La France a adressé jeudi un sévère rappel à l’ordre au président guinéen Alpha Condé, l’ancien opposant historique élu démocratiquement fin 2010, en lui demandant de ne pas entraver la liberté de la presse et d’organiser rapidement des élections législatives…
La France a adressé jeudi un sévère rappel à l’ordre au président guinéen Alpha Condé, l’ancien opposant historique élu démocratiquement fin 2010, en lui demandant de ne pas entraver la liberté de la presse et d’organiser rapidement des élections législatives.
L’ancienne puissance coloniale, qui veut voir dans la Guinée un des rares exemples de transition démocratique en Afrique, a vivement réagi à l’interdiction faite aux médias guinéens de relater l’attentat commis le 19 juillet contre Alpha Condé.
« Nous sommes préoccupés par la liberté des médias en Guinée. L’attentat contre le président Condé ne doit pas justifier des restrictions aux libertés fondamentales », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Bernard Valero.
« La France réprouve l’interdiction faite à tout média national d’évoquer l’attentat contre le chef de l’État ou d’organiser des émissions interactives à caractère politique », a-t-il poursuivi. « Cette interdiction constitue une atteinte grave à la liberté d’expression et nous demandons au président Condé de reconsidérer cette décision en sa qualité de garant des libertés en Guinée », a-t-il insisté.
Cette décision d’interdiction a été prise mercredi par le Conseil national de la communication (CNC) de Guinée, un organe gouvernemental.
La France avait condamné l’attaque de soldats ayant visé le 19 juillet le domicile privé d’Alpha Condé à Conakry. Elle avait exprimé sa solidarité avec le chef de l’Etat guinéen, à qui le Premier ministre François Fillon avait garanti le « plein soutien » de Paris.
Mais elle avait laissé poindre son inquiétude quant au retard pris dans l’organisation d’élections législatives, qui risque d’entraîner une détérioration du climat politique.
« Comme le président Condé s’y est lui-même engagé, l’organisation dans les meilleurs délais d’élections législatives libres, transparentes et apaisées doit figurer parmi les priorités des autorités guinéennes au même titre que la réconciliation et le dialogue entre les communautés », a répété jeudi Bernard Valero.
Alpha Condé, 73 ans, a pris ses fonctions le 21 décembre, un mois après avoir remporté la première élection libre depuis l’indépendance du pays, en 1958. Auparavant, il avait été l’opposant successif aux dictatures de Sekou Touré et de Lansana Conté, subissant l’exil et la prison.
La France a beaucoup misé sur la Guinée d’Alpha Condé, promue avec une poignée d’autres pays au rang de symbole des espoirs démocratiques en Afrique.
Depuis 2008, elle s’était beaucoup activée en coulisses pour éloigner durablement de Conakry le capitaine Moussa Dadis Camara, dirigeant de fin 2008 à fin 2009 d’une junte qui s’était emparée du pouvoir à la mort de Lansana Conté.
Le nouveau président guinéen avait été invité par Paris au sommet du G8, fin mai à Deauville (Calvados), en compagnie de ses homologues nigérien Mahamadou Issoufou et ivoirien Alassane Ouattara. Les trois mêmes dirigeants, ainsi que le Béninois Boni Yayi, doivent également être reçus vendredi à Washington par Barack Obama.
La mise en garde de la France n’est pas le seul signal d’alarme lancé à Alpha Condé. L’organisation Reporters sans frontières (RSF) a publié jeudi un rapport dans lequel elle lui demande « d’affirmer publiquement son attachement à la liberté de la presse et au respect du pluralisme des médias ».
Elle déplore que trois lois favorables à la liberté de la presse « ne soient toujours pas appliquées », et juge que le bilan en la matière du Niger « est beaucoup plus positif ».