Tout s’accélère ces derniers temps, à tel point qu’on a presque du mal à suivre l’actualité. Toutefois, j’ai choisi de manière subjective certains sujets ou déclarations, pour mettre en exergue les aspects négatifs de ceux-ci…
Quant à ceux qui me reprochent de ne parler que des côtés négatifs du nouveau régime, je leur dirais deux choses : d’une part, la télé RPG lui fait suffisamment de publicité pour dire que tout va bien, que je ne me sens pas l’âme d’accompagner cette propagande, mais surtout, d’autre part, on n’essaie d’améliorer que ce qui ne fonctionne pas. Si tout va bien, je ne vois pas ce qu’il y aurait à dire ou à faire.
La suite du pseudo-attentat
Les révélations du procureur
Selon Mohamed Saïd Haïdara, procureur de la République près le TPI de Dixinn, tous les objets saisis dans le cadre du pseudo-attentat du 19 Juillet sont connus.
D’abord, il faudra vérifier que tous ces objets ont été effectivement et exclusivement saisis, dans le cadre de l’enquête, mais surtout, comme je l’avais indiqué précédemment, il existe un gros problème de cohérence et de crédibilité entre les arsenaux utilisés et l’impact causé à la résidence d’Alpha Condé à Kippé.
De même, se pose la question sur les conditions dans lesquelles toutes les armes exposées, ont été acheminées dans les alentours du domicile d’Alpha Condé, sans éveiller un quelconque soupçon de la part des services de défense et de sécurité ? D’ailleurs, aucun responsable de la sécurité du PRG n’a jusqu’à maintenant été sanctionné, preuve que finalement, personne ne s’est inquiété de cette mauvaise pièce de théâtre.
Voici la liste partielle des éléments mis sous « scellés » :
cinq (5) lance-roquettes anti-char, trois (3) roquettes,
cinq (5) fusils mitrailleurs FM,
deux (2) PMAK,
une grenade défensive américaine,
six (6) fusils mitrailleurs de modèle français, et 9944 munitions de FM,
trois (3) caisses de munitions ….
et enfin sept (7) véhicules 4×4.
Que constate t-on avec ces nouvelles révélations ?
On savait que les assaillants étaient une cinquantaine (7 véhicules 4×4 ou pick-ups de 6 à 8 personnes), mais il n’y a que 13 fusils mitrailleurs. Que faisaient les personnes désarmées ? Comment peut-on faire partie d’un commando dont la mission serait d’éliminer physiquement le PRG, et y aller les mains dans les poches ? En outre, puisque ce sont des militaires, ils ne sont pas sans savoir qu’une centaine d’hommes assuraient la sécurité du PRG.
D’autre part, il y avait 5 lance-roquettes, avec 6 roquettes seulement (3 ont été tirées, dont je rappelle qu’une seule a atteint sa cible). Cela signifie que 2 personnes n’ont pas tiré du tout (à quoi servait leur seule arme ?) et que 3 personnes n’ont tiré qu’une seule roquette (qu’ont-ils fait d’autre en deux heures de temps ?).
Jusqu’à présent, j’attends toujours des commentaires sur les remarques liées à cette affaire. Ceux qui disent faire confiance à la justice (laquelle ?) ont trouvé là un bon moyen d’esquiver les nombreuses incohérences de ce scénario mal ficelé. Et comme d’habitude personne n’aborde les problèmes de fonds (ce qui est difficile et pas à la portée de tous), préférant stigmatiser les auteurs des textes en question. Pourtant vouloir casser le thermomètre, n’est pas la meilleure façon de baisser la température.
Le retour de la Chine en Guinée
526 millions de dollars pour la réalisation d’un barrage en Guinée
Le gouvernement guinéen et la société China International Water-Electric Corporation ont signé à Conakry un contrat pour la réalisation du projet d’aménagement hydroélectrique de Kaléta (135 kms au nord-est de Conakry).
« La Guinée doit débloquer 25% de sa part dans la réalisation du projet et la Chine apporte 75%, pour un financement total de 526 millions de dollars », a précisé pour sa part le Ministre de l’Economie et des Finances Kerfalla Yansané.
Selon les autorités guinéennes, ce barrage aura un caractère régional. Une partie de la production énergétique sera livrée à certains pays voisins à la Guinée, à travers le projet d’interconnexion sous-régional entre la Guinée, la Gambie, le Sénégal et la Guinée Bissau.
La société China Railway International Ltd pour 400 logements sociaux
Alpha Condé a rencontré le 17 août dernier le vice-président de la société de construction China Railway International LTD, en recherche d’opportunités d’investissement dans le domaine de la construction de quatre cent (400) logements sociaux dans la capitale.
China Power Investment Corporation veut investir plus de 6 milliards de dollars USD en Guinée
Le groupe China Power Investment Corporation (CPI) a annoncé le 19 Août à Conakry, son intention d’investir dans un projet de construction d’une usine de production de bauxite et d’alumine, dans la zone de Boffa, de plus de six milliards de $ pour les prochaines années.
Que penser de ces projets ?
Lorsque Alpha Condé avait annoncé qu’il était contre les projets chinois d’échange travaux contre matière premières, j’avais applaudi des deux mains. Chacun sait qu’en Afrique, les Chinois travaillent à leur façon, qui consiste à importer même la main d’oeuvre, souvent des prisonniers non rémunérés pour leur travail, mais libérés de leur peine à la fin du chantier. Quel est l’intérêt pour la jeunesse guinéenne ? On aimerait la transparence du PM pour vérifier que la Guinée a imposé une main d’oeuvre locale pour ces chantiers, ce qui nous rassurerait sur leur intérêt. On souhaiterait également des obligations de formation – y compris et surtout pour les cadres – et/ou de transferts de technologie.
Par ailleurs, je suis sceptique sur le montage du projet. Jusqu’au début des années 90, la Chine finançait des projets dans le tiers-monde sous forme de dons. Depuis la libéralisation de son économie, les entreprises qui travaillent à l’extérieur (même si elles sont sous le contrôle de l’État plus ou moins directement) le font de manière classique, c’est-à-dire donnant donnant. Par conséquent, les Guinéens aimeraient connaître la contrepartie aux 395 millions de $ financés par l’entreprise chinoise, car même si l’Eximbank (banque chinoise) finance, il faudra bien rembourser le prêt.
Enfin, les Guinéens aimeraient comprendre pourquoi la capacité de ce barrage sera insuffisante pour les satisfaire en électricité, mais qu’on envisage pourtant l’exportation d’une partie de la production.
Concernant le projet de logements, on ignore pour qui est destiné ce projet, et de combien de millions il va augmenter la dette guinéenne.
Quant au projet d’usine d’alumine, je crois que chacun est capable de comprendre que cela rapportera un peu plus de recettes à l’État, mais chacun sait que cela n’a pas développé la Guinée. Cela ne profite qu’aux investisseurs, et à quelques membres gouvernementaux. La Guinée continuera de n’être qu’une pourvoyeuse de matières premières. D’ailleurs les produits fabriqués sur place n’ont aucune utilité locale. Que serions-nous capables de faire, si nous n’en avions pas ?
Qu’en est-il d’un projet de transformation en aluminium, qui suciterait alors des débouchés locaux, et qu’en est-il du dossier Rusal ?
Les autres news
Un prêt de l’Angola
Le 12 Août dernier à Conakry, le gouvernement angolais a décidé de consentir à la Guinée un prêt concessionnel de cent cinquante millions de $, dont on ignore la finalité. La dette continue d’augmenter, pour quel profit ?
La nomination d’ecclésiastiques pour une Commission… de réflexion
Alpha Condé a désigné l’imam de la grande mosquée Fayçal (Mamadou Saliou Camara), et l’archevêque de Conakry (Vincent Koulibaly), pour co-présider une « Commission provisoire de réflexion sur les conditions de mise en oeuvre et de réalisation de la réconciliation nationale ».
Je ne connais pas le premier, mais je me rappelle très bien les propos ignobles du second lors des massacres du 28 Septembre. Oser nommer ce genre d’individus est un scandale. Heureusement, cette commission n’est que provisoire et surtout elle ne sert qu’à réfléchir.
Au fond, il ne s’agit donc que d’un effet d’annonces, les gens non informés ne faisant pas forcément la différence entre une simple commission de réflexion et la commission véritable de réconciliation.
La nomination d’un Conseiller à la Cour Suprême
Par décret présidentiel, il a été procédé à la nomination d’un magistrat à la Cour suprême (Mr Zoumanigui Sidiki), précédemment Vice-président du Tribunal de travail. Sa promotion est donc pour le moins expéditive.
La Cour Suprême ne comprenant que 10 conseillers au plus, il faudrait vérifier si l’un d’entre eux est décédé, démissionnaire, retraité (65 ans), révoqué, ou si la Cour possédait des effectifs incomplets. N’ayant pas eu d’informations à ce sujet, il est nécessaire de vérifier la conformité de ce décret aux articles 9 et 12 de la loi organique.
Par ailleurs, notre compatriote Hassatou Baldé vient de pointer les irrégularités (désormais banales du PRG juriste) liées à toutes les nominations de magistrats, que je vous invite à lire. On se demande même à quoi sert un Garde des Sceaux, qui n’a même pas la capacité de nommer les fonctionnaires de son département.
Peut-être que pour une fois, ces juristes prendront en mains leur destin, en contestant leur rétrogadation, voire révocation, mise à la retraite anticipée, promotion-sanction, ou autres…
La reconnaissance du Kosovo par la Guinée
Étonnamment cette reconnaissance diplomatique a fait l’objet d’une déclaration de satisfaction française (qu’en est-il de la satisfaction de l’Allemagne, du Royaume-Uni ou d’autres pays ?). On ignorait que la Guinée possédait des intérêts économiques au Kosovo et/ou réciproquement. Autrement dit, on ne comprend pas l’intérêt de la Guinée à cette reconnaissance. Qu’est-elle censée apporter au pays ? Va t-on y ouvrir une représentation diplomatique ?
La rencontre à Paris entre Cellou Dalein Diallo et Oury Bah
Bien que non membre de l’UFDG, personne ne peut rester indifférent à ce qui se passe au sein du premier parti de Guinée, qui représente au moins 40% des électeurs.
Sans entrer dans le détail d’éléments dont je ne dispose pas, mon sentiment est que, quelles que soient les inimitiés éventuelles entre les individus, les malentendus liés à un défaut de communication, voire d’autres problèmes inconnus, la seule alternative possible reste l’union sacrée.
Face à un régime qui alterne le chaud et le froid, qui tente de déstabiliser un parti (ce qui est normal), ou une communauté que certains assimilent au parti (ce qui est criminel), la seule voie raisonnable est l’union du parti pour peser sur les événements à venir.
En admettant même – ce que j’ignore – que les deux leaders ne s’apprécient pas, l’objectif commun permet de rassembler les gens qui peuvent cohabiter – s’ils sont intelligents – dans la réussite de celui-ci.
Enfin pour ceux qui doutent, ils n’ont qu’à raisonner par l’absurde : que se passerait-il si le parti explosait à l’orée des élections législatives ?
Si le parti devait se scinder pour incompatibilité d’humeurs, ce serait indigne de dirigeants qui montreraient qu’ils n’ont pas la carrure d’hommes d’État. En revanche, si les engagements des uns et des autres n’étaient pas respectés, cette scission serait éventuellement envisageable mais …. après les élections.
La querelle entre l’UFDG et l’UPR au sujet de la libération des prisonniers
Apparemment l’UPR chercherait à tirer la couverture de son côté – sans doute en vue des législatives prochaines -, pour se prévaloir d’être responsable de la libération de ces prisonniers.
De ce que j’en sais, l’UFDG a tenté une action judiciaire pour le meurtre de Zakariou Diallo, mais devant l’inaction de la justice, a malheureusement jeté l’éponge. En revanche, je n’ai pas souvenir que des démarches aient été faites pour la libération des prisonniers en Guinée. L’UFDG peut donc difficilement revendiquer cette libération. A l’inverse, si Ousmane Bah cherche à se mettre en avant, il se rend ridicule, parce que bien qu’étant ministre dans le gouvernement d’Alpha Condé, il aura fallu attendre plus de 4 mois pour obtenir une libération. Bonjour l’efficacité.
A mon sens, la raison est plus prosaïque, Alpha Condé a décidé seul pour des raisons politiciennes, et veut simplement redorer son blason, d’autant qu’il essaie de mettre en place une stratégie consistant à isoler son principal (seul ?) adversaire. Les quelques initiatives prises ici et là en font foi.
L’ex PM Ahmed Tidiane Souaré en mission commandée
On a appris qu’une de ses missions était de rencontrer les commerçants peuls pour les enjoindre de travailler avec Alpha Condé. L’ex PM s’y est déjà attelé. La première réaction qui vient à l’esprit, est de s’interroger sur la réelle volonté d’Alpha Condé d’apaiser les tensions, ou à l’inverse de chercher à déstabiliser ceux qu’il considère comme ses adversaires, voire ses « ennemis ». Évidemment ma réponse penche pour la seconde solution, parce que ces tractations n’ont pas lieu au grand jour (donc semblent suspectes), à moins qu’Alpha Condé commence à comprendre que la politique n’est qu’un des leviers, mais pas le seul, pour diriger un pays. A moins qu’il ne souhaite pas se déjuger publiquement, ayant insulté les commerçants dès son arrivée à la présidence.
Quoiqu’il en soit, il n’y a pas de honte à se tromper, Alpha Condé se trompera encore, faute d’expérience, dès lors que l’on reconnaît son erreur. Au contraire si les tractations avaient été officielles, c’eût été un signal fort d’une vonté d’apaisement réel.
Dans l’immédiat, on reste donc sceptique sur ces manoeuvres, qui ne réhaussent pas par ailleurs le prestige de Souaré, même si celui-ci n’était déjà pas très élevé.
De toutes façons, à part quelques petits intrigants non significatifs, Alpha Condé devrait comprendre qu’il a atteint le point de non retour avec de nombreux peuls, dont les commerçants, qui certes, aiment l’argent et leurs intérêts, mais peuvent très bien fonctionner de façon autonome. Les gros commerçants ont rapatrié l’essentiel de leurs affaires sur les pays alentours. Ce sont peut-être des analphabètes, ce qui ne signifie pas qu’ils ne soient pas intelligents, mais ils savent compter. Seuls les demi-grossistes et les petits commerçants auront plus de difficultés en Guinée, mais ils ne sont pas significatifs pour Alpha Condé.
Conclusion
Nous sommes à une période charnière qui pourrait conditionner la nature future du régime d’Alpha Condé. Il doit se convaincre de vouloir rassembler autour d’objectifs communs et prendre conscience qu’un responsable ne peut pas s’imposer par la force, mais doit s’adapter à ce qui existe et influencer par la persuasion.
Si le gouvernement d’union nationale évoqué, consiste à vouloir isoler Cellou Dalein Diallo, cela signifie qu’il veut s’imposer contre la moitié de la population (en comptant la diaspora), ce n’est pas possible. A l’inverse, si les conseils amicaux internationaux portent leurs fruits (non pas pour les beaux yeux d’un individu, mais pour garantir la stabilité), un espoir est permis. Un vrai leader est celui qui sait faire passer l’intérêt du pays avant ses intérêts personnels, au niveau politique : c’est même la définition d’un homme d’État. Alpha Condé est-il un homme d’État ?
Gandhi, citoyen guinéen
« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace ».
(Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, Mai 1791).