Le miracle n’a pas eu lieu. La Guinée n’a pas pu offrir hier l’image d’un pays où les manifestations sont démystifiées…
Des régimes d’exception à nos jours, un dénominateur commun continue de prévaloir : le pouvoir en place continue d’assimiler une marche ou un meeting à des actions de subversion. Avec un tel état d’esprit, on ne peut être surpris de l’interdiction du meeting de l’opposition, hier 27 septembre, à Conakry. Le pouvoir d’Alpha Condé a pu ainsi faire régner sa loi.
Mais la Guinée a-t-elle pour autant gagner en termes d’élargissement des espaces démocratiques ? Certainement pas. Certes, en Guinée, l’expression des libertés se termine souvent dans la violence. Entre des militants chauffés à blanc et une soldatesque prompte à réprimer, la sérénité n’a pas toujours été de mise lors des manifestations. Sous l’ère Condé, cela ne semble pas avoir changé. Par ailleurs, la proximité d’avec le 28 septembre, de sinistre mémoire, peut faire penser à une récupération politique. Mais la manifestation du 27 septembre constituait un vrai test démocratique. C’était le premier vrai rassemblement de l’opposition de l’ère Condé. Le pouvoir aurait pu, en autorisant le meeting mais en l’encadrant, voir jusqu’où l’opposition est capable de jouer le jeu démocratique. Si le meeting avait pu se tenir, dans le calme et la sécurité, cela aurait été une preuve de maturité de l’opposition. Mais le pouvoir n’a pas permis de vivre une telle expérience. Pire, sa décision d’interdire la manifestation aggrave davantage la fracture sociopolitique dans le pays. Les troubles que redoutait le régime, pourraient naître de cette mesure d’interdiction. Ce bras de fer tenace entre pouvoir et opposition a pour enjeu principal la tenue des élections législatives. Pour l’opposition conduite par Cellou Dalein Diallo, candidat malheureux à la présidentielle, ce scrutin apparaît comme une sorte de troisième tour. Celui qui ne s’est avoué battu que du bout des lèvres, entend sans doute confirmer son assise en contrôlant le parlement.
Le camp Condé, bien sûr, ne l’entend pas de cette oreille. Lui aussi rêve de remporter les législatives pour non seulement confirmer sa victoire à la présidentielle, mais aussi disposer d’une majorité confortable pour gouverner. Avec les événements qui viennent de se passer, les Guinéens ont raté leur rendez-vous avec l’histoire. En ces derniers jours de septembre, ils ne peuvent pas avoir oublié la terrible répression du 28 septembre 2009, qui avait fait une centaine de morts. Au lieu donc de constituer un ciment entre les Guinéens, cette date les éloigne davantage les uns des autres, à l’image de la tension qui prévaut entre opposition et pouvoir, hier unis contre la junte de Dadis Camara, aujourd’hui divisés par le pouvoir. Ce qui devait être la journée commémorative d’une page sombre de l’histoire de la Guinée a donc tourné en une guerre de tranchées entre anciens combattants de la liberté. Sacrés Guinéens !
Mahorou KANAZOE