Lansana Kouyaté s’insurge contre les six mois de gouvernance d’Alpha Condé

Lansana Kouyaté, le président du PEDN, (Parti de l’Espoir pour le Développement National) a parlé hier des six mois de la gouvernance d’Alpha Condé…

Il a également expliqué l’état de ses relations avec les autres leaders de l’opposition. Au sujet de la gestion des affaires de l’Etat par le nouveau gouvernement, Lansana Kouyaté déclare sur Africa24 : « Le bilan est globalement négatif. Honnêtement!».

AfricaLog.com vous livre l’intégralité de son interview.

Après avoir apporté votre soutien à Alpha Condé, vous vous montrez critique à son égard. Qu’est-ce qui justifie ce revirement?

Lansana Kouyaté: Je ne me montre pas critique à son égard. J’essaie d’évaluer une situation. Je suis venu pour soutenir le candidat du RPG avec l’espérance que tout ce qui a été promis pendant la campagne du premier tour, du second tour, que tout cela serait respecté. Je suis venu avec les espérances de ceux qui m’ont soutenu et je vois que le chemin qui a été emprunté n’est pas celui auquel je m’attendais.

Pourquoi cela ?

Parce qu’il y a une marge entre ce qui a été promis et les symboles qu’on est en train de poser.
Par exemple…Quand on vient au nom de la démocratie, il faut faire en sorte que les actes qu’on pose soient conformes à cette démocratie. Des maires, élus par le peuple, ont été révoqués.

Et selon vous, dans quel but ces maires ont-ils été révoqués ?

Ecoutez ! On est obligé de penser qu’à l’approche des élections législatives, il faut remplacer les maires récalcitrants vis-à-vis du parti par des maires qui sont, si vous voulez, à la merci du Président Alpha Condé.

Six mois, c’est quand même un délai assez court pour dresser un bilan de son action…

C’est vrai, le temps est court pour faire son bilan. Mais, le temps est suffisamment long pour au moins faire le bilan des symboles. Quand on dirige un Etat, sur les six premiers mois, même sur l’année je dirais, les symboles qu’on pose sont plus importants que les résultats. Si ceux-ci ne sont pas en adéquation avec ce que le peuple attend, les espérances, alors cela veut dire qu’il ne faut pas trop attendre des actions. Mais les symboles, on peut en faire un bilan. Je pense que ce bilan est globalement négatif. Honnêtement !

Le ton est monté d’un cran entre le Président Alpha Condé et Cellou Dalein, finaliste de la présidentielle. Qu’en pensez-vous?

S’il y a des règles, que ces règles soient connues et respectées par tous. S’il est interdit, par exemple aux hommes politiques, quand ils viennent d’être reçus par leurs militants, mais, si telle est la règle, nous sommes dans une période quand même qui peut être comparée à un lendemain de cauchemar. Si tel est le cas, alors il faut que les règles du jeu soient connues. Si elles ne sont pas connues, cela devient de la violence inutile.

Le pouvoir a promis les législatives en novembre prochain. Pensez-vous que ces élections auront bien lieu à l’automne?

Il faut demander au gouvernement. Il nous sera très difficile de répondre à cette question. Vous savez, j’étais l’unique candidat du temps du Président Dadis de dire que nous n’étions pas prêts pour ces élections, parce que j’en savais des vices cachées. Le fichier électoral était mauvais, absolument mauvais. Et il y avait beaucoup d’ingrédients qui n’étaient pas encore là, mais, seul contre tous, j’ai dû plier.

Est-ce que vous êtes favorable au nouveau recensement proposé par le pouvoir auquel s’oppose l’opposition?

A condition que ce ne soit pas un mauvais fichier qui remplace un autre mauvais fichier. Si élaguer le fichier ancien est ce qu’il faut faire, parce que franchement, il est truffé d’imperfections. Des jeunes qui ne sont pas en âge de voter, ont été enrôlés ; certains étrangers ont été enregistrés. Bref, ceux qui en ont le droit l’ont cherché, mais n’ont pas pu être enrôlés. S’il s’agit d’élaguer pour enlever ces imperfections et recenser de nouveaux pour compléter le fichier déjà accepté, je crois que ce serait une bonne chose.

Est-ce que sincèrement, vous êtes inquiet?

Je suis inquiet.

Vous êtes inquiet quant à l’issue de ces élections ou d’ailleurs du processus électoral?

Tout à fait. Parce que d’abord, toute élection est porteuse de germe de violence en Afrique, comme ailleurs. On a vu dans certains pays du septentrion, mais en Afrique, c’est encore plus marqué. Parce que nous sommes à un niveau de balbutiement. Je suis inquiet pour cela, de façon générale.

La Présidente du Conseil national de Transition, Mme Rabiatou Sérah Diallo, a proposé la mise en place d’une nouvelle CENI. Approuvez-vous sa proposition?

Pour vous dire la vérité, le débat est au sein de mon Bureau exécutif national. Etant respectueux de la démocratie à l’intérieur du parti, je ne veux pas du tout influencer ce débat. Je vais rentrer à Conakry prochainement, mes collègues me feront le compte-rendu de là où ils sont dans ce débat et j’aurai, en ce moment, à me prononcer.

Vous pensez que ce serait une décision de nature à favoriser un consensus entre l’opposition et le pouvoir au sujet de la CENI?

Ce que je sais, c’est que la CENI, entre les deux tours de l’élection présidentielle, a été fortement critiquée, dans sa composition actuelle. Vous avez, vous-même, été témoin de tout ce que nous avons eu comme difficultés à faire reprendre la CENI, les 24 dysfonctionnements comme ils l’ont appelé. Quatre mois écoulés entre le premier et le second tours, c’est un record qui mérite d’être cité dans le Guinness. Et tout cela revenait au mauvais fonctionnement de la CENI, donc quelque part à sa composition. C’est ce que je dis pour l’instant.

Envisagez-vous une défection de votre parti au sein de l’Alliance arc-en-ciel qui a soutenu Alpha Condé lors de la présidentielle?

L’Alliance arc-en-ciel était une alliance pour porter le Président Alpha Condé au pouvoir, on l’a vu ailleurs. Je veux rappeler qu’il y a deux options, pas trois. Partout où il y a eu de telles alliances, on a fait disparaître tous les partis qui composent l’Alliance pour créer un autre parti, un mouvement. Cela se vérifie en France. Ou chaque fois qu’il y a eu nécessité, les partis ont changé de nom dans un régime présidentiel. Aux Etats-Unis, on n’en a pas besoin…

M. Kouyaté, vous semblez, en tout cas votre parti, insatisfait du bilan de l’actuel président Alpha Condé que vous avez soutenu au sein de l’Alliance arc-en-ciel. Est-ce que vous envisagez une défection ? C’est-à-dire, quand il y a des discussions avec l’opposition, avec le collectif qui regroupe les partis de Cellou Dalein et de Sidya Touré, par exemple. Ou bien vous envisagez de vous battre de votre côté?

Il y a contact entre nous. Cela est prématuré. C’est prématuré, parce qu’il faut d’abord, franchement discuter avec le camp où on était, pour qu’on ait une totale adéquation sur le jugement que nous, PEDN, portons sur le bilan des symboles, comme je l’ai dit tantôt.

Est-ce qu’il y a des discussions que vous avez entamées avec le Collectif dans lequel on retrouve le parti de Cellou Dalein et de Sidya Touré?

Non ! Il y a des contacts…

Vous n’avez pas peur d’être isolé ? Ce collectif ne vous pardonne pas d’avoir soutenu le Président Alpha Condé?

Non ! Pas du tout. Un jour j’expliquerai comment tout cela est venu. Les uns et les autres connaîtront les erreurs qui ont été commises par l’un des candidats. Je ne veux pas rentrer dans le détail. Il y a des vérités qui méritent d’être dites. Quand je serai en Guinée, je vous jure, que je dirai ces vérités pour que tout le monde sache.

Quelles vérités?

Je ne veux pas parler maintenant. Si j’en parlais maintenant, cela ne serait pas bien compris. Je préfère, arrivé à Conakry, en temps opportun, faire une conférence de presse sur ce qui s’est passé avant le premier tour, pendant le deuxième tour, entre les deux tours.

Est-ce que cela est une de vos stratégies pour aller aux élections législatives?

Ça va au-delà ! C’est cultiver l’éthique qu’on a de faire les Alliances et de les défaire.

Le Président Alpha Condé vous a-t-il promis le poste de Président de la future assemblée nationale en échange d’un ralliement à ses côtés lors de la présidentielle?

C’était une négociation globale. C’est un ensemble. Ce n’était pas seulement que la Présidence de l’Assemblée, c’était aussi autre chose, beaucoup d’autres promesses qui n’ont pas été tenues. Malheureusement. Et il y a eu beaucoup de racontars là-dessus, mais la vérité est toute simple. Moi, je n’ai pas voulu être Premier ministre, ceci ou cela… Mais, on vient avec des gens, on vient d’un parti, on aimerait que ceux de vos collaborateurs qui sont avec vous participent à la gestion de l’Etat. Ça va au-delà du Président de l’Assemblée ! Oui ! Il a signé l’accord et cet accord, je le montrerai en temps opportun.

Vous estimez que vous n’avez pas été suffisamment récompensé par le Président Alpha Condé?

Oui ! Parce que, je ne dis pas que ça vient ex-nihilo. Je le dis, parce que ça été conclu, signé par les deux parties. Et chacune des deux parties a une copie de ce qui a été signé. C’est un engagement. La parole, si ce n’était que la parole, on doit la respecter ; encore que ça va au-delà, puisque c’est signé.

Vous auriez souhaité une présence beaucoup plus forte pour votre parti…

J’aurai souhaité que l’accord qui a été signé entre nous soit respecté. Le contenu de cet accord, je le publierai en temps opportun.

Transcrit par AfricaLog.com