Cela aurait été le seizième ou le dix-septième tripatouillage de la constitution sénégalaise en onze ans et demi de pouvoir. A tel point que le président Wade a rendu la loi fondamentale du pays méconnaissable…
Loi devenue un brouillon taillable et révisable à souhait, l’habit grossier est bon à jeter à la poubelle une fois que le pouvoir SOPI aura rendu l’âme. L’âme baigne pour le moment dans une huile où, à dose égale, il y a mépris pour le bon sens et mépris pour le peuple. L’esprit de Wade s’y est englué jusqu’à oublier que dans le pays qui lui donna le jour, il y a une réalité autre que le jeu du maintien du pouvoir
La dernière tentative de reforme constitutionnelle a à la fois quelque chose d’inouï, de triste et de cocasse. Alors que des gens donnent leur vie partout dans le monde pour assurer la règle du règne par la majorité, Wade ne trouva rien à faire que de proposer de gagner seulement par le quart des voix exprimées plus une. C’est derrière ce montage qu’il voulut aussi dissimuler le rêve de dynastie de la maison Wade qui l’habite. Selon les rumeurs Wade avait trouvé des caciques dans l’opposition pour occuper le strapontin de vice-président. Dans son alchimie, le marabout du SOPI avait conçu un plan d’une brillante simplicité. Quand il serait sacré président avec 25%, il démissionnerait au bout d’un certain temps laissant au vice-président (devenu président) le soin de nommer Karim au marchepied vers la présidence. Dans ce calcul byzantin il semblerait aussi que le nouveau président devrait se faire hara-kiri (après un temps indéfini) pour enfin laisser la place tant prisée de président au fils-béni.
Au-delà de son caractère monumentalement cocasse, ce calcul tarabiscoté appelle plusieurs remarques.
L’échec de Karim Wade aux élections locales de la zone B à Dakar est devenu un complexe de famille dans la maison Wade. Il fut perçu comme une preuve irréfutable de la médiocrité du fils que les parents compensèrent par des mesures à l’encontre du bon sens. Aussitôt après des élections qui furent un signe sans équivoque du désaveu du régime du SOPI, le père foula au pied la bonne vielle recette du « Qui-aime bien châtie-bien », surtout quand le châtiment est mérité. Wade ne trouva rien de mieux que de consoler le fiston par un ministère qui fut réaménagé quelques mois plus tard en premier ministre de fait. L’inspiration de l’acte est à chercher tout aussi bien du coté de la folie de l’infaillibilité de sa dynastie virtuelle que de l’oubli de l’adage qui dit que : « tu as beau soulever un crapaud, il retombera sur ces pattes ». Dans la vanité des Wade, il y a un aveu de modestie intrinsèque refoulée. Les promotions mirobolantes des fils ne sont en dernière analyse que l’admission par le père que les enfants ne sont pas à la hauteur. Elles sont la reconnaissance implicite qu’ils sont incapables de se hisser de par eux-mêmes sur le champ de la compétition. C’est l’aveu que le rejeton Karim en particulier n’a pas la fibre de leadership qui aura inspiré le montage qui vient d’échouer. Karim ne manque aucune occasion de confirmer le fait avec ses évitements et ses fuites face à la faillite de sa mission. Pour prendre un minimum de responsabilité, il faut un minimum de grandeur et de compétence. Au contraire Karim recourt encore à la recette usitée du bouc-émissaire avec un comportement enfantin qui pointe du doigt vers les syndicats qu’il accuse de sabotage de surcroit. En montrant qu’à l’incompétence il allie l’irresponsabilité, Karim confirme le désaveu inconscient de son père.
L’autre aveu du montage de Wade est qu’il reconnait, à huit mois des élections, qu’il ne peut pas compter sur plus de 25%+1 de l’électorat sénégalais. Dans un signe de déclin et de fin de règne où la mise du désespoir repose sur le fils, Wade fait montre d’une bien triste performance. Le pape du SOPI aura décidément oublié les reflexes de survie qui avaient fondé et soutenu sa carrière de politicien. Le dictateur aux abois exhibe un manque flagrant d’imagination dans l’ardeur de survie si caractéristique des gens de son acabit. La fin de son règne restera empreinte du symbole d’une arithmétique d’illuminé qui cherche à faire dire aux chiffres autre chose que leur valeur ; une métaphysique qui cherche à traficoter la notion de majorité pour la rendre conforme à de folles espérances.
Pour l’opposition sénégalaise, il reste à comprendre que la quête de la paix à tout prix est une forme ultime de démission qui fait le lit à la dictature. Pour les citoyens moyens, le comportement du pouvoir actuel devrait dissiper le mythe d’une exception historique qui mettrait le Sénégal naturellement à l’abri d’une dictature. On retiendra que face aux régimes sourds, le cocktail-Molotov a prouvé être un vocable efficace. Quelques incendies de maisons et de voitures de faucons du régime ont convaincu une majorité jusque là au garde-à-vous à sauver la nation de la folie du chef. Mais Wade continue de pérorer sa déférence aux marabouts pour ne pas admettre que dans l’après-midi du 23 Juin 2011, il n’avait pas de votes pour faire adopter son projet de loi. Méconnaissant que les pays des fois grandissent en une journée, il alterne entre les menaces, les courbettes et les suppliques par fils interposé. Les opposants au régime auraient tort de se prendre dans ces jeux et ces fausses reculades. Face aux multiples désaveux qu’il a accumulés, le faux-roi n’a plus rien à perdre. Il s’avère nu et sait que le monde le sait. C’est dire que d’ici Février 2012, il faut s’attendre à des trouvailles dangereuses et se préparer en conséquence.
Ourouro Bah