Toute l’opinion, tant nationale qu’internationale se demande tous les jours pourquoi les choses sont comme elles sont en Guinée. Pourquoi le guinéen ne fait jamais rien à la normale ? Pourquoi la particularité guinéenne ? Pourquoi ce Paradoxe devenu énigmatique ? Pourquoi on est si fier de cette expression : « Ici, c’est la Guinée ! »…
Prenons le temps d’une petite pause et procédons à une petite analyse rétrospective en trois phases pour voir qu’effectivement, il y a lieu de se poser des questions sur cette capacité ou incapacité à pouvoir nous sortir de ce cercle vicieux dans lequel on se perd à chaque lueur d’espoir. Ce tourbillon amène les plus optimistes à se dire que peu importe le dirigeant qui arrive, le SYSTEME le bouffera ! Ahh, le mot est laché !
Première Phase : l’Avènement de la République de Guinée (1958)
Sans chercher à refaire l’histoire, on se souviendra que Sékou TOURE, dans le but d’asseoir son pouvoir solitaire, avait besoin d’isoler la Guinée de l’occident et surtout de la France. Dans l’enthousiasme de l’indépendance, des cadres, fraîchement sortis des universités Françaises ont décidé de se mettre à la disposition de leur jeune Etat. Le Responsable Suprême, au lieu de les mettre en position de construire cette nouvelle et jeune nation, s’est mis à les anéantir systématiquement dès le début des années soixante.
En installant le PDG et ses structures, comme instrument de liquidation des cadres, il s’est donné pour seul et unique objectif, la formation et l’installation d’un nouveau type de guinéen. Ce sera les cadres d’aujourd’hui qui sont nés entre 1940 et 1955. A la fin des Années Soixante (1960), les plus âgés de ces cadres avaient juste l’âge d’entrée à l’université avec une solide formation idéologique qui leur donne une bonne base pour apprendre les fondements des principes de la Révolution que sont le mensonge, la délation, la tricherie, la trahison, la démagogie, la falsification, le vol, l’espionnage et la dénonciation.
Dès cette fin des Années Soixante (1960) et le début des Années Soixante-Dix (1970), la machine à répression du PDG s’est mise en place avec ses complots dans le but de liquider les cadres du pays. Nos jeunes cadres, à la force de l’âge seront formés à la culture du complot et à la notion de Cinquième Colonne. Ils assisteront à l’exécution des uns et à la pendaison des autres, toujours avec en ligne de conduite, les principes de la Révolution et la division des fils et filles de Guinée en bons et mauvais. Cette séparation s’exerce jusque dans les murs des établissements d’enseignement.
Vers le milieu des années Soixante-Dix (1970), les plus vieux de ces cadres sortent de l’université guinéenne et pendant que certains sont directement envoyés dans l’administration publique et l’enseignement d’autre partent pour des Entreprises d’Etat ou dans les pays de l’Ex Union Soviétique comme boursiers pour ceux qui sont de bon guinéens et les mauvais sont « recalés » parce que leur parents ne sont pas de bon guinéens, mais à la solde de l’occident.
Toujours dans le processus d’élimination des cadres du pays, la machine de la Révolution monte d’un cran dans la stigmatisation des uns et la liquidation des autres. A cette période, on a lancé le fameux « Situation Particulière du Fouta » avec une chasse ouverte à une communauté et une liquidation et une chasse à l’homme systématique des cadres de cette communauté. Une stigmatisation telle que certains changeront même de nom de famille pour ne pas être victimes de cette réalité. Pendant ce temps, nos jeunes cadres prennent de la graine à la bonne école. Ils voient les choses, apprennent les méthodes, se conforment aux pratiques et s’adaptent aux situations.
A Quarante ans à la fin des années Soixante-Dix (1970), les plus vieux de nos cadres sont en pleine maturité et investissement pleinement l’administration guinéenne et les plus jeunes subissent le même cheminement avec une formation encore plus approfondie dans la culture socialo-communiste des pays de l’Est ou Ex Républiques Soviétiques avec des experts venu de ces pays, de la Chine et de Cuba.
A la fin du régime de Sékou Touré, ces cadres sont en pleine croissance et investissent tous les compartiment de l’administration guinéenne, de la vie civile et des forces de défense et de sécurité. Comme il fallait s’y attendre, la nature ayant horreur du vide, le PDG n’étant plus aux affaires, les cadres qui se sont nourris sous sont régime ont tout simplement abandonné le navire à la disparition du Responsable Suprême de la Révolution.
Seconde Phase : Le Laisser Aller du Régime de Lansana CONTE (1984)
A cette date, les plus jeunes de nos cadres ont environ Trente ans et investissent le marché du travail avec leur aîné qui ont déjà préparé le terrain pour eux. Cette explosion dans les compartiments de la vie de la nation est favorisée par l’arrivée de militaires sans aucune expérience dans la gestion des affaires publiques. Le CMRN va dont venir se livrer à la horde de cadres qui connaissent tous les rouages de l’administration et face à la libéralisation et la fin de la peur du PDG, ils auront la liberté de s’installer comme ils veulent.
Dès 1985, à la faveur des exigences de la Banque Mondiale et du FMI pour désengager l’Eta de certaines activités, la guinée rentre dans un processus de privatisation, pardon de destruction et de liquidation sans aucune autre forme de procès des entreprises d’Etat. Ces cadres ont pris les choses en main et ni la junte de l’époque, ni encore moins Lansana CONTE, n’ont compris ce qui arrivait.
Dans la même lancée, un programme de restructuration et de réforme de la fonction publique a été mis en place avec le concours des Institutions de Breton Wood qui exigeaient le dégraissage du fichier de la fonction publique. Là, les cadres ont montré leur capacité de nuisance. Il était question de couper le gras, tout en incitant les uns et les autres à se lancer dans des activités privées avec une assistance. Non seulement les dégraissés ne verront pas la couleur de l’argent, mais aussi et surtout, ils sont remplacés par d’autres tout en maintenant les premiers dans le fichier. C’est là que la notion de fictifs est devenu un langage courant dans le vocabulaire guinéen.
A l’avènement du multipartisme intégral au début des années Quatre-vingt-dix (1990), nos cadres les plus vieux ont désormais Cinquante ans et certains d’entre eux commencent à voir la retraite arrivée. C’est la reconversion vers la politique et c’est forcément la course cers le PUP qui est le parti au pouvoir. Les actions de zèle sont de plus en plus visibles pour plaire à CONTE et obtenir un poste pour ne pas quitter la sphère qui vous a nourri durant toute votre carrière.
L’ensemble des cadres de notre fourchette est désormais en pleine activité dans la sphère de gestion du pays tant au niveau de l’Administration publique et de la Société Civile, qu’à celui des Opérateurs Economiques et des forces de Défense et de Sécurité. Tout est désormais sous le contrôle de ces cadres d’une autre époque et qui n’ont de référence que le système de la Révolution avec tout ce que cela implique comme conséquence néfaste sur la vie, la quiétude et la stabilité de la nation.
Ces cadres tourneront autour du régime de Conté pendant tout son règne occupant tous les postes toujours avec la même capacité de nuisance pour l’intérêt général au profit d’intérêts égoïstes et personnels.
Au début de 2007, le peuple de Guinée montrera son ras-le-bol de cette gestion calamiteuse des affaires publiques et nul ne doute que nos cadres répertoriés sont en grande partie responsables de cette gestion.
A la fin de Conté, Moussa Dadis CAMARA est venu avec des intentions, certes nobles de faire le nettoyage, mais si la volonté était réelle, le fils de Koulé a manqué de méthode et de structure pour mener à bien sa mission et tout porte à croire que le SYSTEME a aussi eu raison de lui.
Troisième Phase : l’Arrivée du Président « Démocratiquement » élu (2010)
Le monde comprend aujourd’hui pourquoi Alpha CONDE dit qu’il va reprendre la Guinée là où Sékou TOURE l’avait laissé et certainement avec ces cadres de type nouveau que le Responsable Suprême de la Révolution a donné en héritage à la postérité.
Ne connaissant rien de la Guinée, Koro se retrouve avec ces cadres dont les plus jeunes occupent tous les secteurs de l’Administration guinéenne, la Société Civile, le Syndicat, le Patronat, le Secteur Informel et les Forces de Défense et de Sécurité, en un mot tout le SYSTEME de gestion du pays.
Pendant que les uns s’occupent à lui trouver les moyens de se débarrasser de ses adversaires politiques, les autres instaurent une machine pour assouvir leurs ambitions personnelles et égoïstes.
Pour ce faire, l’arme la plus intéressante est la division des fils et des filles du pays en bons et mauvais, en natifs et étrangers, en ceux et celles qui étaient aux affaires hier et ceux et celles qui y sont aujourd’hui. Alpha ne se rend même pas compte qu’il ne s’agit que des mêmes cadres qui se retrouvent des deux côtés de la barrière qu’ils ont eux-mêmes installée à dessein.
Alpha est tombé dans le piège que ces cadres affectionnent le mieux et qui est celui d’entraîner n’importe quel dirigeant à plonger, tête baissée, dans la tribalisation du débat politique en dressant les ethnies les unes contre les autres, la catégories socioprofessionnelles les une contre les autres, les associations les unes contres les autres, les régions les unes contres les autres pour continuer à régner sur le pays.
Dans une perspective de court terme, comme gagner une élection présidentielle, cette instrumentalisation est bénéfique pour son initiateur, mais il est difficile de s’en sortir dans une gestion à moyen et long terme. Là, ces cadres de mauvais augure ont montré leur limite dans la construction d’une nation une et indivisible dans leur gestion au quotidien.
Le peuple de Guinée s’en rend compte, les observateurs s’en rendent compte et même Alpha lui-même s’en rend compte. Ces cadres d’une autre époque, partout où ils se trouvent ne sont plus en mesure de bâtir la Guinée que tous les citoyens souhaitent voir pour leur enfants. La fin de cycle a sonné et on ne peut pas parler d’une Guinée émergente, d’une réforme des forces de défense et de sécurité, d’une autosuffisance alimentaire, d’une réforme énergétique, d’une vision minière ou encore d’une modernisation de l’Administration avec des cadres aussi dépassés.
Mais il ne faut pas se faire d’illusion, ces cadres d’une autre ère ne se trouvent pas simplement au sein du pouvoir actuel, mais ils sont aussi au sein de tous les secteurs d’activité du pays y compris dans les partis politique tant du côté de la mouvance que de l’opposition. Cela signifie que même en cas d’alternance, il est clair que l’on ne changera que de Président que le SYSTEME resté intact va très vite convertir à sa cause qui est celle de préserver les intérêts individuels au détriments de ceux de la collectivité.
Le pays est pris en otage par ces individus qui constituent un syndicat très puissant et qui exerce une certaine solidarité entre les membres peu importe là où ils se trouvent au sein du SYSTEME.
Un premier exemple à souligner de cette solidarité s’exerce et se cristallise à chaque décision d’application d’une certaine réforme. On se souvient de cette fameuse liste « B » de Sidya qui était sortie sur les débiteurs de l’Etat à une époque et la machine n’a jamais laisser sortir la liste « A »
Un second est celui du domaine de l’Urbanisme et de l’Habitat avec Bana SIDIBE, surnommé pour l’occasion « tonton Casse-Casse » en relation avec la démolition des bâtiments qui occupent illégalement la chaussée. Avec beaucoup de bruits, mais le SYSTEME a très vite arrêté la machine.
Un troisième exemple se trouve dans la volonté de Moussa Dadis CAMARA à vouloir donner un gros coup de pieds dans la fourmilière, mais la machine a eu raison de lui quand il s’est attaqué aux narco, à la récupération des domaines de l’Etat, à rajeunir l’armée et l’administration et aux audits.
Du temps de Alpha Lui-même, la machine lui pose de gros problème dans sa volonté à aller de l’avant dans les réformes. De temps en temps, il montre des signes de lassitude et de désespoir parce qu’il semble qu’il n’arrive pas à voir le bout du tunnel après quatre ans d’exercice du pouvoir. Un gratuité de la césarienne qui ne porte aucun fruit, un Guichet unique qui n’est pas aussi bénéfique que prévu, des résultats d’audits qui ne portent rien de consistant et une tentative de récupération des biens de l’Etat qui tarde à se concrétiser.
La seule raison de ces échecs à différentes époques (Conté, Dadis et Alpha) reste le fait que ces cadres dont ont parlent tiennent la machine et bloquent toutes réformes qui ne vont pas dans leurs intérêts. A ce titre, les membres du syndicat se tiennent mutuellement les coudes parce que c’est une toile d’araignée et lorsqu’un maillon est décelé, c’est toute la machine qui tombe. En d’autres termes, le gouverneur actuel de la Banque Centrale n’a pas trop intérêt à critiquer la gestion de ses prédécesseurs parce que s’il y a faille, sa part de responsabilité sera aussitôt décelée parce qu’il fait partie lui-même du SYSTEME.
Alors que faire ?????
Il faut tout simplement mettre fin à cette prise d’otage de ces cadres dans tous les compartiments de la vie de la société. Pour ce faire, il faut que les nouvelles générations s’impliquent directement et effectivement dans le SYSTEME et à tous les niveaux, afin, dans un premier temps de comprendre cette machine, et ensuite, de la détruire dans le but d’en reconstruire une nouvelle au bénéfice de la collectivité.
La tâche ne sera pas aisée comme vous pouvez l’imaginer, mais c’est le prix à payer pour sortir la Guinée de ce cycle du perpétuel recommencement.
On ne peut pas faire du neuf avec du vieux !!!!
Les cadres d’une autre époque doivent dégager pour le bien de la collectivité.
C’est le prix à payer pour un nouveau et effectif départ dans la bonne direction !
Mamadou BARRY,
Analyste Financier mamadoubiro@yahoo.fr
628-28-09-09 (Orange – 28 – Septembre – 2009)