Le Vice-Président de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée, Bah Oury, était porté disparu depuis deux semaines. Il n’avait pas donné signe de vie depuis l’attaque du domicile du Président Alpha Condé, le 19 juillet dernier…
Une vague d’arrestation (militaires et civiles) avait suivi cette attaque et le domicile de Bah Oury avait été vandalisé par des militaires armés jusqu’aux dents. Dans une interview accordée à RFI, il explique pourquoi il a disparu depuis cette date et livre son analyse sur la situation politique actuelle en Guinée.
RFI : Bah Oury, bonjour !
Bah Oury : Bonjour.
Depuis l’attaque du domicile du Président Guinéen, le 19 Juillet dernier, vous n’avez pas donné signe de vie. Pourquoi avez-vous disparu pendant deux semaines ?
J’ai disparu parce que j’étais obligé de le faire. Parce que des militaires en tenues civiles sont venus à la maison me chercher. Heureusement que j’avais eu le reflexe de pouvoir me rendre compte que ce n’était pas des gens qui étaient venus de manière amicale et j’ai pu sortir de la maison avant qu’ils n’arrivent en groupe. Le soir même, ils sont venus, habillés en tenues et puis, ils ont dévasté et détruits beaucoup de choses dans la maison. Entre temps, je me suis rendu compte qu’il fallait mieux que je disparaisse de la maison. Et c’est comme ça que je me suis éloigné du domicile et du quartier. J’étais obligé de rester, pratiquement pendant une dizaine de jours, quelque part dans Conakry. C’est par la suite que j’ai estimé que le moment était favorable de sortir du territoire national.
Et où êtes-vous maintenant ?
Je tiens ça secret pour le moment pour des raisons de sécurité – pas pour moi, mais surtout pour ceux qui m’ont aidé à être là, pour ne pas qu’il y’ait des représailles à leur encontre.
Mais alors, pourquoi avoir gardé le silence pendant quinze jours ? Est-ce que l’on ne va pas vous reprocher de vouloir faire monter la tension en Guinée, parce qu’il y’a eu des rumeurs qui circulaient sur votre arrestation, et même votre mort ?
Vous savez, du moment où il y’a eu une situation qui n’était pas du tout explicable et qu’on est recherché par des militaires, peut être que si j’étais là-bas, c’est autre chose qui en serait suivi.
Certains pensent que vous jouez la carte de la victimisation de la communauté Peuhle. Il n’y a pas que des guinéens de cette communauté qui sont aujourd’hui interpellés.
Personnellement, je n’ai jamais cherché à jouer à ce jeu-là. Mais, je vois les listes, j’entends des noms, il y’a des gens de toutes les communautés qui sont arrêtés et c’est cela le drame de Monsieur Alpha Condé. Il veut, dans une certaine mesure, polariser les conflits politiques sur une communauté ethnique alors que, fondamentalement, il va en l’encontre des intérêts fondamentaux de tous les citoyens de la République de Guinée.
Est-ce que vous avez l’intention de rentrer ou pas ?
Pour le moment, il faut savoir quelles sont les intentions véritables de ce régime parce qu’il y’a des personnes qui sont arrêtées aujourd’hui, leur sécurité m’intéresse et m’interpelle et à partir de là, on verra comment il faut agir pour être efficace.
Alors, le Président de votre Parti, l’UFDG, Cellou Dalein Diallo est lui aussi à l’extérieur. Est-ce qu’il va rentrer ?
Je n’ai pas de contact avec lui. C’est difficile de se prononcer à sa place.
La société civile va organiser ce mercredi à Conakry une réunion de concertation. Est-ce que l’Opposition va y participer ?
Je pense qu’il faut qu’on soit un peu plus sérieux dans notre pays. On a vu un régime, en moins de six (6) mois, qui viole la Constitution de la République, qui viole les libertés, qui inquiète des populations et malheureusement, toutes les institutions se sont tues et maintenant on se retrouve devant un blocage complet. Je vois mal comment on pourra se tirer d’affaire d’autant plus que les fils du dialogue sont rompus.
Donc, on a le sentiment que vous fermez la porte !
Nous ne fermons pas la porte. Mais c’est Monsieur Alpha Condé qui s’est fermé toutes les portes en créant un climat d’insécurité, un climat de suspicion à l’égard de certaines communautés de notre pays et il a brisé le fils qui avait permis de toujours avoir des possibilités, par le dialogue, de trouver une solution.
Il y’a des élections législatives prévues avant la fin de l’année. Le Président Alpha Condé a reconnu que la Loi avait prévu une révision du fichier électoral et non pas un recensement total des électeurs, comme il le voulait initialement. Est-ce que vous considérez tout de même que c’est une avancée ?
Ça ne peut pas être une avancée. On ne peut pas faire confiance à un responsable politique qui nie la véracité et les fondements de la République à travers la Constitution et qui, devant certaines difficultés, se permet de dire maintenant je reconnais que la Constitution l’avait prévu. A partir de ce moment là, on ne peut pas avoir confiance parce que ce qu’il peut dire aujourd’hui, il peut le nier demain.
Vous avez, Monsieur Bah Oury, la réputation d’être très virulents dans vos critiques à l’égard du Président Alpha Condé ; le Vendredi dernier le Président américain a reçu à la maison Blanche quatre dirigeants africain parmi lesquels Alpha Condé. Et Barack Obama les a félicités pour leurs élection démocratique et a dit qu’il se trouverait toujours aux cotés des leaders africains démocrates. Alors, est-ce que vous n’êtes pas à contre courant ?
Le Président américain a voulu montrer un intérêt pour certains pays francophones en invitant ceux qui viennent d’être élus, peu importe la manière dont ils étaient élus. Mais, c’est de la realpolitik et je comprends cela.
Est-ce qu’on ne va pas vous suspecter de tenir un discours très revanchard parce que votre leader a perdu les élections présidentielles ?
Nous avons été parmi les premiers à dire à notre candidat d’accepter les résultats puisque c’est ça qui allait être dans le sens de la paix et de la sauvegarde de la vie des gens. Mais par la suite, nous nous sommes rendus compte qu’avec la gestion actuelle, nous n’avons pas le droit de rester les bras croisés lorsqu’un régime, quel qu’il soit amène la Guinée à la catastrophe.
Monsieur Bah Oury, merci.
Merci.