Il a été reçu vendredi dernier à Washington à la Maison Blanche. Mais Barak Oabama serrait peut-être – sans le savoir, la main d’un autocrate, si bien dans le costume sur mesure d’un démocrate…
Il n’y a que l’Occident, suffisant et imbu de ses certitudes, qui ne le sait pas encore : Alpha Condé, l’ex-«chef de fil historique de l’opposition guinéenne » a oublié, neuf mois après son élection, les valeurs qui l’ont portées au pouvoir.
C’est triste, une Guinée qui désespère toujours de son avenir. Alpha Condé est une déception pour nous, Africains qui croyons aux vertus de la démocratie. A peine quelques mois au pouvoir que celui que nous étions tous fiers d’appeler «opposant historique», l’homme politique impétueux qui nous faisait rêver d’une Afrique de liberté, et de démocratie, verse dans la dictature et sape tous nos espoirs de voir émerger enfin, une grande Guinée, libre et démocratique et forte, parce que riche de ses potentialités et de l’énergie de tous ses fils. Alpha Condé, «le démocrate», veut instaurer un régime répressif et régionaliste, que la Guinée n’a jamais connue sous Sékou Touré et Lansana Conté. Chose curieuse, c’est sous «Condé-le-démocrate» que les peulh ont le plus peur. Nous aurions pu nous en apercevoir : son discours de campagne n’était guère rassembleur.
En fait, «l’opposant historique nous a tous blagué », dirait-on en français ivoirien ! Et dire que cet homme a été porté au pouvoir parce qu’il était aussi l’apôtre de ces valeurs que nous exigeons pour nos Etats… Alpha Condé c’est déjà la trahison d’une espérance pour une Guinée qui a pourtant le droit d’espérer mieux. A peine neuf mois au pouvoir, qu’il ne veut plus d’élections législatives. Il veut confectionner un autre listing électoral que celui à partir duquel les Guinéens l’ont choisi.
En plus, il a montré combien il était un homme d’Etat courageux. Une courte déclaration d’un porte-parole du Quai d’Orsay à Paris, a suffi à faire trembler le premier Président de la Guinée élu démocratiquement. Il a fait retirer dans la foulée, l’interdiction faite aux médias de parler de ce ténébreux complot… Que cache-t-il ? Peut-être l’incohérence d’un vrai-faux attentat à sa résidence – en son absence s’il vous plaît – et qui naturellement a fait flop…
Ses convictions d’opposant ont foutu le camp, une fois au pouvoir
En fait Condé a crié au loup dans une bergerie calme, pour régler ses comptes avec les agneaux qui choisissent d’en sortir, parce que déçus de lui. Epatant, non ? On découvre maintenant que l’ex- «opposant historique» et chantre de la démocratie devant l’Eternel, qui a animé et soutenu des débats contradictoires face à la dictature défunte, ne supporte plus aujourd’hui les critiques de son opposition et l’idée même d’avoir des opposants à son pouvoir. Curieux tout de même! Et dire qu’il est un, des pères de la démocratie dans son pays… Le Président Condé devient inaccessible, enfermé dans sa bulle, il ne prend plus au téléphone ceux qui peuvent encore lui dire la vérité. Il s’entoure d’une carapace de dirigeant impotent, avec qui plus personne ne peut débattre. Monsieur Condé est seul au monde, ivre de son pouvoir. Peut-être qu’il développe sans le savoir, le complexe de celui qui n’espérait jamais y arriver : prendre un jour le pouvoir. Mais il n’y a qu’en démocratie que cet espoir est permis. Il en est l’exemple vivant. Et cet espoir, il veut maintenant l’assassiner. Après lui le déluge…
Une dérive autocratique à fort relent ethnique
Ce qui est inquiétant, c’est la brutalité du traitement qu’il inflige au peuple peuhl. Il voit aujourd’hui en chaque peulh, son adversaire politique : Cellou Dalein Diallo. Il fait arracher arbitrairement leurs biens, exprimant ainsi sans retenue son dédain pour ce peuple au pouvoir économique important. Il faut écouter l’un de ses alliés, le Médiateur de la République, Facinet Touré, un pro-Condé au verbe qui pue du Jean Marie Lepen, pour se rendre à l’évidence de la gravité de ce qui se passe aujourd’hui en Guinée : l’appel à la haine ethnique. Fassiné Touré souffre, à l’idée que les peulh aient pris le pouvoir économique, à la sueur de leur front. Que Condé le veuille ou non, la Guinée ne se construira pas sans les peulhs. Et ce n’est pas en appauvrissant ce peuple que la Guinée et tous les Guinéens en sortiraient grandis. Les dérives autocratiques à forts relents ethniques, ont toujours perdu tous ceux qui en ont fait leur doctrine, une fois au pouvoir.
Alpha Condé ne le sait peut-être pas encore, le pouvoir n’est pas une fin en soi. Ce n’est qu’un moyen pour changer la face des choses et rendre aux gens, l’espoir qu’ils méritent. C’est tout de même regrettable qu’une fois au pouvoir, l’on ne soit plus en mesure d’honorer les convictions qu’on a défendues, hier dans l’opposition. Comment ne pas désespérer de l’Afrique et de son avenir démocratique, en voyant ceux qui ont combattu hier des dictatures, vomir les valeurs démocratiques qui l’ont faites exister. Pauvre Afrique !
Écrit par Ange Hermann GNANIH
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