Nelson Mandela, mort d’une icone universelle par Nabbie Soumah

« Le meilleur hommage que l’on peut rendre à quelqu’un, c’est appliquer sa philosophie » nous recommande Dominique Sopo l’ancien président de SOS Racisme en rendant hommage ce matin à l’ancien président sud-africain Nelson Mandela et symbole de la lutte anti-apartheid.

Madiba (son surnom) est mort jeudi 5 décembre 2013, à l’âge de 95 ans, à son domicile de Johannesburg des suites d’une longue maladie après avoir été soigné pendant plusieurs mois pour une infection pulmonaire récurrente, résultat de ses 27 années d’enfermement, notamment dans la colonie pénitentiaire de Robben Island, près du Cap.

Pour tout un pays, comme pour le monde entier, il symbolisait la lutte contre les inégalités et restera dans l’histoire comme le premier président noir d’Afrique du Sud.

Militant, prisonnier ou président, il avait fait de son humanisme sa seule ligne directrice. Combattant infatigable de l’apartheid, il l’aura terrassé par son courage, son obstination et sa persévérance.

Malgré les épreuves personnelles et les humiliations interminables d’une longue détention, il a pu non seulement renverser un régime abject, mais réconcilier les Sud-Africains et faire prévaloir la démocratie.

Il fut pendant toutes ces années l’incarnation de la Nation sud-africaine, le ciment de son unité et la fierté de toute l’Afrique. Il aura fait l’histoire. Celle de l’Afrique du Sud. Celle du monde tout entier.

«Loin d’assumer un rôle divin, Mandela est au contraire pleinement et absolument humain : l’essence de l’être humain dans tout ce que ce mot devrait, pourrait signifier », a écrit sa compatriote romancière et afrikaner (une blanche) Nadine Gordimer, Prix Nobel de littérature en 1991 décerné pour son œuvre contre la ségrégation raciale dans son pays.

Décidé à faire cesser les inégalités auxquelles se frottaient les Noirs de son pays, Mandela avait choisi pour les combattre une voie au confluent, entre, d’une part, Mohandas Karamchand Gandhi (1869-1948) le guide spirituel de l’Inde et du mouvement pour l’indépendance de ce pays et, d’autre part, Ernesto « Che » Guevara (1928-1967) le révolutionnaire d’Amérique latine marxiste, internationaliste et dirigeant de la révolution cubaine aux cotés de Fidel Castro retiré du pouvoir depuis sept ans.

Cette voie allait d’abord le conduire en prison puis à la magistrature suprême, la gloire, au Panthéon des Grands Hommes et Femmes qui auront marqué l’histoire de l’humanité.

Dès son célèbre procès, il prenait une dimension nouvelle et se révélait à la face du monde, en prononçant notamment son fameux discours sur la démocratie, « un idéal pour lequel il est prêt à mourir ».

Emprisonné dans la tristement célèbre île-prison de Robben Island, sous le numéro de matricule 46664, il allait peu à peu devenir un symbole de liberté. Prisonnier politique le plus connu au monde, il sera le premier lauréat du prix Ludovic-Trarieux pour son engagement pour les droits de l’homme.

En 1988, pour ses 70 ans, un concert hommage organisé à Wembley en Angleterre, avait été regardé par 600 millions de téléspectateurs dans 67 pays. On lui voue alors un culte à travers toute la planète et ce, bien à son insu.

« On me considérait comme un saint. Je ne l’ai jamais été, sauf si vous pensez qu’un saint est un pécheur qui essaie de s’améliorer » déclara-t-il plus tard.

Après 27 ans d’emprisonnement, Mandela sera finalement libéré le 11 février 1990. Ni revanchard, ni haineux, mais d’une grande humilité, il appellera alors au pardon, à la paix, à la réconciliation nationale : « le pardon libère l’âme, il fait disparaître la peur. C’est pourquoi le pardon est une arme si puissante ».

Ce message dépassera les frontières de l’Afrique du Sud où Desmond Tutu, autre grand artisan de la lutte anti-apartheid, le qualifiera d’ailleurs « d’icône mondiale de la réconciliation ». Ces dernières années, jusque dans la maladie, Madiba avait conservé son statut de « demi-dieu ».

Sa dernière véritable apparition publique eut lieu en 2010, lors de la Coupe du monde de football dans son pays pour saluer la foule, comme s’il saluait le monde entier et lui disait en même temps au revoir.

Cinq dates clés sont à retenir pour un personnage hors normes :

– 1939 : Rolihlahla Mandela naquit le 18 juillet 1918 dans une famille royale de l’ethnie Xhosa, dans le Transkei. Son nom signifie « fauteur de troubles ». C’est sa première institutrice qui lui donne le prénom Nelson. En 1939, il entre à l’Université de Fort Hare, alors unique université pour les Noirs.

– En 1943, il adhère à l’ANC (Congrès national africain) avec son ami Oliver Tambo pour lutter contre la ségrégation raciale. En 1964, il sera condamné avec d’autres membres à la prison à vie pour sabotage et haute trahison.

– En 1990, le détenu à « l’immatricule 46664» est libéré le 11 février après 27 ans d’emprisonnement.

– En 1993, le prix Nobel de la paix est lui est attribué conjointement avec le chef de l’Etat Frederik De Klerk, notamment pour leurs efforts en vue de « l’établissement d’une nouvelle Afrique du Sud démocratique ».

– En 1994, L’ANC remporte l’élection présidentielle avec 62,6 % des voix le 27 avril et ce jour devient un jour férié. Le président. Mandela prêtera serment le 10 mai.

Sa mort a été vécue comme un choc en Afrique du Sud et dans le reste du monde. Dès l’annonce faite par l’actuel chef de l’État, Jacob Zuma, dans une allocution télévisée, les réactions ont afflué en masse pour saluer le « courage » et « l’influence » de l’ancien opposant devenu l’icône de la lutte contre l’injustice.

Le président Barack Obama a jugé que « le monde avait perdu l’un des êtres humains les plus influents, les plus courageux et les plus sincèrement bons de la planète ». Le chef de l’État américain a décidé de mettre en berne les drapeaux de son pays pour la mort d’une icone universelle, d’un homme au destin hors du commun.

Repose en paix Madiba!

 

Paris, le 06 décembre 2013

Nabbie Ibrahim « Baby » SOUMAH 

Juriste et anthropologue guinéen 

nabbie_soumah@yahoo.fr