Ce que Sidiya a fait, certains l’avaient fait et d’autres le feront.

Monsieur Saliou Bah s’insurge qu’au moment où  l’opposition réunie au sein d’un Collectif dont il est lui-même l’initiateur, Sidiya Touré se lance dans des démarches solitaires envers Alpha Condé…

Nous aussi, cet acte de Sidiya nous déçoit énormément mais ne nous surprend nullement pas. On l’avait prévu et prévenu les responsables de l’UFDG: la survie politique de Sidiya Touré en Guinée, après les présidentielles 2010, ne tient qu’à deux forces politiques: l’UFDG et le RPG (le pouvoir actuel). J’ai prévenu Cellou, par personnes interposées et courrier direct à lui, que vu l’âge de Sidiya, la situation politique difficile de son parti et les manœuvres d’Alpha Condé qui utilise son pouvoir de nominations, de limogeage, l’argent et la force répressive,  seul l’électorat de l’UFDG pourrait assurément survivre et se maintenir.

Tous les partis alliés de la Basse Côte risquent de perdre leurs bases et mourir avec le temps s’ils ne sont pas soutenus et maintenus en action sur le terrain. En Guinée, il n’y a que l’espoir et les frustrations qui mobilisent les gens. Or, Alpha Condé fait des offres administratives et financières aux leaders et militants de la Basse Côte qui le rejoignent tout en affirmant à chaque occasion que sa guerre ne vise que les Peuhls. Nous avons donc suggéré à l’UFDG de proposer Sidiya, en tant que le doyen actuel de l’alliance des bâtisseurs, pour la présidence de l’Assemblée Nationale et d’aider concrètement les partis alliés à survivre sur le terrain. Comme pour couper court à cette démarche, Cellou Dalein accorde une interview à Guineenews dans laquelle il fait savoir son intention personnelle de contrôler lui-même la future Assemblée Nationale. Et après, curieusement, il retourne dormir dans les hôtels à Paris ou au Sénégal, attendant que les autres se battent pour qu’il y ait des élections législatives dans les conditions normales en Guinée!

J’avais prévenu pourtant: en affirmant que c’est lui-même qui veut contrôler le parlement, les autres n’auraient aucune motivation de se battre et prendre des risques pour ces législatives sachant qu’aucun parti ne pourrait obtenir une place significative dans le futur parlement sans le soutien de l’UFDG ou le pouvoir dans ce sens. Et quiconque tombe dans ces législatives, meurt politiquement en Guinée. C’est pourquoi Ils seront tentés d’accepter la main qu’Alpha va leur tendre pour leur propre survie.

Mes conseils ont été si mal perçus par la direction de l’UFDG qu’on a diffusé des rumeurs selon lesquelles je roulerais pour Sidiya Touré.

Par ailleurs, nous avons aussi prévenu Cellou qu’après la répression sanglante du mois d’avril (assassinat de Zakariou et des arrestations arbitraires jusqu’au sommet de l’UFDG), s’il ne réagit pas fort et exiger des conséquences, comme par exemple donner un ultimatum au pouvoir et faire appel à des manifestations jusqu’au limogeage du gouverneur Resco Camara et la justice pour les victimes), en ne défendant pas ses fidèles qu’il abandonne à la merci du pouvoir, ses alliés, hommes d’affaires et autres sages peuhls finiront par faire allégeance au régime en place pour échapper et garantir leur survie. Il n’a pas écouté.

Ce que Sidiya a fait, certains l’avaient fait et d’autres le feront, parce que le pouvoir reste le seul acteur sur le terrain et le seul parti capable d’organiser l’opposition n’en n’a pas le courage et l’esprit politique.

Pour finir, un autre acte dont nous parle Saliou Bah: nous avons été aussi surpris que le communiqué de l’UFDG qui félicite et remercie Alpha Condé d’avoir gracié des personnes qui n’avaient aucune raison d’être arrêtées ait été signé par Cellou lui-même.

Le constat: le leader de l’UFDG n’a jamais le courage de signer des textes critiques au pouvoir mais ne laisse pas à un autre le privilège d’adresser des belles paroles à Alpha Condé.

La vérité est amère: Cellou Dalein n’est pas seulement égoïste, mais aussi , il n’est pas politique.

Un leader qui demande à son adversaire de lui garantir la sécurité pour qu’il vienne le « combattre », n’est qu’un homme qui cherche sa part que cet adversaire voudrait bien lui accorder gentiment.

En Guinée, nous sommes à la phase de la conquête armée et la raison du plus fort. Si les malinkés n’avaient pas conquis le pouvoir par l’armée et dirigé la transition eux-mêmes, Alpha n’allait pas pouvoir sauter du 18ème au 52ème étage pour occuper le fauteuil présidentiel. La communauté internationale l’a accepté parce qu’en face, personne n’a exigé les conditions d’équilibre des forces et d’une transition équitable. En plus, le candidat du RPG était soutenu dans ses manœuvres par son adversaire lui-même:

« sur les 1000 bureaux de votes supplémentaires installés entre les deux tours, les 900 étaient en ma faveur. »

a déclaré Alpha Condé lors de son séjour aux USA. Tout cela, avec les multiples reports nécessaires à cet effet, avait été accepté par l’UFDG qui a en plus signé, samedi le 6 novembre, que les élections peuvent avoir lieu avec sa pleine participation à Siguiri, à Kouroussa, Kankan et Kissidougou où les Peuhls furent massacrés ou chassés pour ne pas voter. Le simple fait qu’on les a invités a signer un tel document, devait leur dire quelque chose s’ils étaient des vrais hommes politiques.

Pour Sidiya Touré, rien n’est perdu encore. Ce n’est qu’un homme désespéré qui attend une offre. L’idéale, c’est celle de l’UFDG. Sinon, il n’a pas d’autre choix que de jouer au martyr ou collaborer.

L’erreur que l’opposition ne devrait pas commettre, c’est d’aller aux législatives sans un arbitrage international avec une nouvelle Ceni et le fichier électoral audité. La communauté internationale, derrière la France qui est sous l’influence des amis d’Alpha Condé, n’attend que ces législatives (bonnes ou mauvaises) avec la participation de l’opposition (camp des bâtisseurs), pour déclarer la transition politique finie et satisfaisante en Guinée et avoir les mains libres et la justification de soutenir massivement le régime en place pour des raisons de stabilité de la sous-région. Dans le cas guinéen, cette communauté internationale, la France en tête, avait offert un cadre de transition politique équitable. C’est l’opposition à Alpha Condé qui n’a pas été responsable en se fiant á l’arbitrage du vice-président du CNDD et de l’armée guinéenne.

SADIO BARRY