Guinée: Alpha Condé a blagué ses opposants. Quelle ineptie politique de nos leaders ?

Comme disent les ivoiriens, Alpha Condé a blagué son opposition le 15 novembre 2011 au palais de Boulbinet…

Dans ce haut lieu du pouvoir,  se sont retrouvés invités officiels et ceux qui se sont faits inviter par eux- mêmes.

Dans un premier temps, il  avait invité trois responsables de partis politiques : Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré et Moussa Solano. Puis, ce fut une dizaine qui s’y retrouve. Tous sont venus sans ordre de jour défini. Ce qui est avant tout frappant,  c’est la litanie de satisfecit des invités sur le déroulement de la rencontre.

On se croirait au temps du responsable suprême de la révolution. Les  rencontres de 2008-2009 au palais du peuple avec le capitaine cloîtré à Ouaga ne sont rien à côté. Déjà, les médias vendus et leurs journaleux achetés espèce sonnantes et trébuchantes ont taxé  la cérémonie d’historique. Il est vrai que tout est historique pour celui qui cherche à se vendre pour vivre.

Ce qui saute également aux yeux, c’est le motus  et bouche cousue des invités sur ce qui se serait passé à l’intérieur du palais. Si rien n’a filtré des propos des uns et des autres, on observe et, c’est ahurissant,  qu’aucun responsable de quelque parti politique que ce soit n’a fait allusion à l’absence de leurs collègues: Mouctar Diallo, (UFD)  Lansana Kouyaté, (PDEN) Mohamed Soumah (GECI) et autres. On me dira que ce n’est pas leur rôle. Cependant, si ces derniers ont été ignorés par le pouvoir, il serait fort convenable que les responsables politiques fassent preuve de solidarité. Surtout, ils devraient montrer que la volonté de dialogue souffre déjà de discrimination. Du moins, de marginalisation d’acteurs politiques dont les partis sont fortement représentés dans le pays.

En troisième lieu, il s’est passé un fait  qui est très désolant, choquant, navrant et même insultant pour nombre de Guinéens.  Ce forum, que je qualifiais de cirque dans un précédent article,  a été saisi par certains responsables politiques qui ont torpillé la transition pour renaître de leurs cendres.  Ainsi, c’est Jean-Marie Doré qui  s’est auto-proclamé porte-parole des acteurs politiques présents au palais.

Si les choses continuaient de la sorte, ceux qui disaient que l’opposition guinéenne est molle finiront bien par avoir raison. Si toutefois des leaders comme Sidya et Cellou se laissaient berner à nouveau par l’ancien premier ministre de Sékouba Konaté, en rééditant les erreurs du passé, ils n’auront que ce qu’ils méritent.

Comment peuvent- ils accepter que Jean-Marie qui a démissionné de l’ADP sous la pression du RPG d’Alpha Condé se fasse porte- parole ? Comment se fait- il qu’ils ne se soient posé la question de savoir  quel a été le prix de ce nouveau rapprochement ?  N’ont-ils pas pensé que Jean-Marie a été sournoisement désigné par le président du RPG pour les torpiller ? Espérons que ces leaders  s’aviseront dorénavant. Qu’ils ne laisseront pas ce septuagénaire roublard se faire prévaloir d’un nouveau et qui lui permettrait de parler  après ce 11 novembre 2011 en leur nom. Sinon, ils n’auront plus qu’à se ranger du côté du pouvoir. En même qu’ils préparent l’Assemblée Nationale pour Jean- Marie Doré et adieu à la scène politique. Si c’était un montage comme on le prétend qu’ils dénoncent avec la plus grande vigueur ce qui s’est passé.

En quatrième lieu, c’est le mutisme affiché par tous les responsables de l’opposition qui ont pris le micro à la fin de la rencontre sur les questions fondamentales. Aucun d’entre- eux n’a évoqué les questions brûlantes et qui menacent l’unité nationale. Qui, de surcroît,  constituent un blocage au dialogue. Entre autres : les arrestations arbitraires de civils et de militaires, les condamnations injustifiées, la nomination illégale et sans concertation de Lounsény Camara comme président de la CENI, l’exil de certains responsables politiques et la menace qui pèse sur eux, l’acharnement dont sont victimes les Peules, les violations de la constitution, les violences armées renforcées par celles de mercenaires appelés « Donzos » etc.

On me dira encore, oh ! c’est la première rencontre. Il faut attendre. Pourtant, c’est au premier jour que tu rencontres celui qui a une plaie que tu dois lui faire savoir que sa blessure pue et qu’il va falloir la traiter. Sinon, la plaie le rongera et t’empesteras.

Cinquièmement aspect à souligner. Tout le monde attendait Cellou Dalein et Sidya. Surtout le premier. Il a été très peu entendu. Dira- t- on que c’est prématuré de dire quoi que ce soit. Je dis que non. Cellou doit se faire entendre plus que tous les autres. Et pour cause ?

Il est le principal opposant et le plus grand obstacle d’Alpha Condé. Surtout, ce dernier le considère toujours comme « un jeune frère, poli et courtois « . Bref, comme un agneau politique qui, au nom de l’unité et de la paix acceptera tout. Il en veut pour preuve les résultats présidentiels. Mais, qui courtise avec toi le pouvoir ou la même femme ne peut être qu’un rival. S’il acceptait le statut de jeune frère, le choix ne se pose plus. Il n’aura plus qu’à s’effacer et te laisser la voie libre.   Dalein doit continuer à s’opposer avec force et rigueur à Alpha.

Cependant, dès que vous vous hasarderez à dire à Cellou de corser son discours, de faire encore plus preuve de forte personnalité, d’intransigeance et de taper du poing sur la table, certains vautours qui rôdent autour de lui vous traitent de radicalisme et d’extrémisme. Ils peuvent toujours le faire car ils défendent leurs propres intérêts et non ceux de Cellou, de l’UFDG ou de la Guinée . En mal de notoriété, si ce n’est d’emploi, le parti leur est apparu comme un bouche trou, une source de finances pour joindre les bouts. Bref, s’afficher auprès de Cellou leur suffit alors qu’il a besoin de voies discordantes et honnêtes.

Résultats, ils éloignent  de Cellou de tous ceux qui sont censés le critiquer en lui disant de redresser ceci ou cela. Dès lors, si tu parles de Dalein en propos critiques, ton discours pourtant constructeur  te classe parmi ceux qui ne l’aiment  pas. Pour nous autres et bien de personnes que je connaisse, la question d’aimer ou ne pas aimer Cellou ne  se pose pas.  Il s’agit de prévenir, de le rendre lui, ses collaborateurs et alliés pro-actifs. Plus stratèges, mieux armés politiquement et plus clairvoyants.  Et Dieu sait qu’ils en ont besoin d’autant plus que les attentes sont nombreuses.

A ce titre, j’attire l’attention à nouveau, qu’on me qualifie de tous les noms d’oiseaux, sur le fait qu’Alpha Condé est un fin politique, un joueur et souvent un gagneur à n’importe quel prix. Que son revirement apparent peut être un piège pour les principaux leaders politiques. De ce fait, ils ne doivent accepter la marginalisation des responsables politiques qui leur sont proches. Sinon, ce sera  la première faille qui les affaiblira. D’où  la nécessité d’approcher encore plus, après le 15 novembre 2011 les Mouctar, Kouyaté, Mohamed Soumah.

Au président de l’UFDG, j’attire son attention sur le fait que tout électorat rêve. Mais ce rêve peut- être éphémère si celui sur lequel il porte ne se montrait pas capable de le transformer en réalité. Que ses militants sont assoiffés de changement, d’action, de protection, d’assurance  et de poigne.

N’en déplaisent à certains qui fanfaronnent en se faisant passer comme des experts en ceci ou cela. A ceux et celles qui font prévaloir  qu’ils sont des amis de Cellou en le flattant, je leur dit qu’ils trompent ceux qui espèrent en Cellou.  À ceux  qui ne lui disent pas les mots qu’ils ne voudraient pas toujours entendre,  je leur dis de cesser de fanfaronner au moment où la déception du pouvoir en place est à son comble.

Je dis à Cellou qu’il doit prendre conscience qu’il est un rempart et que les militants ont besoin de changement. Qu’ils s’interrogent sur la nécessité d’aller aux législatives ou ne pas y aller. Ils sont derrière lui, non pas parce que c’est lui, mais parce qu’ils veulent le pouvoir. Je lui dis que la base grouille. Qu’il ne sera plus pardonné s’il se laissait berner par une quelconque ouverture du pouvoir sans avoir réussi la libération totale de ses militants et la défense des Peuls. Cette ethnie ouvertement persécutée par Alpha Condé et son pouvoir. Qu’on me dise encore, c’est  lui. Moi, je riposte et dis qu’on m’explique ce qu’Alpha Condé, appuyé par la  coordination du manding,  a fait  jusqu’à présent si ce n’est défendre son ethnie.

Enfin,  Cellou Dalein Diallo doit être sur ses gardes plus que jamais. Je réitère mes propos et affirme haut et fort que c’est tout son avenir politique qui est en jeu avec cette soi- disant ouverture d’Alpa Condé. Il est  face à une négociation ou une noyade politique. Le tout dépend de lui. Il devra se montrer encore mieux à la hauteur. De l’audace, plus qu’un simple courage doit marquer ses actes, ses prises de décisions politiques dans ces moments cruciaux.   La  vigilance à laquelle il faisait allusion ce matin dans une radio internationale ne doit pas être un simple mot.  Elle doit être une règle d’or. Une devise et une action. Toute négociation avec le pouvoir doit passer par la protection des militants du parti injustement brimés du fait de leur simple appartenance politique ou ethnique.

Telles sont mes premières observations sur la rencontre d’hier qui,  je l’espère ne sera pas une nasse dans laquelle l’opposition guinéenne tombera à nouveau.  Pour cela, elle doit lier toute négociation à la protection des Guinéens et  au retour aux règles  de la démocratie. Ce sera le seul gage de la réconciliation.

 Au cas contraire, l’opposition actuelle pourra toujours aller aux législatives pour accompagner Alpha Condé dans une nouvelle victoire et le légitimer Ad vitam æternam. Mais, pour elle, ce sera le chant du grillon qui annonce la fin du jour et le début du crépuscule.

Lamarana Petty Diallo        
lamaranapetty@yahoo.fr