La Coordination du Fouta Djallon à Abidjan, ayant pris conscience de la monté des périls en Guinée qui sont une réelle menace à l’existence de la Communauté peule, a décidé d’interpeller publiquement le pouvoir politique guinéen ainsi que l’opinion nationale et internationale…
Nous avons appris à travers les médias qu’un groupe d’hommes armés a conduit une attaque contre la résidence privée de Monsieur Alpha Condé, Président de la République de Guinée, dans la nuit du 18 au 19 juillet 2011.
Soucieux de la paix et de l’Unité de la Guinée et conformément à nos convictions religieuses profondes qui attachent le plus grand prix à la vie humaine, la coordination du Fouta Djallon en Côte d’Ivoire condamne cet acte.
Lors de cette attaque, nous avons enregistré officiellement une victime, membre de la garde civile de Monsieur Alpha Condé : il s’agit de Monsieur Oulen Camara. Nous nous inclinons très pieusement devant sa dépouille et présentons nos sincères condoléances à sa famille.
Sans remettre en cause la véracité des faits, notre connaissance de la Guinée et des explications avancées ici et là, nous permettent de dire que Monsieur Camara pourrait être la nième victime d’un système. Ce système est celui qui a été mis en place par Sékou Touré et qui régente la Guinée depuis 1958. Il s’agit d’un système criminel dont le seul objectif est la conservation du pouvoir vaille que vaille.
Après la mort de Sékou Touré en 1984, le système a survécu et réussi à infiltrer le nouveau pouvoir au point de réussir à dévoyer les bonnes intentions proclamées par Lansana Conté et son gouvernement.
Après la prise du pouvoir de Dadis Camara en 2008, il a encore réussi à abuser ce dernier et à l’instrumentaliser, l’orientant, comme toujours, vers ça cible principale qui n’a jamais varié.
En effet, de 1958 à 2011, ce système garde une constante : présenter la Communauté peule comme bouc émissaire de tous les problèmes qui minent la Guinée. Chaque fois que le système s’est senti vacillant, on a, par magie découvert un complot donnant lieu à des répressions sans nom.
A l’exception des évènements de 1985 qui ont conduit à l’exécution de dizaines d’officiers malinkés à l’issue de la tentative de coup d’Etat du Colonel Diarra Traoré, l’écrasante majorité des victimes des prétendus complots a toujours été constituée de membres de notre communauté. Tout comme nous condamnons les actes contre les peuls, nous réprouvons l’exécution sans jugement de ces officiers.
Comme tout système de cette nature, les méthodes sont les mêmes : discours propagandistes qui préparent les esprits et l’exécution. Le pogrome anti-juif de 1903 en Russie, l’holocauste contre les juifs, le génocide rwandais ont tous été précédés de discours haineux qui ont préparé les esprits aux crimes qui ont été par la suite perpétrés en toute impunité. Les différents évènements en Guinée ressemblent à s’y méprendre à ces faits de l’Histoire douloureuse de l’humanité.
Ainsi :
v Après l’arrestation de Diallo Telly, premier Secrétaire Général de l’OUA en 1976, Sékou Touré a déclaré la « guerre sainte » contre les peuls. Les supports de ce discours qui a marqué un tournant décisif de l’histoire de la Guinée existe. Son but : dresser tous les autres groupes ethniques en Guinée contre les peuls, les anéantir et les exclure totalement du champs politique et la vie économique de la nation pour le seul but de conserver le pouvoir. Pour rappel, l’assassinat de Diallo Telly a été précédé de l’exécution d’autres fils du Fouta Djallon comme Barry Ibrahima, dit Barry III, Barry Diawadou, et tant d’autres.
v Le 28 septembre 2009, l’armée guinéenne a commis d’effroyables massacres, des arrestations arbitraires, des séquestrations et des viols publics de femmes. Parmi les 156 victimes de ces massacres et la centaine de femmes violées, l’essentiel étaient des membres de la communauté peule. Pour justifier certaines dérives qui ont suivi ces évènements douloureux, notamment les descentes de l’armée dans les quartiers à dominante peule, des membres de la junte militaire de l’époque n’hésitaient pas à parler de « quartiers ethniquement marqués ».
v Avant et pendant la campagne électorale de 2010, Monsieur Alpha Condé s’est emparé de ce thème favoris du système en tentant de braquer les autres composantes de la Guinée contre les ressortissants du Fouta. Tout le monde l’a entendu sur les médias nationaux et internationaux appeler à la formation d’un « front guinéen » reprenant ainsi les thèses des extrémistes du système qui nous présentent comme étrangers dans notre propre pays. Tout le monde a entendu Monsieur Alpha Condé invectiver les hommes d’affaire peuls qui n’ont commis aucun autre crime que celui d’avoir réussi dans le domaine économique et de ne s’être pas ranger dans son camp pour la conquête du pouvoir. Pour cette raison, ils ont été traités d’éléments mafieux, de trafiquants de drogue et de faux billet.
v Et pourtant, lors des auditions de Dadis Camara, aucun d’entre eux n’a pu être associé au vaste réseau de narcotrafiquants qui avaient investi tout l’appareil de l’Etat malgré les moyens déployés à cet effet. Pire encore, certains cadres de la police et de l’armée qui ont publiquement avoué leur appartenance à ces réseaux sont aujourd’hui de proches collaborateurs d’Alpha Condé. Les supports audiovisuels de ces propos existent.
v Des personnes nommément citées dans les rapports d’enquête de l’ONU et des organisations internationales de défense des droits humains et connus en Guinée pour leur activisme anti-peul sont aujourd’hui les piliers du régime et sont les principaux acteurs de ce qui apparaît comme une nouvelle épuration au sein de l’administration civile et militaire.
v Entre les deux tours de l’élection présidentielle de l’année dernière, Monsieur Alpha Condé et ses alliés politiques ont accusé sans un début de preuve la communauté peule d’avoir empoisonné leurs militants. Cette accusation a servi de prétexte à la chasse aux peuls dans les villes de Siguiri, de Kouroussa, de Kankan et de certaines villes de la Guinée forestière, le pillage de leurs biens et le meurtre de certains d’entre eux. Non seulement les autorités de la transition ont laissé faire et n’ont accordé aucun secours aux victimes, mais pire, Monsieur Alpha Condé a catégoriquement refusé de se rendre sur le terrain pour calmer la situation.
Malgré cette hostilité injustifiée, les peuls n’ont jamais réagi. Cela est une preuve de leur attachement à la paix et à l’unité de la Guinée. Nous avions pensé que les agissements et les propos de Monsieur Alpha Condé étaient dictés par la simple stratégie de campagne électorale et son ignorance de la sociologie de la Guinée.
Plus récemment, le Général Facinet Touré, officier de l’armée guinéenne, ancien ministre et nouvellement promu Médiateur de la République, après avoir tenté sans succès d’obtenir une audience avec le Président de la République a, au cours d’une conférence de presse, déclaré que les peuls ne doivent pas chercher à conquérir le pouvoir politique qui doit être réservé aux autres ethnies de la Guinée. Alors que le bon sens et les lois de la République recommandent que ce Monsieur, normalement soumis à un devoir de réserve, soit démis de ses fonctions, il a été reçu avec tous les honneurs et installé dans le fauteuil de médiateur. Cela est un mépris à l’endroit des peuls et une insulte à la démocratie.
Dans le débat en cours actuellement en Guinée sur la liste électorale, Monsieur Alassane Condé, ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation a recommandé que Cellou Dalein Diallo retourne en Somalie avec ces militants qu’il assimile aux peuls, insinuant de ce fait que les peuls sont étrangers en Guinée. Alors que de tels propos sont de nature à porter atteinte à l’unité de la Guinée et sont puni par la loi, Monsieur Condé qui aurait dû être démis de ses fonctions et poursuivi devant les tribunaux est solidement installé dans sont fauteuil ministériel.
Le 9 juillet 2011, les peuls installés dans la préfecture de Beyla en Guinée forestière ont fait l’objet d’attaques et leurs bétails décimés par des groupes bien identifiés, au vu et au su des autorités locales. Ainsi, plus de 2000 têtes de bétails ont été tués, dans l’indifférence totale des autorités qui ont mis 10 jours avant de réagir alors que des tracts avaient circulé avant la mise en œuvre de ce funeste projet.
Tous ces évènements nous font croire qu’ils sont la matérialisation de la volonté de Monsieur Alpha Condé à « reprendre la Guinée là où Sékou Touré l’a laissé ». Un tel projet équivaudrait à continuer à stigmatiser les peuls, à les spolier et les assassinés comme cela a été pratiqué durant la sanglante dictature de Sékou Touré que Monsieur Alpha Condé lui-même dit avoir combattu. « Reprendre la Guinée là où Sékou Touré l’a laissée », c’est aussi revenir à ce système qui a assassiné plus de 50 milles fils de Guinée selon les chiffres d’Amnesty International.
Nous pensions qu’avec son accession au pouvoir d’Etat et son installation en Guinée il comprendrait que le cheminement du petit cireur de Boulbinet qui, à force de travail, parvient à devenir un véritable opérateur économique est le fruit de son refus obstiné de la mentalité d’assisté.
Nous avions pensé qu’en s’installant en Guinée Monsieur Alpha Condé comprendrait que la réussite économique des peuls est le résultat de leur labeur. Elle est le fruit du travail de cet éleveur du Fouta ou de Beyla, ces petits marchands ambulants qui peuplent les rues de Conakry ou de Dakar, ce chauffeur de taxi ou le vendeur de kiosque à café d’Abidjan, ce petit tailleur de Libreville ou ce petit commerçant de Luanda ou ailleurs en Afrique, en Europe ou en Amérique ; ces gens modestes qui, à force de travail et de privation se battent pour réussir en refusant de développer la mentalité d’éternels assistés, attendant tout de l’Etat.
Mais à l’évidence, ils sont conformes aux sentiments profonds de Monsieur Alpha Condé.
Soucieux de préserver la paix social et l’unité de la Guinée, les peuls de Guinée en Côte d’Ivoire, réunis au sein de la coordination du Fouta Djallon, invitons Monsieur Alpha Condé à revoir sa politique. Nous lui demandons, de renoncer à l’appel du système en place en Guinée depuis l’accession du pays à l’indépendance, système dont le seul programme politique et social est la destruction physique, psychique, économique et politique des peuls.
La coordination du Fouta Djallon en Côte d’Ivoire prend l’opinion nationale et internationale à témoin sur ce qui se trame contre les peuls en Guinée. Elle invite la Coordination haal pular en Guinée à interpeller publiquement Monsieur Alpha Condé sur les risques que sa politique de harcèlement et d’exclusion fait peser sur la stabilité et l’unité de la Guinée.
Nous disons solennellement à Monsieur Alpha Condé que s’il souhaite gouverner la Guinée dans le respect des droits de tous les citoyens guinéens, la communauté peule est prête à faire sa part de sacrifice pour l’accompagner.
Les peuls ne sont contre aucune ethnie en Guinée. Mais tout le monde doit savoir que nous n’accepterons plus d’être massacrés et spoliés dans le silence. Cette époque est révolue.
Comme tous les autres Guinéens les peuls de Guinée doivent avoir le droit de vivre partout en Guinée, sous la protection des lois de la République.
Il est du devoir de l’Etat de Guinée d’éviter que par une politique d’exclusion et de stigmatisation que les peuls, comme tout autre groupe ethnique en Guinée, ne se sentent dans l’obligation de se défendre par leur propres moyens.
Peuls de Guinée et de la diaspora, unissons-nous plus que jamais.
Abidjan, le 31 juillet 2011.
La coordination du Fouta Djallon en Côte d’Ivoire.