Un an de gouvernance d’Alpha CONDE a permis à l’aune de l’épreuve du pouvoir de tirer quelques enseignements et de porter un éclairage sur les pratiques du nouveau régime sur la question relative au respect des droits de l’homme en Guinée…
C’est avec une grande amertume que nous avons enregistré pendant la première année de l’exercice du pouvoir par M.Alpha CONDE une volonté systématique et délibérée d’étouffer par de violentes répressions la liberté d’opinion et d’expression des citoyens . Du 03 avril 2011 au 27 septembre 2011 plus d’une dizaine de citoyens sont abattus uniquement par qu’ils manifestaient leur opposition au pouvoir de manière pacifique. Plusieurs centaines sont incarcérées et arbitrairement traduites devant des tribunaux aux ordres. Le pouvoir s’est servi d’eux comme des otages qu’il a fallu « graciés » au compte-goutte pour imposer des concessions à l’opposition démocratique.
Le 19 juillet 2011, un « attentat surréaliste » peu crédible, digne des émules du « complot permanent » de l’ancien régime permet au pouvoir de faire arrêter sans aucune preuve des dizaines d’officiers de l’armée nationale ainsi que des civils, cueillis manu-militari dans leur domicile .Depuis lors tout ce monde croupit en prison, torturé et sans aucun soutien. Le 19 juillet 2011, est devenu ainsi le prétexte pour faire arrêter tous ceux qui sont gênants pour le régime. Plusieurs généraux, comme Nouhou THIAM et Bachir DIALLO et de simples citoyens comme El hadj Alpha Lafou, Hadja Fatou Badiar, Baba Alimou BARRY, Alfa Saliou WANN, Thierno Sadou DIALLO sont pêle-mêle associés à une action dont les tribunaux n’ont jusqu’à présent pas pu confondre les prévenus. Pour donner un semblant de crédibilité à cette mascarade, Alpha CONDE lui-même, m’impute d’être l’organisateur de ce mauvais feuilleton politico-militaire.
Récemment à Labé, un jeune membre du CNT, BAH Souleymane est kidnappé en plein jour ,puis jeté en prison à Conakry. C’est dans des circonstances analogues que la famille de l’ex aide de camp du Capitaine Dadis CAMARA, Toumba DIAKITE est violement interpellée par des gendarmes. Un de ses frères, succombe sous l’effet de la torture. Pour tous ces cas, la gouvernance d’Alpha CONDE se mure dans un silence coupable. Ce déni de justice et d’Etat de droit rappelle les périodes les plus sombres de notre histoire sous l’ancien régime dictatorial.
De même, le Secrétaire Général de la principale centrale syndicale du pays M. Amadou DIALLO élu avec brio lors du dernier congrès de la CNTG est agressé dans son domicile par des militaires cagoulés. Il n’eut la vie sauve que grâce à la baraka. Cette agression n’est pas encore élucidée, mais depuis lors M.DIALLO et sa centrale font l’objet de menaces ouvertes et d’hostilité de la part des autorités guinéennes. Encore une nouvelle fois, une justice instrumentalisée à travers un tribunal du travail a « décrété » l’annulation du congrès du
syndicat. Cette attaque contre la liberté d’organisation et d’expression des travailleurs guinéens est un pas de plus dans la dérive liberticide et anti-démocratique.
Les populations également ne sont pas à l’abri de cette vague répressive et qui use de la violence de manière disproportionnée. Les ressortissants de Galapaye en Guinée Forestière en ont fait les frais. Là aussi, une justice aux ordres s’interférent dans un conflit intercommunautaire grave pour prendre un parti-pris en faveur d’une communauté, condamnant ainsi à mort plus d’une dizaine de Guerzé. Une justice injuste n’a jamais réussi à cimenter l’esprit de concorde et de repentance, mais au contraire creuse plus profondément les dissensions et accentue la haine.
Avec moins d’acuité mais aussi avec violence ,les orpailleurs de Siguiri et de Kouroussa se sont vus imposés d’aller cultiver la terre, alors qu’ils sont les dépositaires d’une tradition multiséculaire de chercheurs d’or et cela depuis la naissance de l’empire mandingue de Soundjata KEITA et de Kankan Moussa du XIII éme siécle . Plusieurs d’entre eux, osant braver l’interdit furent manu militari emprisonner et fouetter à sang.
A Lola et à Djécké en Guinée Forestière et aussi à Bambeto et Cosa à Conakry, toute manifestation des jeunes pour réclamer du travail ou la liberté est noyée dans le sang. La gouvernance d’Alpha CONDE a instauré une partition du pays en créant des « bantoustans » où le non –droit prime comme en Afrique du Sud au temps de l’apartheid. Dans ces zones l’utilisation de la violence contre les populations civiles est sans limite. Une milice privée, armée entièrement à la dévotion du régime du RPG, les « donzos » écume les quartiers et les zones favorables à l’opposition. L’existence de cette force supplétive aux forces de défense officielles est sans précédent et rend très peu crédible les déclarations publiques favorables à une réforme du secteur des forces armées nationales avec la coopération de la communauté internationale. Pour conforter plus encore son système politique, il encourage les attitudes tendant à creuser le fossé entre les différentes communautés nationales du pays. La déclaration du Général Facinet TOURE ,médiateur de la République ,déniant à la communauté peule ses droits politiques de citoyens guinéens , l’encouragement tacite des activités d’une organisation dénommée « manding-djallon » pour susciter la division des populations foutankées, l’extermination du bétail des éleveurs de Beyla et l’ethnicisassions en outrance de l’administration publique du pays au profit exclusif de l’ethnie à laquelle appartient M.Alpha CONDE, ruinent les fondements de la République et sèment pour longtemps la méfiance et la haine entre les guinéens.
Alpha CONDE, suit avec constance une stratégie politique que lui-même a déclinée au lendemain de son investiture « ramener la Guinée, là où Sékou TOURE l’a laissée ». Donc ce qui serait surprenant, serait de sa part l’application d’une notre politique autre que celle-là. En excellent tacticien politique, il use d’un semblant de dialogue politique et de la rhétorique de la réconciliation nationale comme un os à donner aux partis politiques et à la communauté internationale tout en faisant avancer tranquillement et sereinement son ambition d’obtenir un pouvoir totalitaire en Guinée. Comme Enver Hodja ,qu’ il rêve d’imiter , la Guinée doit être l’ « Albanie » d’Afrique ,bastion inexpugnable d’un communisme archaïque et tropicalisée.
Mais ce qui est surprenant est l’attitude de la classe politique guinéenne. Elle reste atone devant l’enfoncement du pays dans une gouvernance totalement hors la loi. Elle se tait alors que des dizaines de citoyens sont injustement privés de leur liberté et que d’autres meurent sous la torture qui leur est infligée. Les libertés sont bafouées et des principes essentiels de la constitution sont violés comme l’égalité des citoyens, la liberté d’expression, l’indépendance de la justice et le caractère républicain de l’Etat. Rivés sur l’organisation d’élection législative dans un contexte d’illégalité et d’anti constitutionnalité, l’opposition démocratique déserte ce qui vaut la peine de se battre à savoir sauver le pays pendant qu’il est encore temps.
Oubliant les leçons de notre histoire, chacun se vautre dans une indifférence coupable devant la souffrance de ceux qui sont embastillés en se disant qu’ils doivent être nécessairement coupables jusqu’au jour où sera à son tour d’être pris. La Guinée a perdu beaucoup de ses illustres enfants ainsi, à cause d’un aveuglement collectif. Nous ne devons pas permettre que cela se répète.
Après chaque nième tragédie collective, nous crions plus jamais ça ! Mais il suffit que l’émotion s’estompe pour que nous oubliions nos résolutions et nous sombrons dans l’indifférence et le cynisme. Cette attitude atavique est le frein à l’émergence d’une société civile forte, exigeante et responsable. Toutefois, il n’est pas tard car l’engagement des individus peut venir à bout d’un totalitarisme rampant. Les prisonniers politiques en Guinée ont besoin de la solidarité nationale et internationale. Défendre leur liberté et leur droit, c’est également défendre notre liberté et nos droits. La Guinée a été tellement traumatisée, violentée et souillée qu’il est inacceptable que cela puisse se poursuivre.
Chacun d’entre nous a une responsabilité dans la construction d’un système politique, alors la Guinée a besoin de se libérer, de se réconcilier, de se construire et de s’épanouir pour l’intérêt de tous ses enfants. C’est un devoir et une obligation morale d’y contribuer.
2012 sera une année cruciale pour savoir si la Guinée s’oriente vers un changement démocratique réel ou comme par fatalité vers la descente aux enfers.
Mais ayons confiance en l’avenir. Ne baissons pas les bras ! N’oublions pas les prisonniers politiques en Guinée.
Bonne et heureuse année. Que Dieu vous garde et protège notre pays !
BAH Oury
Ancien Ministre de la Réconciliation Nationale et de la Solidarité
Vice-Président de l’UFDG, <chargé des Relations Extérieures et de la Communication