Doré ou comment tirer profil de l’ingratitude. (Episode 3)

Ce qui apparaît aujourd’hui, aux yeux d’observateurs peu avertis, comme un acharnement ou une campagne de diatribes sur un « pauvre » leader politique n’est en fait que le reflet de la tempête qu’on récolte après une vie de semeur de vent…

Si Doré est réellement victime de délation, en tant que légaliste, entre nous, il existe bien un recours devant un tel état de fait : c’est l’assignation pure et simple. Cela dit, livrons-nous à ces règles.

Ces leaders politiques ont chacun d’eux les mêmes pestilences, non seulement de cadavres dans leurs placards, mais aussi, en jetant un coup d’œil sur leurs parcours, il résonne le même bruit tellement assourdissant de casseroles, qu’on a du mal à cerner une différence entre eux.

Aujourd’hui, c’est certes intentionnellement que je commence par Jean-Marie Doré, mais plus tard, d’autres devraient s’attendre à ce format de zoom sur des contours peu connus de leur vie, car il est plus qu’un droit pour les Guinéens d’en savoir un peu plus sur ces leaders qui nourrissent l’ambition d’un séjour à Sékoutouréya, le temps d’un mandat présidentiel ou plus.

Mais en attendant, occupons-nous de la saga de ce vieux bougre qui vous passionne tant, par ses pitreries dans chacune de ses sorties médiatiques. Une saga, c’est peu dire devant celle de Doré qui est de la race de ces personnages totalement aux antipodes de la bienséance, ces personnages dont on se gausse à souhait en ne faisant pas attention à l’impact néfaste de leur geste le plus anodin et, le temps de se rendre compte de leur subterfuge, le mal est déjà fait, hélas, irréparable. Mis à part, ce côté pédant, parfois amusant qu’on lui connaît, notre boute-en-train trahit une carence notoire d’humanisme. Celui qui se plaignait dans les années soixante de la « toux quinteuse de l’enfant de son voisin » dans son unique recueil de poèmes, ce passage prémonitoire de cette édition à compte d’auteur, prouve que notre amuseur public ne pouvait rendre une autre copie que celle qui accable le Jean-Marie Doré, devenu, nom de Dieu, un de nos « grands » hommes politiques d’aujourd’hui. Mais comme on dit que seuls les imbéciles ne changent pas, l’indulgence traditionnelle des Guinéens lui a offert, à chaque reprise, une nouvelle chance de se corriger.
En vain.

Il y a de ces créatures sur terre qui ne connaissent aucune autre rétribution au bien fait que l’ingratitude. JMD a taillé son modèle dans ce moule. Il n’y a pas non plus besoin de dessin pour le faire comprendre. L’épisode qui suit en est une des illustrations.

1993, le Ministère de l’intérieur fixe la date de dépôt des candidatures pour l’élection présidentielle que Lansana Conté remportera plus tard avec 51,7% des suffrages. Plus qu’une question d’honneur, Doré sait que le simple fait d’y participer lui permettrait de donner encore quelque répit à sa petite existence qu’il vient, une nouvelle fois, de compromettre avec la décision de mise en liquidation d’ENTRAT International, la société qu’il a « truandée » aux investisseurs allemands. Tout est OK pour réaliser la promesse faite aux militants des premières heures de l’UPG, son parti politique. La chemise contenant son dossier de candidature renferme, depuis plusieurs jours, son extrait de naissance, le seul document authentique dans le lot, un extrait de casier judiciaire falsifié, un chèque en bois de vingt millions de francs guinéens pour lequel Doré, nuit et jour, brûlait des cierges devant la seule effigie de Sainte-Marie dans un coin du salon de sa litigieuse villa de Donka. Ses prières restent vaines, évidemment, l’Eternel ne peut être le berger d’une telle racaille. Son appel à cotisation aux membres de sa formation politique reste sans suite. Il remue ciel et terre dans tous les sens, pas d’issue. Nous sommes le dernier jour, une petite Nissan 4X4 de son entreprise, soustraite frauduleusement de la liste du matériel répertorié par le commissaire priseur, s’immobilise en plein milieu des rails du carrefour d’Hamdalaye. Il est 23h30. Dedans, Doré, préoccupé et ayant fini d’épuiser tous les recours possibles pour s’acquitter de la fameuse caution, reste songeur dans le véhicule et ne voit pas venir le train minier de la CBK (Compagnie des bauxites).

On venait de lui parler de quelqu’un qui pourrait lui venir en aide, un opérateur économique qui a réussi dans la menuiserie aluminium. Mais les conditions de ce dernier sont volontairement contraignantes, car la réputation luciférienne de Doré l’y avait précédé. Notre mécène propose un gage : les papiers « falsifiés » de la douteuse villa de Donka contre les vingt millions, plus un engagement écrit de remboursement. Ces modalités laissent notre vieux bougre profondément perplexe et totalement absorbé sur le chemin de fer. Dans le spot lumineux qui fend le couloir qui se dessine devant sa machine, le cheminot de FRIGUIA s’aperçoit de la présence d’un fou suicidaire sur son trajet et actionne la sirène stridente de sa locomotive. Le passager à l’arrière de la voiture s’égosille et crie à la mort, Doré ne s’aperçoit toujours de rien. C’est finalement, une salvatrice gifle qui viendra le tirer de cette torpeur momentanée pour qu’il actionne l’accélérateur de la voiture et ainsi le faire dégager de la voie ferrée. Le lendemain, à la dernière minute, Doré fait avec faste le dépôt de sa caution âprement acquise dont le remboursement fera l’objet d’une rocambolesque tracasserie. L’histoire suit son chemin et les tracas du bon samaritain qui le hissa au titre de candidat à la présidence prirent trois laborieuses années de réclamation, de mise en demeure et de tous les recours possibles car les documents immobiliers, présentés comme garantie, étaient faux.

Avec Doré, l’ordre n’a rien à voir avec sa vie, c’est ce qui nous amène, sans transition, actualité oblige, à la dernière sortie médiatique de ce vieux maître en manipulation. Manipulation dans laquelle il vient de réussir un coup de maître dans lequel c’est toute la Guinée qui s’est vue filouter. Il me rappelle, à ce niveau, un Lansana Conté qui a fini par enterrer tous ceux qui le disaient malade et sénile. Doré, dans son état de forme actuelle, a encore de belles années de cynisme devant lui. Il n’a été peut-être malade que dans son estime propre. Le plan était bien ficelé pour s’évader de son domicile conjugal avec le concours de fonctionnaires du Ministère des Affaires Etrangères pour une belle virée avec des gourgandines entre Paris et Genève.

Doré débarque dans les couloirs du service des passeports et joue la carte du trafic d’influence bien huilé.  L’intimidation est à son paroxysme, le prétexte avancé est celui d’une mission officielle. Les fonctionnaires s’agitent aussitôt pour lui sortir un passeport de service qui, dans les règles, n’est émis que sur présentation de justificatifs adaptés. Pour ce cas ci, le seul statut de copine de l’ex premier Ministre suffit, accompagné de l’acquiescement intéressé d’un jeune protocole qui pourtant semblait être fort bien apprécié. Doré est dévastateur, il entraine, dans sa dérive, non seulement ces pauvres agents qui se voient contraints de se livrer à une telle bassesse, mais aussi ceux du Consulat de France qui n’ont rien vu d’anormal dans la demande de visa Schengen pour son escorte girl.

Alpha Condé, lui-même, à son insu, est mis à contribution. Croyant rendre visite à un vieil ami malade, le 2 octobre passé, le chef de l’Etat ignorait qu’il entrait dans une mise en scène qui servira au larron Doré de prétexter une évacuation sanitaire. Revêtu d’un pyjama pour les besoins de son plan, Doré savait que le Chef de l’Etat serait accompagné de son service de presse. Les objectifs des photographes de la présidence immortaliseront le masque de parfait mourant que Doré a su leur restituer en posant dans son salon à côté d’Alpha. Ces images serviront plus tard à une propagande tellement efficace, que certains titres annonceront l’ex Premier ministre mort des suites de cette maladie.

Plus tard, dans l’unique but de brouiller les pistes et rendre illisibles les actions du Collectif des partis politiques pour la finalisation de la transition,  Doré vient de sortir de son pseudo silence après ses congés volages en s’accrochant au thème très racoleur qui est celui de la réconciliation. C’est à tomber des nues devant cette nouvelle imposture de la part de celui qui, sous prétexte d’une velléité sécessionniste des Peuls du Fouta, mit tout en œuvre pour barrer la route de Sékoutouréya à Celou Dalein Diallo. Et l’entendre dire aujourd’hui : « Il faut grouper les Malinkés et les Peulhs pour leur dire : Réconciliez-vous ! », je crois que le vin n’a pas dû être tiré en Forêt. Ou alors cette tirade de JMD serait d’origine hallucinogène pour nous amener à un tel sommet de connerie.

Chaque peuple n’a que les dirigeants qu’il mérite, et merci à ceux qui jettent l’anathème sur ma plume et qui m’apportent, à chaque réaction, de la « matière première » et une sacrée source de motivation pour la suite.
(Tiens, à suivre…)

Solo Niaré (Bossou)