Dans les rangs des forces de défense et de sécurité guinéennes, en ce moment où les défenseurs de la constitution regroupant les principaux partis de l’opposition politique et les organisations de la société civile ont annoncé des manifestations sur toute l’étendue du territoire national et à l’étranger, la situation est, on ne peut mieux, confuse.
Des sources bien informées rapportent une chaude discussion qui aurait opposée les généraux Ansoumane Camara de la police et Ibrahima Baldé de l’état-major de la gendarmerie, à l’occasion d’une réunion d’urgence des officiers de l’armée, dans la nuit de Mardi, 08 Octobre 2019 au camp Koundara.
Le premier s’inscrivant coûte que coûte dans la logique de la répression des manifestations des opposants à une nouvelle constitution et le deuxième jugeant cette action contre productive.
Cette situation rapportée au président Alpha Condé aurait conduit ce dernier à exiger la levée des sanctions contre le colonel Balla Samoura pour conduire, dit-on, les opérations de répression du coté de la gendarmerie. Du coup, le Général Ibrahima Baldé serait sur une chaise éjectable dont le déclanchement ne serait plus qu’une question de jours ou d’heures.
Au sein même de la police, des voix s’élèvent, notamment celles de la police routière, le parent pauvre de la police guinéenne, ainsi que les agents des commissariats urbains, pour se dissocier de toute action visant à réprimer les citoyens guinéens. De ce coté, la CMIS reste encore seule alignée derrière les velléités répressives du Général Baffoé.
Ce n’est pas tout car au niveau des casernes militaires, la tension est plus que jamais palpable. On observerait déjà trois, voir quatre clans constitués.
Un premier groupe constitué de jeunes soldats aguerris, favorables à l’ancien chef de la junte, le Capitaine Moussa Dadis Camara, serait en connivence avec des soldats formés pendant la transition et bannis de l’armée depuis l’arrivée d’Alpha Condé au pouvoir. Ce groupe dont les éléments sont très nombreux au camp Alpha Yaya de Conakry, estimant avoir été mis à l’écart et favorable au retour du capitaine Dadis Camara en Guinée, serait prêt à se faire entendre.
Le deuxième groupe est celui des frustrés pour des raisons de suspicion. Il est mené par des officiers du camp Samory de Conakry, proches de la garde présidentielle et soupçonnés de vouloir profiter de la situation pour s’emparer du pouvoir. Ce groupe bénéficierait, selon les mêmes sources, d’un grand soutien financier du vice-gouverneur de la Banque Centrale Baidy Aribot et du directeur de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale, Malick Sankhon. Une liste de ces officiers aurait été transmise au chef de l’Etat pour une éventuelle purge.
Le troisième groupe, plutôt discret, est celui des officiers et soldats restés fidèles à l’ancien président de la transition, le Général Sékouba Konaté. Ces derniers, ayant déjà goûté au pouvoir puis malmenés, voir même emprisonnés et torturés pour certains, éloignés du pays pour d’autres, seraient en intenses activités pour reprendre le contrôle de la situation.
Et le quatrième et dernier groupe, bien entendu, est celui des officiers favorables à l’actuel régime qui estime qu’il devrait, même si le président Alpha Condé venait à chuter, garder légitimement le pouvoir. Au sein même de ce quatrième et dernier groupe, deux tendances seraient en gestation. Ceux sous le contrôle du ministre de la défense, Mamadi Diané, et des officiers positionnés et entretenus par l’actuel premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana.
Comme on peut le constater, la situation actuelle de la Guinée – Conakry est d’autant plus préoccupante qu’une instabilité de ce pays pourrait affecter toute la sous–région Ouest–africaine en raison de sa situation géostratégique.
Pendant ce temps, les opposants à une nouvelle constitution en Guinée multiplient les appels à la mobilisation populaires et semblent fortement suivis partout dans le pays. La probabilité d’une désobéissance civile suivie d’une insurrection populaire en Guinée, à partir de la semaine qui démarre le 14 Octobre 2019 est très évidente.
Déjà, le président Alpha Condé aurait exigé l’annulation de plusieurs réservations de voyage hors du pays de certains de ses proches, membres du gouvernement, hauts cadres et parlementaires. Lui même qui envisageait de s’envoler de Conakry ce Samedi aurait été dissuadé de sortir du pays par des officiers de l’armée qui estiment le moment inapproprié…
Ibrahim Kaba pour GUINEEBOX.COM