Première partie : Il faut démanteler l’Appareil d’Etat

A La veille du premier tour de l’élection présidentielle, un des sujets théoriques et pratiques était la recomposition du paysage politique, singulièrement le sort de l’ancien Parti du Président, le PUP…

Mon analyse était alors que ce parti était voué à la bipartition, voire à la fragmentation. Et l’on pouvait concevoir que les uns ou les autres s’allieraient, s’ils n’étaient eux-mêmes candidats (au premier tour) « au mieux-disant » (I. S. Makanéra) des  nouveaux chefs de « particules ». C’était dire que la fin du PUP en tant que structure organique était irréversible. Au moins le temps d’un rêve.
Donc, le temps pour ses militants et surtout pour ses responsables d’être libres ou obligés d’aller offrir leur « expertise » à ceux qui étaient en mesure, dans leurs analyses, de leur offrir au moins un des trois « stimulants » suivants (Mao Zedong) :

–    l’argent frais,
–    le pouvoir et les avantages subséquents (honneur, encore l’argent, etc.).
Ce calcul mesquin, « égoïste » (Lénine), sans foi ni loi étant fondé sur le réflexe pavlovien de la corruption, une des tares d’une partie notable de ces ex bandits en cols blancs.
–    Le troisième stimulant étant le grégarisme ethnique devenu avec le temps, l’ethnostratégie.
Je l’avais dit lors d’un débat animé par Ibrahima Sory Makanéra et les deux tours de la présidentielle ne m’ont pas contredit. Le PUP s’est retrouvé partout. Avec surtout Cellou et Alpha, mais aussi chez  Sidya (dans l’Alliance au second tour), quand certains de ses membres n’ont pas joué solo au premier tour.

Après le second tour, avec les scores moléculaires que l’on sait, il semble que le PUP ait essayé de se ressaisir en gros, en deux factions. L’une restant avec Cellou, l’autre embarquant dans le long train présidentiel dont on ne peut plus voir ni la locomotive, ni l’arrière, puisque sans Etat, nous y sommes tous embarqués ; dans ce TGV à têtes multiples, on ne peut voir que le décor défiler, mais à 300km/heure, le paysage est flou, le changement se faisant en fondu-enchaîné, comme au cinéma..
Les optimistes, ceux qui croyaient au changement promis par l’ »opposant historique », doublé d’un opportuniste machiavélique (ce n’est pas le Capitaine Dadis qui me contredira) qui a passé plus de vingt ans à fustiger l’Appareil d’Etat-PUP, refusant obstinément de participer à tout gouvernement de « son » propriétaire, ni lui, ni ses militants, ces  optimistes (je parle des thuriféraires impénitents), se révèlent plutôt être aujourd’hui des opportunistes, quand ils perdent la voix devant les dérives spectaculaires d’un crypto-monarque qui n’a plus d’état d’âme devant la règle de droit. Alors ils continuent à hoqueter comme des roquets :

 « C’est un fin tacticien, il va les balayer tous après.. » !

Après les législatives.

Passons sur une des faiblesses calculées de ces fariboles qui frisent la provocation obscène : le caractère outrancièrement tribaliste de ce long train Kankan Bobo Dioulasso de ce gouvernement dont les wagons sont à près de 60% Tanamatélé. Les Niankoyes et les Tanamou fègnè se partageant le reste des dépouilles de l’Etat contéen, avec quelques jeunes Turcs importés ou locaux. Gifler un imam ou savoir imiter les quelques géniales « zidâneries » valant diplôme, trophée de guerre et expertise pour être aptes à  administrer des domaines sensibles d’une société livrée à la veulerie largement expliquée par la diaspora de ses cerveaux et de son plus vigoureux « Bois d’ébène ».  Maintenant nous avons un Etat ethno-prédateur. Aujourd’hui, après les défections qu’a  connues l’UFR, le Parti de Sidya, dont des cadres qui n’étaient pas forcément des « fumards », me semble-t-il, après les défections des proches du chef de l’UFDG et du CDDP, sans oublier les départs effectifs et probables de certains ténors du PUP comme Solano dont les récents discours me semblent très ambigus, la palme de la quête des « honneurs » revenant à M. Saliou Bela, tout ceci m’amène à ce constat central :

Le PUP s’est reconstitué de façon « naturelle » autour du Président

Car comme la nature, la sociologie politique a horreur du vide. Le PUP était un Parti du président. Il est normal qu’il redevienne un parti du président « démocratiquement élu ». La RPGtv n’a plus besoin de le marteler. Le message est assimilé, comme Eve avait fait digérer le Mal par Adam, en lui faisant consommer la chair cuite du fils du Malin :
Hi ! HI ! HI ! Vous deux, vous  ne pouvez  plus vous passer de moi, avait ricané Satan quittant le paradis.

Le PUP n’a fait que traverser le temps douloureux  du « deuil » du Père. La suite, facile, est bien connue :

Le roi est mort, vive le Roi !

Ce propos impitoyable est d’autant plus vrai, et c’est ma deuxième observation capitale, qu’Alpha n’a pas touché à l’appareil d’Etat hérité du Général Lansana Conté. Au contraire, il a commencé par accueillir les plus marqués de cet appareil vermoulu, moisi et confisqué par des voleurs ayant prospéré dans l’impéritie, l’incurie et l’impunité. Il a bel et bien hérité d’un Etat, et des commis experts, non pas dans la destruction de leur Etat, mais en sa consolidation. A ceci près qu’ils l’ont patrimonialisé. L’incroyable Sassine disait :

« Il n’y a rien à privatiser, puisque les quelque deux cents salopards qui le constituent l’ont privatisé dans leurs poches ».

Des poches trouées.

Contrairement à sa fumeuse formule qui a fait florès, Alpha dispose donc d’un appareil fort qui a fait ses preuves. Il veut une CENI à sa botte, le mouvement social à sa botte, les élus de la décentralisation à sa botte. Dès qu’il paraît céder sur ces points, l’Opposition est encore en passe de tomber dans son bluff, secoué de temps en temps d’épisodes sanglants, impunis.
Ils sont prêts à repartir en campagne dès qu’Abdou Diouf aura obtenu de son poulain quelques concessions mineures. Dès lors que les « acteurs politiques » auront paraphé un accord, se seront entendus sur une date et sur une structure de la CENI acceptable à leurs yeux, Alpha se frottera les mains,

« It’s in the pocket, Guineas’ really back! ».

Surtout qu’il pourrait s’enorgueillir d’un bilan qui égrène :

–    Un guichet unique à Kipé, dans ma chambre à coucher, sous mon oreiller,
–    700 millions allongés par Rio Tinto même si le FMI-Banque mondiale dit « pas touche » !
–    Dès le premier coup d’envoi de la CAN 2012, tout Ratoma de la maffia Hal poule-soussou sera illuminée, malgré les « bricolages » (dixit Alpha) des services de M. Papa Koly Kourouma
–    La césarienne gratuite,
–    Les robinets pétant sous la pression de « mon eau » impériale (Sony Labou Tansi à peu près),
–    Les récoltes abondantes malgré les intrants massivement sortis par Téliano,(re-dixit Alpha)
–    Les hôtels bourrés, les vols du coq gaulois surbookés,
–    Kankan, Dinguiraye bitumés,
–    L’inflation jugulée malgré la descente aux enfers du franc glissant.

Il faut ajouter à cette théorie de « réalisations », un bouquet de mégaprojets, un iceberg dont la crête est bien visible depuis le Petit lac de Taouya assaini par les soins particuliers de la première Dame pour une bonne hygiène de mon mari qui n’habite pas loin.. et qu’on finira par identifier quelque part dans les lointains, comme le plus grand dépotoir de l’Afrique subsaharienne. Partie visible d’une société qui a pignon sur Sékou-machinya.. Tous les soirs la RPGtv n’a de cesse de nous montrer la première dame à présent voilée telle une Hadja au sommet du mont Hijra, conduisant les travaux herculéens d’assainissement de la ville la plus sale au monde.
 Conacrimes, l’ancienne perle de l’Afrique est devenue en 52 plus un ans, la capitale, la caverne d’Ali Baba où deux cents salopards ont amoncelé la plus grande décharge d’immondices pétries dans le sang et dans la sueur de pauvres damnés aux cerveaux lavés par autant d’années d’incurie, de corruption, d’incompétence et d’impunité. Toute la Guinée est à l’image de sa capitale : un profond cul-de-basse-fosse étroitement cerné par des cerbères, faisant Appareil d’Etat.
 
C’est cet appareil qu’a hérité M. Alpha Condé. Et il est d’une redoutable efficacité.

(A suivre)

Wa Salam,

El Hajj Saïdou Nour Bokoum