Blé Goudé écrit aux Ivoiriens : Je suis vivant !

Mes chers compatriotes,

Si certains ont  souhaité  ma disparition physique, d’autres, plus nombreux certainement, aimeraient me voir en vie afin que je puisse participer au débat politique dans notre pays, la Cote d’ivoire…

Dans tous les cas, cette situation m’aura permis d’expérimenter la symbolique des funérailles du vivant dont me parlait souvent mon grand père.

En effet, vivant, j’ai assisté à mes funérailles à plusieurs reprises. Je sais que toutes les tentatives des uns et des autres pour me tuer sinon physiquement à tout le moins médiatiquement sont la preuve de l’intérêt qu’ils portent à  ma personne et à  notre combat.

A ceux qui ont jubilé à l’annonce de ma prétendue mort je souhaite longue vie.  La vie humaine est sacrée. Toutes nos croyances ne nous enseignent- elles pas que nul ne doit ni souhaiter  ni fêter la mort de son prochain, fut-il son pire ennemi? Et dire que parmi ceux qui ont jubilé à l’annonce de ma  »mort » se trouvent certains individus se targuant d’avoir été mes collaborateurs(?)

Je voudrais inviter ces papillons politiques toujours à la recherche du nectar à méditer les paroles suivantes:  » ce sont les abeilles qui produisent le miel ».

A vous qui, jusqu’ à cette adresse, portiez dans la tristesse et le silence le « deuil », soyez rassurés, je suis bel et bien vivant!

Mes chers compatriotes,

Je sais tout ce que nous subissons dans nos quartiers, nos villages, nos campements, sur nos différents lieux de travail…

Je sais que des villages entiers ont été incendiés obligeant de nombreuses populations paysannes à trouver refuge en brousse.

Je sais que, invitées à reprendre le service, les forces de l’ordre formées par l’Etat de Côte d’ivoire sont traquées, humiliées voire assassinées.  La dernière trouvaille serait de  payer leurs salaires désormais main en main. Du jamais vu !

Je sais que pour échapper à la furie des tortionnaires de nombreux Ivoiriens sont aujourd’hui refugiés dans des pays voisins sans le moindre sou.

Le fait d’avoir battu campagne pour La Majorité Présidentielle (LMP) étant désormais considéré comme un crime dans notre pays, nous continuons de subir  des exactions de tout genre.

Chaque jour, d’honnêtes citoyens sont pris en otage. Les  plus chanceux sont libérés moyennant une rançon  dont le montant varie selon les humeurs de leurs bourreaux.

Il ne se passe pas un seul jour sans que nous ne soyons dépossédés de nos biens. Les véhicules, les appareils électroménagers, les fauteuils sont emportés au nom de la démocratie. Même  les casseroles, les verres, les cuillères  n’échappent pas à leur appétit.

Je sais aussi que certains Ivoiriens, malgré leur appartenance au RHDP, ont vu leurs biens, fruits de plusieurs années de durs labeurs, emportés ; d’autres ont même été tués.

Sous le fallacieux prétexte de recherche de caches d’armes, ils tuent, violent et traumatisent impunément.

Mes chers compatriotes,

Voici autant d’actes qui sont en total déphasage avec l’esprit de réconciliation dont notre pays a plus que jamais besoin; réconciliation dont j’avais déjà ouvert les chantiers a travers plusieurs actions pour tenter de réduire la fracture sociale déjà trop profonde. Souvenons-nous de la Caravane de la Paix.

En clair, au delà des slogans, la réconciliation doit se traduire en actes concrets surtout quand l’on sait que le président Gbagbo et plusieurs de ses compagnons sont illégalement incarcérés et isolés dans le nord  de la Cote d’ivoire.

En outre, notre pays, atteint du syndrome de l’allégeance et de la ‘’postophilie’’, enregistre le retour de caméléons politiques qui se vantent d’avoir prédit ce que nous vivons aujourd’hui.

Ces nomades politiques sans conviction accusent aujourd’hui le président Gbagbo de tous les maux d’Israël.

Comme vous le savez, chers concitoyens, quelle que soit la virulence d’une épidémie elle ne contamine jamais tout le monde. C’est pourquoi, je voudrais  rassurer mes frères Ivoiriens et Africains que dans ce capharnaüm, je demeure lucide.

Mes chers compatriotes,

Dans cette douloureuse épreuve, sachons rester dignes et solidaires. A ce stade de mon propos, je voudrais remercier tous ces Africains et Africaines pour leur soutien à cet autre virage dans l’histoire de notre continent. Point n’est besoin de douter car dans cette montagne de désespoir doit nécessairement se creuser un véritable tunnel d’espérance pour le bonheur des générations futures.
En ce qui concerne les sujets qui engagent la vie et l’avenir de notre pays, la COTE D’IVOIRE, je me prononcerai  prochainement.

Je suis vivant !
Que Dieu bénisse la Cote d’ivoire.

Charles Blé GOUDE