-il un otage du régime Condé à Ouaga? Jusqu’à preuve du contraire, jouit-il de tous ses droits et donc peut se porter candidat à l’élection présidentielle ou des manœuvres politiques, puisque la justice ne l’a pas encore inculpé ou condamné, seront utilisées pour lui barrer le chemin qui mène au palais « Sékhoutoureya »?
Alpha Condé qui devra maintenant faire face à la tempête, pour prévenir l’orage, a fait appel à des amis, proches, parents de l’ancien Président du CNDD, disqualifiés aujourd’hui, parce qu’il se rend compte à ses dépends et peut-être tardivement qu’ils n’ont pas d’influence sur « l’électron libre » que Moussa Dadis a toujours été : il ne décide ou n’agit pas par « procuration ou délégation de pouvoir à des tiers ». Les masques tombent !
En tout cas, l’entrée en politique de Moussa Dadis Camara, loin du hasard, a été synchronisée entre le Burkina et la Guinée, minutieusement préparée et jouée en plusieurs actes : démission de l’Armée, OPA sur un parti politique et le point de presse du Lundi dernier de Ouaga, dernier acte d’une chronique d’un retour annoncé au pays et au…pouvoir ! L’homme du 22 décembre 2008 n’a jamais caché aimer le pouvoir et ne semble trouver son équilibre que lorsqu’il est entouré des gens qui l’aiment et qu’il aime aussi, il éprouve un bonheur sans pareil dans les grand-messes populaires. L’exil ne lui convient donc pas. Surtout que « ça a trop duré ». Et il garde sans doute encore le souvenir humiliant -pour lui qui a dirigé la Guinée- de son dernier séjour dans son pays où il est entré comme « un migrant clandestin » pour en sortir comme un « fugitif ennemi public no1 »
Le piège pour Alpha Condé
C’est mal connaître Moussa Dadis Camara que de croire qu’il peut rouler pour un autre, tout comme ce serait un pari risqué de prévoir avec lui les événements ou de pronostiquer sur ce qu’il va faire. L’ancien Président en a encore apporté la preuve en prenant de court partenaires et adversaires. Parce qu’il a décidé d’entrer en Politique et de présenter sa candidature à l’élection présidentielle prochaine sans en avoir informé Alpha Condé qui, trop sûr de le « tenir », a toujours entretenu l’illusion qu’il n’a rien à craindre de lui. Las, Dadis c’est Dadis, un homme libre et incontrôlable !
En Forêt, son fief naturel où il est en droit de revendiquer la majorité de l’électorat, il sera un interlocuteur et un partenaire incontournable et un redoutable concurrent avant tout et tout le monde pour Alpha Condé qui, avant ce bouleversement dans le paysage politique et l’échiquier électoral, comptait sur les électeurs de Dadis et d’autres leaders de la région pour réussir son coup de force électoral : une victoire dès le premier tour du scrutin présidentiel. On comprend dès lors que le Chef de l’Etat panique après le « coup de tonnerre de Ouaga » qu’il ne peut que regretter et surtout redoute un retour en Guinée de « l’enfant terrible de Koulé ». Le vide de son absence du pays à cause d’un exil aussi forcé qu’injuste lui profitait, avec l’espoir de sa consigne de vote en sa faveur grâce à son manteau de Président de la République.
Alpha Condé a, tour à tour et pendant longtemps, agité avec Dadis la menace des poursuites ou lui a fait miroiter une protection, voire une immunité de sa part, à condition qu’il s’aligne derrière lui et se résigne à son exil. Mal lui en a pris. En descendant dans l’arène politique pour lui disputer son fauteuil, Moussa Dadis Camara établit un « équilibre de la terreur » qui oblige Alpha Condé à se prononcer clairement, ici et maintenant, sur son sort judiciaire et politique par les actes après les conciliabules, promesses et tous les marchandages. L’histoire du trompeur trompé : la moralité de l’affaire, Moussa Dadis Camara a toujours trompé par les apparences et ses intentions. Il n’est jamais là où on l’attend, il ne se fie qu’à son instinct politique et militaire, il n’a jamais été au service que de son ambition personnelle au bout de laquelle il est toujours déterminé à aller et dont il sait se donner tous lesmoyens.
Le camarade Alpha qui a trouvé plus malin que lui est prévenu.
Tibou Kamara