« Alpha Condé ne dirigera la Guinée que par la force et dans la terreur. »…
Dans les précédentes analyses, j’ai expliqué le mode de fonctionnement de la dictature qui est en train d’émerger en Guinée à la place du système démocratique pour lequel les Guinéens se sont battus depuis l’indépendance.
J’ai expliqué l’enracinement historique de la dictature du Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG) dans celle du Parti Démocratique de Guinée (PDG). J’ai indiqué qu’Alpha Condé a exacerbé les conflits interethniques en faisant de l’ethnocentrisme son arme principale de conquête et de conservation du pouvoir.
A présent, je montrerai que le mode de gouvernance du nouveau président guinéen relève de méthodes d’un pouvoir qui use de la force et de la terreur pour se maintenir. Un pouvoir basé sur une politique de discrimination, de mépris des autres et de chasse aux sorcières.
L’arc- en- ciel, avatar électoraliste du RPG a donné la preuve éloquente qu’Alpha Condé ne reculera devant rien pour arriver à ses fins. Sa dénonciation de cadres forestiers et son acharnement contre les Peuls lors des présidentielle relèvent d’un système pire qu’ethnique. Il est tout simplement tribaliste. C’est ainsi que les manipulations, qui ont conduit aux violences et au sang, ont porté au pouvoir en novembre 2010, non pas un homme, mais une ethnie.
La main- mise de l’ethnie sur l’Etat et la Nation
Les actes posés par le pouvoir guinéen participent dans leur quasi- totalité de la violence. Inutile de rappeler qu’ils sont pratiquement tous dirigés contre la communauté peule.
Ce qui est navrant, la plupart des leaders politiques parlent de manière hypocrite « d’actes dirigés contre une certaine communauté » sans la nommer. Quant aux institutions dites républicaines, on n’en entend plus parler tant elles sont sclérosées par leur division et par leur course aux postes et à la reconnaissance du chef.
Se cacher derrière la peur d’être taxé d’ethnocentrique par un pouvoir qui est lui- même ethnocentrique ne résoudra pas le problème guinéen. Il faut dire les choses clairement : le pouvoir d’Alpha Condé est un pouvoir ethnocentrique. Il n’est pas uniquement anti- peul. Il est une menace pour la cohésion nationale et les Peuls ne sont que l’alibi et la cible du moment.
Qu’on regarde les nominations administratives et politiques en Guinée. Tous les postes sont occupés par l’ethnie d’Alpha Condé. Les dernières nominations de Malinkés à tous les postes du département d’Electricité de Guinée (EDG) ne font pas exception. Elles constituent la suite logique des nominations antérieures qui ont montré que toute nomination qui ne soit d’un malinké n’est que pure coloration. Du trompe- œil. On a vu que tous les portes- feuilles ministériels sont doublés d’un malinké au cas où le titulaire ne serait pas, fait exceptionnel, de la dite ethnie. Cela est vrai tant pour l’administration civile que pour l’administration militaire. Il ne faudrait pas s’attendre mieux de ce système enferré dans sa nostalgie mandingue au sein d’une République fissurée.
L’ethnocentrisme exacerbé aux conséquences imprévisibles
L’ethnocentrisme d’Alpha Condé et du système guinéen ne se voile plus la face. De surcroît, il a été a été exporté. Lors de ses visites à l’étranger, ce président ne rencontre que son ethnie et les alliés de son arc- en- Ciel. Plus rien ne semble compter en Guinée qu’être Malinké. De préférence « un Condé ». Voyez l’entourage du rescapé de Kipé et non plus seulement de Piné !
Des étudiants ont mis fin à leur cursus universitaire à travers le monde pour regagner la Guinée du simple fait qu’ils soient Malinkés. En France, parmi les premiers à le faire, il ya ceux de Clermont- Ferrand, Région Centre. Il y eut du canada, des Etats- Unis et d’ailleurs. Des chômeurs chroniques dans les pays cités et en Afrique sont rentrés pour occuper des postes décrochés par la grâce de l’ethnie.
Il faut savoir qu’à chaque fois que figure sur un décret ou arrêté de nomination la mention « administrateur civil », l’intéressé est un chômeur. Il est soit venu d’ailleurs, soit recruté sur place sans jamais avoir travaillé auparavant. Qu’on me dise quels sont les Soussous, Peuls ou Forestiers qui sont rentrés pour les mêmes motifs ! Si cela n’est pas de l’ethnocentrisme, de quoi s’agit- il ?
Le système guinéen a mis en place une politique d’élimination et d’exclusion des cadres des autres ethnies de l’administration et du pouvoir. Les accusations et arrestations arbitraires de citoyens civils et militaires après la prétendue attaque de la résidence de Kipé obéissent à cette stratégie. Toutes les arrestations et détentions ayant été opérées visent soit l’ethnie peule soit les proches des anciens dirigeants du pays. Toutes ont été opérées de manière extra- judiciaire. Comme à l’époque du PDG, ce sont les nervis du système qui procèdent en toute illégalité aux arrestations et aux interrogatoires. Tout cela se passe dans la violence des accusés et la terreur des proches.
Un pays gangrené par la division et la discrimination
La Guinée est devenue un pays gangrené par la division et la discrimination. Un pays où les bourreaux sont récompensés dans le mépris des victimes. Tout cela dans l’unique but de s’assurer une longévité politique.
La gratification de Claude Pivi élevé au rang de Chevalier de l’Ordre National de Mérite de la République procède de cette politique de la violence et de la terreur. Quel pied- de- nez à notre République et aux victimes de la liberté que d’élever à la plus haute distinction cet officier cité par le Tribunal Pénal International (TPI) pour crimes contre l’Humanité ! Certains officiers sont arrêtés et libérés sans que le motif ne soit connu. Tel est le cas de Moussa Kéita, le monsieur «Dadis ou la mort » arrêté et libéré une fois que le système a cloué son bec. Trop fourchu, semble- t- il. Pour lui, et pour bien d’autres, c’est silence de mort ou retour au gnouf.
Arrêter des civils et des militaires ne constitue pas un gage de paix. Il s’agit plutôt d’une source d’insécurité car tout soldat, officier ou civil arrêté a, quelque part, un défenseur potentiel. Et, comme « toute violence fait appel à la violence », il est de droit de dire que le système guinéen a mis le pied dans un bourbier qui risque de se révéler comme un cycle infernal de violences.
De la violence ethnique à la violence étatique
En Guinée, la violence ethnique d’Alpha Condé, alors candidat du RPG, a cédé la place à la violence étatique sous toutes ses formes : individuelle, militaire, administrative, professionnelle, tribale, etc.
Aujourd’hui, personne ne parle presque plus à une personne du camp adverse. Que cette adversité soit potentielle ou avérée n’a pas d’importance. Les gens qui travaillent ensemble se parlent à peine. Parfois, ils n’échangent pas un mot de l’ouverture à la fermeture des bureaux. Le directeur, sa (ou son) secrétaire ou son directeur- adjoint se regarde en chien de faïence. Les dossiers passent d’une main à l’autre sans mot dire. L’ethnie est partout. Si cela aussi ne procède pas de la violence, il s’agit de quoi d’autre ?
Le fonctionnaire soussou, forestier ou peul, agent ou administrateur de l’Etat se fait évincer du simple fait de n’être Malinké ou militant du RPG. Il arrive de se rendre à son poste de travail et de trouver qu’on a été remplacé sans arrêté ni décret. Il est facile d’imaginer par qui.
Au marché, le poisson vendu par la commerçante soussou semble plus comestible que celui de la femme peule d’en face. Cette dernière préfère vendre son pain, son riz ou autre à la forestière qu’à une femme malinké qui ne les lui achèteront pas d’ailleurs. Ethnocentrisme anbangsan- né oblige.
Les noms des ethnies ont disparu sous les sobriquets. Il n’ya plus le mot « Malinké » chez les Peuls. Ceux- ci sont appelés « Kappé ». C’est- à- dire, igname : tubercule très cultivé en Haute- Guinée où il constitue l’alimentation principale. Ainsi, Alpha Condé est appelé « Kappèrè ndèn », littéralement l’igname. De même, le terme « Peul » a disparu chez les Malinkés qui parlent de « Dyabèrè ». Cet autre tubercule désigne les Peuls parce qu’il est cultivé au Fouta- Djallon.
Les soussous ont pour sobriquets « les poissons » ou « les poules ». Poissons, quand ce sont les Peuls ou les forestiers qui parlent d’eux. Poules, si ce sont les malinkés qui, s’adressant aux Peuls et se moquant des Soussous, leur disent : « Il nous suffira de donner du riz à nos poules pour qu’elles vous dévorent. »
Les Forestiers sont appelés « mangeurs d’hommes ou buveurs de sang » depuis l’accusation d’Alpha Condé contre Papa Koly Kourouma et ses milices. Où va- t- on dans un tel pays ? De tels sobriquets ne sont pas que de simples mots. Ils sont les relents du système politico- ethnique en place et menacent dangereusement la paix sociale.
La susceptibilité et la frustration sont partout
Hasardez- vous à dire de quelqu’un qu’il est Malinké ou Peul. La réplique est fracassante et tonne en ces termes : « Et alors ? Quoi d’autre ? » Même les bonnes intentions sont mal interprétées.
Les Guinéens ne se regardent plus. Sinon à peine et le plus souvent hypocritement. C’est l’une des conséquences de la politique vindicative d’Alpha Condé. On dit ouvertement aux Peuls : « Vous ne dirigerez jamais ce pays. » La parole de Facinet Touré faisant écho aux propos de son mentor qui prône aujourd’hui la réconciliation nationale est devenue une arme de promotion sociale.
Dénigrer un Peul remplace un diplôme et vous dispense de curriculum vitae. Il n’ya pas un jour qu’un « ethno » ne crache sur toute une communauté, ses origines et ses ancêtres. On pourrait bien dire : « Ethnos de toute la Guinée, dénigrez, persécutez du Peul, vous serez promus ! » « Débarrassez- vous, comme sous le PDG de votre identité peule, vous serez intégré par le système anbangsan- nè et son chef Alpha Condèn ! » Quel retour en arrière ? A quand le tour des autres ? Une chose est sûre : les regrets du parachutage électoral d’Alpha Condé n’épargneront aucun guinéen.
Personne ne peut nier que la Guinée est menacée dans son ensemble par le système en place. Un système archaïque fondé sur une idéologie néo- fasciste et faussement communiste. Un pouvoir qui est en train d’arrêter un par un des officiers soussous, forestiers, malinkés et peuls. Des civils de toutes origines ethniques sont brutalement, arbitrairement et lâchement inquiétés, arrêtés et spoliés.
On torture au moment où j’écris ces lignes. Très certainement, les accusés ont déjà craché sous la torture ce que veulent entendre les bourreaux et leur chef suprême en gestation. Des leaders politiques, des notables, des commerçants, des officiers et des soldats seront encore et à nouveau arrêtés. Ils seront maltraités comme l’ont été le Général Nouhou Thiam, le Commandant Alpha Oumar Barry, le Colonel Sidiki Camara, (De Gaulle) ou Issagha Camara et bien d’autres.
Des propriétaires forestiers sont expropriés tandis que les troupeaux des éleveurs peuls sont exterminés en Guinée- Forestières. Les intellectuels collaborent à la politique de l’ethnie alors que les médias sont muselés. N’est- ce pas cela la violence et la terreur ?
A mon tour d’interpeller
Garder le pouvoir à tout prix, même par le crime, le mensonge, la haine de l’adversaire, le mépris du prochain, la bassesse et la trahison du peuple. C’était donc cela, M Alpha Condé, votre objectif et la raison de votre course effrénée vers le pouvoir en vous affabulant d’opposant historique ? C’est cela être « le Mandela et Obama de la Guinée » que vous aviez promis ?
Sachez, mais je sais que vous les avez très bien : La tension sociale est extrême en Guinée. Vos actes doublés du silence coupable des uns et la complicité d’autres risquent de nous mener loin. Si on ajoutait les provocations ethnocentriques de votre système et de ses représentants, on verrait bien que la Guinée est une marmite bouillante dont le couvercle peut sauter à tout moment.
Sachez que les échéances électorales qui se dessinent risquent d’être encore plus explosives que les présidentielles. Cela d’autant plus que lors des derniers scrutins, vous n’étiez qu’un souffleur sur les braises. Aujourd’hui, vous êtes le pourvoyeur de feu. Est- ce là le devoir d’un Président de la République ?
Enfin, il ya des moyens d’éviter l’explosion sociale et politique de notre pays. A vous de les trouver. Au cas échéant, vous agrandirez tôt au tard la lignée des oubliés de l’histoire. Ceux- là dont le peuple tout entier a regretté le passage à la tête du pays.
A vous de savoir ce que vous voulez que l’Histoire retienne de vous. Il me semble avoir parlé à un autre dans les mêmes termes.
Lamarana Petty Diallo
lamaranapetty@yahoo.fr