Il est de notoriété publique qu’un leader a l’unique privilège de changer le destin d’une nation…
Pour le meilleur ou pour le pire. Il lui revient alors la tâche de découvrir dans une relative opacité, sa mission, la remplir ou la trahir. En Guinée les successives classes dirigeantes optèrent malheureusement pour la seconde. En effet, le dénominateur commun de tous ceux qui ont présidé au tragique destin de notre pays c’est d’avoir délibérément signé un indélébile pacte avec la misère. Une misère matérielle mais aussi morale, démocratiquement partagé par tout un peuple, désabusé par son élite politique, martyrisé par son armée et pire floué par ses religieux. De l’orpailleur de Baranama à la mareyeuse de l’ile de Taigbé en passant par le bijoutier de Saramoussaya et du journalier de Panziazou, la précarité a été et reste toujours l’une des commodités la mieux partagée. Tous les chantiers révolutionnaires, les projets de redressements et les promesses de Changement n’ont jamais franchi le stade de slogans creux, mais aussi n’ont jamais survécu à leurs initiateurs car à aucun moment le peuple n’a été associé à la prise de décisions des affaires de l’état.
C’est dans ce contexte de rendez vous manqué avec l’histoire en dépit d’immenses potentialités humaines, agricoles et minières que le « Professeur » Alpha Condé a été coopté pour inverser le sort d’un peuple qui n’en finit pas d’égrener le chapelet de ses malheurs. L’objectif de la communauté internationale était d’une part de libérer la Guinée de l’emprise meurtrière de sa Junte militaire, et de l’autre, la stabiliser pour ne pas que par effet de domino la paix fragile chèrement acquise au Liberia, en Sierra Leone et surtout en Cote d’ivoire ne soit rompue. Cependant, la méthode, à savoir une mascarade électorale sans précédent en Afrique sub-saharienne, s’est révélée être machiavélique car tous les ingrédients anti démocratiques ont été coconoctés pour introniser un homme qui n’a ni les attaches, ni la volonté, ni l’expérience encore moins la compétence pour redonner de l’espoir a un peuple trahit par ses élites.
Certes, le travail à faire était Herculéen pour n’importe qui des nombreux candidats qui aspiraient à la magistrature suprême d’un pays où tout était à refaire après plus d’un demi siècle de mal gouvernance, d’inepties politiques et de gâchis économiques. Pour le « Professeur » Alpha Condé, qui hélas! le bénéficiaire de tout cet imbroglio tragi-comique ce fût les écuries d’Augias d’autant plus qu’il n’avait aucune culture du travail, aucune expérience de leadership et peut être n’avait jamais été associé même à la gestion d’une épicerie de banlieue !
Ainsi, après une année de pouvoir sans partage, le désenchantement et la déception sont au rendez vous comme bien sur l’on s’y attendait. Les maigres acquis démocratiques arrachés de haute lutte des mains de Lansana Conté se sont évaporés comme une peau de chagrin pour faire place à un Etat de non droit où la terrible armée guinéenne a sous traité son monopole de violences, de vols et de viols à des Donzos plus colorés et plus pragmatiques dans l’art de bousiller les « ennemis » appartenant à une « certaine communauté ». En jachère sous le pouvoir déliquescent du Paysan Président, les vieilles habitudes et les vieux démons du Parti Etat reprennent du service sous l’œil bien veillant d’un « Opposant historique » pétrit dans le moule de la culture occidentale de liberté, de droit, de dialogue, de contestation et aussi d’opposition.
Cependant, si la cooptation du « Professeur » Alpha Condé demeure une des nombreuses calamités qui vient s’ajouter à la longue liste de celles qui ont élu domicile en Guinée depuis le 2 Octobre 1958, elle aura quand même eût un seul effet bénéfique : celui de redéfinir la dynamique de cohabitation des populations guinéennes. Désormais chaque guinéen ou plutôt chaque habitant de l’espace territorial légué par le colon, se redécouvre une nouvelle et singulière identité, à savoir peulh, Soussou, Guerzé, Nalou, malinké, etc.….. Une gracieuseté du « Professeur de Droit » !
Les Pogroms de Siguiri, Kankan, Kouroussa, N’Nzérékoré et de Kissidougou , le nettoyage ethnique dans la fonction publique, les viols collectifs et les lynchages systématiques d’innocentes victimes à Pita, Labé et Mali, les chasses à l’homme dans les quartiers-dortoirs de Bembetto, Cosa, Hamdallaye démontrent même pour les sceptiques que l’histoire de la Guinée ou plutôt l’éléphant qui somnolait dans le placard vient d’être révèlé dans toute sa splendeur : La velléité hégémonique d’une ethnie de dominer, et assujettir toutes les autres. En termes plus prosaïques, les Enculeurs doivent toujours être les mêmes, et alors forcement, les Enculés se mettent en rangs. Ceux appartenant à une « certaine communauté » de préférence devant !
Ainsi, de la morbide « Révolution » du boucher de Faranah, en passant par l’éphémère épisode de Lansana Kouyaté, de l’embarrassante transition de Sékouba Konaté ’jusqu’a l’intronisation du Chef des Donzos, la constance du leitmotiv n’a jamais dérogée d’un iota: La Résurrection d’un utopique Empire précolonial. Lansana Conté n’aura été en définitive que le grain de sable de trop qui a faillit faire déraper la machine hégémonique. Les récents articles de Bakary Diakité, Omar Cissé de Beyla, Laye Junior Condé et surtout la perle de Moussa Kanté, nous livrent une version corrigée de cette résurrection dont les dédales demeurent un passage obligé pour le salut d’une nation en péril. La guerre des roses entre Alpha Condé et le nouveau « opposant » Lansana Kouyaté, s’inscrit alors dans le cadre d’une diversion, d’un simple habillage pour masquer la monstruosité et le cynisme de la machine hégémonique pilotée par la laborieuse Coordination Mandingue, maitresse des séants ! Même l’épopée meurtrière du tyran Sékou Touré qui sans discernement a endeuillé, ruiné et exilé des milliers de familles Kaba, Nabé, Diabaté, Touré, Condé, Magassouba, etc.… n’est plus qu’un mauvais souvenir qu’il faut impérativement oublier et même pardonner au nom de la solidarité ethnique.
J’ai eû l’opportunité de vivre et d’étudier en Yougoslavie dans l’année 80 à Split (Croatie), et deux autres fois dans les années 90 à Belgrade (Serbie) et à Mostar (Bosnie). La presse n’a été en mesure de révéler que de manière très superficielle les contours de cette guerre ethnique tant son ampleur était horrible. Cependant, il y avait déjà des précédents entre Serbes, Croates et Bosniaques que Tito avait habilement géré pour en faire une Fédération apaisée et tant soit peu viable. Mais à ma connaissance, il n’y a aucun précédent guerrier entre Peulhs et Malinkés. Mes Profs d’histoire au contraire nous bassinaient à profusion sur la solidarité entre Samory Touré et Alpha Yaya Diallo pour affronter leur ennemi commun.
Le Sanguinaire Sékou Touré est sans nul doute l’apôtre de la haine tapie et mise en veilleuse depuis des lustres dans le cœur de milliers de sympathisants d’Alpha Condé qui a su habilement l’extirper, la canaliser et l’instrumentaliser pour en faire une recette pour le moment gagnante, à la Pyrrhus !!!
Cependant, notre douloureuse histoire commune et notre partage des valeurs chrétiennes et islamiques ne nous condamne t-il pas à harmoniser nos cœurs et nos efforts pour supporter le fardeau de la vie sous une république bananière qui s’est illustrée par la démission collective de ses élites ?
La division, l’exclusion et le mépris sont aux antipodes des aspirations de l’établissement d’un Etat de droit où civilité, humilité, responsabilité, et compassion doivent être gravées non pas sur des bannières mais dans le cœur de tous les citoyens.
Bonne Anneé.
Tibou Barry
Atlanta, Georgia, USA