DECLARATION DU CNT SUR LA SITUATION SOCIOPOLITIQUE DU PAYS ET LES SCENES DE VIOLENCE OBSERVEES NOTAMMENT A CONAKRY

Depuis plusieurs semaines Conakry est le théâtre de scènes de violences, d’affrontements entre les forces de l’ordre et des manifestants, de destruction de biens publics et privés, d’actes de vandalisme ayant entrainé d’énormes pertes en vies humaines, de nombreux blessés graves, des dégâts matériels et financiers importants…

Cette situation a engendré un climat de psychose générale portant une atteinte grave au tissu social, aux libertés de circulation et de mouvements des citoyens, dont un grand nombre vit du quotidien.

Face à cette situation préoccupante pour tous et suite à de multiples sollicitations notamment celle des organisations de la société Civile, le Conseil National de la Transition (CNT) a convoqué ce mardi 28 mai 2013 une séance plénière extraordinaire pour exprimer sa préoccupation par rapport au climat de violence récurrente, prendre position et recommander des solutions pour un arrêt immédiat des violences dans la cité.

Dans son introduction, la Présidente du CNT a mis l’accent sur la gravité de l’heure, appelé à la responsabilité individuelle et collective de tous les Conseillers Nationaux,  afin que chacun observe la règle d’impartialité qui gouverne le CNT pour privilégier l’intérêt supérieur de la nation.

Au cours de la plénière, les différentes interventions ont permis de mettre en exergue, les  principales causes de la violence caractérisées entre autres par: 

ü La non application et le non respect de la loi, notamment la Constitution et le Code électoral ;

ü La précarité des conditions de vie des populations marquée par l’insuffisance des services sociaux de base, le désœuvrement, le manque d’emploi des jeunes, faisant d’eux un groupe vulnérable;

ü  La violation des droits de l’homme et l’impunité récurrente ;

ü Le repli identitaire ayant pour conséquence « l’éthnisation » du débat politique ;

ü L’insuffisance d’éducation civique ;

ü Le manque de consensus sur le processus électoral, du fait d’un déficit de confiance entre les acteurs politiques entrainant un blocage du processus de dialogue;

ü Le comportement partisan de certains médias contribuant à la radicalisation des positions et à l’exacerbation des tensions sociales, ethniques et politiques.

A la suite des débats, il a été établi que ces causes ont pour conséquences :

ü Le blocage du processus de concertation et de dialogue politique ;

ü Les marches à répétition ayant pour corollaire des violences en tous genres entrainant des pertes en vies humaines, des blessés graves, de destruction de biens ;

ü Les affrontements violents entre forces de l’ordre et les manifestants ;

ü Les Confrontations entre manifestants et contre manifestants;

ü Les exactions découlant des confrontations ;

ü La paralysie de la cité ayant des incidences sur les activités économiques et sociales du pays ;

ü La montée préoccupante de l’intolérance;

ü Le déficit de confiance des citoyens vis-à-vis des institutions de la République, entre les acteurs politiques et sociaux, le gouvernement et l’opposition.

Le Conseil National de la Transition (CNT) :

– Déplore les pertes en vies humaines, présente ses condoléances les plus attristées aux familles éplorées et souhaite prompt rétablissement aux blessés.

– condamne vigoureusement toutes les formes de violence résultant des exactions et des confrontations ; 

– appelle toutes les parties à plus de retenue et demande l’ouverture immédiate de larges concertations sur les questions principales qui les divisent afin de mettre définitivement un terme à cette situation de crise politique.

La plénière : 

– soutient le principe de la mise en place d’une Commission d’enquête indépendante pour faire toute la lumière sur les violences, exactions et confrontations ; 

– engage l’ensemble des Conseillers Nationaux à s’impliquer et à prendre toutes initiatives dans leur environnement immédiat à sensibiliser pour l’arrêt des violences ;

Tout en se félicitant de l’adresse du chef de l’Etat à la nation du mardi 28 mai 2013, le CNT lance un appel pressant et urgent :

– Au Président de la République en sa qualité de Chef de l’Etat, pour davantage de concessions, afin de favoriser la décrispation de la situation, rétablir l’ordre et la sécurité et de restaurer un dialogue viable et inclusif ;

De faire prendre des mesures idoines pour une application rigoureuse de la réglementation en vigueur sur la détention illégale des armes en de renforcer  la sécurité des citoyens et leurs biens.

– Au Premier ministre, Chef du Gouvernement pour informer le CNT et l’opinion nationale sur le niveau d’avancement du dialogue.

– A la CENI, pour faire le point à l’attention du CNT sur la mise en œuvre des activités relatives à l’organisation des élections législatives.

– Aux partis politiques et leurs militants, pour faire preuve de retenue et de plus de responsabilité dans l’exercice de leur droit, faire des concessions pour marquer leur retour autour de la table de négociation et tout mettre en œuvre pour l’arrêt immédiat des violences ;

De sensibiliser leurs militants sur l’observance d’un comportement citoyen et responsable lors des activités politiques et de mettre fin à l’instrumentalisation des jeunes, ainsi qu’à l’ethnisation du débat politique.

– Aux Forces de Défense et de Sécurité pour faire preuve de professionnalisme dans l’encadrement des manifestations et de n’utiliser que des moyens conventionnels de maintien d’ordre.

– Aux confessions religieuses, aux organisations de la société civile, aux syndicats, aux patronats, aux organisations de femmes et de jeunes pour davantage s’impliquer dans la sensibilisation et la mobilisation pour un arrêt immédiat des violences et veiller au respect des lois.

– Aux populations, notamment les familles, les Responsables locaux, les coordinations régionales, les leaders d’opinion de prendre une part active pour faire cesser la violence.

– Au CNC de veiller au respect de l’éthique, la déontologie et des cahiers de charges en terme de contenu.

– Aux médias public et privé de prendre conscience de leur responsabilité sociale dans le traitement de l’information et d’éviter des prises de positions susceptibles de favoriser la violence.

– A la Communauté internationale de continuer à apporter son appui à la consolidation de la démocratie et de la paix ;

– d’assouplir ses conditionnalités d’accès au financement de projets de lutte contre la pauvreté.

Le Conseil National de la Transition conscient de la situation actuelle du pays, continuera à jouer son rôle et se déterminera sur toutes les questions relatives à la gouvernance du pays, au respect des lois de la République jusqu’à la fin de son mandat.

Le CNT assure de sa disponibilité à participer activement à la restauration de la paix, à la réconciliation nationale et à la culture du dialogue dans le respect des valeurs qui fondent la République.

Conakry le 29 mai 2013

La Plénière du Conseil National de la Transition