«LA CITOYENNETE PASSE FORCEMENT ET AVANT TOUT PAR LE RESPECT DE LA LOI»

L’heure est à la recherche de la création du « Guinéen Modèle » avec la semaine de la citoyenneté qui a eu du mal à se mettre en place. Mais d’abord et avant tout, j’ai envie de dire à mon petit Djakhanké, qu’il ne faut jamais tordre le coup à la loi même pour mettre en place une semaine de la citoyenneté…

En effet, nous avons suivi les difficultés à débloquer les fonds pour cette semaine. On dit simplement qu’on ne peut pas dépenser pour une activité qui n’a pas été budgétisée. Oui Monsieur DIABY ! Si l’idée de la semaine citoyenne est excellente par les temps qui courent, elle aurait dû être prévue dans la loi de finances initiale de 2016 ou celle rectificative qui n’a toujours pas été présentée à nos jours. Le respect de l’orthodoxie financière est aussi une preuve de citoyenneté.

On ne peut donc pas marcher sur la loi juste pour faire quelque chose de bien. J’aurais préféré une inscription de cette activité dans la loi de finances 2017 et la voir reporter au 1er Novembre 2017 avec une meilleure préparation, au lieu de créer une dépense non prévue ni dans le budget initial, ni dans celui rectificatif de 2016.

Après avoir mis les fondamentaux pour montrer que l’on ne peut pas faire tout ce qui nous passe par la tête sans aucun respect de la loi, juste par ce que c’est une bonne chose pour le pays. La journée d’aujourd’hui est celle des initiatives citoyennes et individuelles. Je me propose de faire cette réflexion pour alimenter le débat citoyen en guise de contribution.

Ma contribution portera sur une analyse et un appel à la suite de la publication du rapport d’audit commandé par le Ministère des Finances sur les Marchés Publics. Il y a dans ce rapport des informations qui méritent d’être mentionnées et traitées pour la lanterne du citoyen. Cette analyse se fera en parallèle avec le scandale qui prévaut au sommet de l’Etat Sud Africain.

Le Chef de l’Etat Sud Africain fait l’objet, d’un rapport officiel qui doit sortir cette semaine, d’une accusation de collusion de grande ampleur entre des ministres et la richissime famille d’hommes d’affaire Gupta, le tout sous l’œil complice du Président Jacob ZUMA.

Dans ce rapport, la Médiatrice exhorte le parquet et l’élite de la police d’enquêter sur ces accusations graves. Elle donne aussi plusieurs ultimatums au Chef de l’Etat dont 30 jours pour nommer une commission d’enquête et 6 mois pour que celle-ci mène à bien son enquête qui sera remise au Parlement. Il reviendra ainsi aux députés de situer les responsabilités. Elle insiste enfin sur le fait qu’elle veillera à l’application de ces recommandations et somme la Présidence et le Parlement de lui fournir régulièrement des comptes-rendus sur sa mise en œuvre.

A titre de comparaison, concentrons-nous-en cette merveilleuse semaine citoyenne sur les conclusions du rapport d’Audit Externe des Marchés Publics passés au titre des exercices budgétaires 2013, 2014 et du Premier Semestre 2015, commandité par le Ministère de l’Economie et des Finances.

Pour commencer, il faut déjà souligner que cet audit concerne Vingt-Quatre (24) Autorités Contractantes dont la Présidence de la République, l’Assemblée Nationale, la CENI et naturellement les Différents Ministères. La Première faiblesse du rapport se trouve dans le fait que nous n’avons pas la répartition des marchés octroyés par structure.

Sur un portefeuille de 146 Contrats, un échantillon de 68 marchés a été sélectionné pour l’audit de conformité. Cet échantillon ne représente même pas 50% du portefeuille et a un montant de 12 171 Milliards de Francs Guinéens. La mission est arrivée à la conclusion que 13% de cet échantillon sont conformes, 63% non-conformes et 24% n’ont pu être audité pour carence documentaire, donc non-conformes. Nous avons donc 87% d’un échantillon de 68 marchés qui ne sont pas conformes aux dispositions du code des marchés publics.

Voyons un peu ce que cela représente par rapport au budget de dépenses de ces années concernées.

En Milliards de FG

    Montants  
Années Budget Marchés % du
Concernées Dépenses Octroyés Budget
2013 13 540 7 731 57%
2014 13 916 10 864 78%
2015 16 681 2 380 14%
44 137 20 975 48%

Nous constatons l’importance de ces marchés octroyés en 2013 et surtout 2014. Vous me direz que Ebola est passé par là. Mais le plus important reste ce que la Mission a noté, entre autres faiblesses :

1. La défaillance et dans certains cas l’inexistence d’un système physique de classement et d’archivage de documents des marchés passés ;

2. Le recours aux procédures de gré à gré pour 92% des marchés n’est pas conforme aux dispositions du code des marchés publics ;

3. La mise en place d’un système de paiement qui n’a pas de base légale au regard des textes régissant les marchés publics. En effet, aucun texte, ni les codes des marchés publics, ni leurs textes d’application ne prévoient le Préfinancement des marchés publics avec une garantie de l’Etat. De plus, cette procédure de paiement se fait en dehors de la chaîne de la dépense publique et les régularisations ultérieures envisagées dans les budgets respectifs des autorités contractantes ne sont pas systématiques, mieux elles sont rares ;

4. La non inscription dans un plan prévisionnel annuel des marchés passés en 2015, alors que la mise en vigueur du code des marchés publics de 2012, exige que les marchés passés doivent faire l’objet d’une inscription préalable dans un plan de passation de marchés ou dans un plan révisé. Les marchés audités concernant 2013 et 2014 ne sont pas soumis à cette exigence.

Pour une meilleure idée de l’ampleur et de la gravité des révélations de ce rapport d’audit, prenons le temps d’examiner le tableau ci-dessous pour faire le point des marchés octroyés sous la base du gré à gré :

En Milliards de FG

  Marchés Marchés Marchés % des
Années Par Appel Par Consultat. Par Gré à Marchés Par
Concernées d’Offre Restreinte Gré Gré à Gré
2013 4 238 1 912 1 582 20%
2014 5 047 52 6 228 55%
2015 1 103 113 1 163 49%
10 388 2 077 8 973 42%

Nous constatons qu’à l’arrivée de l’Assemblée Nationale, les attributions des marchés sur la base du gré à gré étaient de l’ordre de 20%. Depuis la présence de cette entité sensée contrôler l’action gouvernementale et le respect des règles et procédures en matière de passation des marchés publique dans notre pays.

En Milliards de FG

  Marchés Marchés Marchés % des
Par Appel Par Consult. Par Gré à Marchés Par
Description d’Offre Restreinte Gré Gré à Gré
Marchés à auditer 3 184 65 8 963 73%

Sur un marché à auditer de 12 212 Milliards, Près de 9 Milliards, soit 73% ont été attribués sur la base du gré à gré avec toutes les conséquences que cela entraîne pour une économie aux aboies.

Pour nous permettre d’être au même niveau d’information, il faut savoir qu’un audit n’est pas orienté vers une personne, mais vers un système de gestion à un moment donné. C’est à l’issu de cet audit que les autorités détermineront s’il s’agit d’un simple manque d’information/organisation, donc un besoin de renforcement de capacités ou, au contraire s’il s’agit d’une volonté réelle de détournement. Dans ce dernier cas, une enquête plus approfondie devrait être menée, afin de situer les responsabilités et de traduire les coupables devant les tribunaux.

Mais qui va diligenter cette enquête à la suite de ce rapport ? La Présidence est impliquée de la même manière que l’institution qui représente le peuple et qui est sensée être le garant du contrôle des deniers publics.

Le seul recours reste le citoyen et lui seul, à travers une mobilisation citoyenne, afin de se faire entendre en cette semaine de la citoyenneté pour exiger que le point saillant de ladite semaine ne soit pas des passages intempestifs du Diakhanké dans les médias pour nous dire ce qu’est la citoyenneté, ou le démagogue Ministre de la sécurité faisant la circulation, mais exiger des enquêtes indépendantes pour donner suite à ce rapport d’audit, pour permettre de situer, en cette période de Session Budgétaire, les responsabilités et faire en sorte que de nouvelles résolutions/engagements soient pris à tous les niveaux de la vie de la nation.

La réussite de la semaine citoyenne n’est qu’à ce prix.

Mamadou BARRY

Analyste Financier, biromobocar@gmail.com, +224 628 28 09 09

Source : Le Rapport d’Audit.