Guinée: Qui avait dit changement?

Troisième et dernière partie: le devoir de l’Opposition et des institutions républicaines et civiles…

Dans les deux premières parties sur la situation de notre pays, j’avais analysé les dérives du pouvoir actuel et les  risques qui pourraient en découler.

A présent, il sera question de faire des propositions pour donner un coup d’arrêt à la dictature qui grandit chaque jour en Guinée. Un pays dont l’horizon s’assombri à chaque fois que le moindre espoir se dessine. Un pays et un peuple au destin marqué par le népotisme de leurs dirigeants et la douleur d’une histoire parfois sanglante et qui revient à chaque étape de leur évolution. N’est- ce pas que la Guinée a connu beaucoup de larmes et versé beaucoup de sang ?

Il sera également question d’appeler tout le peuple de Guinée à refuser que des personnes contre lesquelles il s’est battu de 1958 à nos jours tuent notre pays. Ces mêmes personnes qui affirment aujourd’hui, dans la plus grande arrogance et le plus insoutenable des mépris, que les assassins d’hier ont raison continuent à le narguer impunément.
Toutes les composantes de la nation et toutes les forces républicaines et démocratiques ont l’impérieux devoir d’épargner la Guinée des conséquences de la dérive dictatoriale d’un pouvoir basé sur l’ethnocentrisme, le clientélisme, le favoritisme et la remise en cause du peu  d’acquis démocratique.

La  négation du passé douloureux de notre peuple par le retour d’hommes et de femmes parmi les plus véreux dans toutes les sphères politique, administrative, civile et militaire constitue, non  plus une prémisse de la dictature. C’est une manifestation réelle d’une forme de népotisme qui s’enracine chaque jour qui passe.

L’opposition guinéenne, toutes les organisations et  institutions démocratiques qui ont œuvré pour la fin des dictatures antérieures doivent refuser la manipulation de la constitution qui conduit fatalement à la dictature du RPG et de son président. Pour ce faire, elles doivent recourir à toutes  les voies et moyens légaux. Elles ne pourront y arriver qu’en unissant leurs forces et en évitant toutes les erreurs qui, par le passé, ont conforté les pouvoirs en place.
L’opposition guinéenne devrait être intraitable sur les différentes tentatives d’Alpha Condé et du gouvernement de saborder les acquis démocratiques. Elle devrait également demander et obtenir la destitution de certaines personnes qui menacent l’unité nationale par leur propos ou qui remettent en cause le droit à l’exercice du pouvoir par certains citoyens du simple fait de leur appartenance ethnique. Pour cela, elle doit s’opposer catégoriquement aux initiatives antidémocratiques du pouvoir. Entre autres : 

1 La reprise du recensement pour les élections législatives

La constitution adoptée à la veille des élections présidentielles de juin et novembre 2010 a clairement défini les critères de la tenue des législatives. Je ne reviendrai pas sur les différents articles qui fixent les critères et conditions de toutes élections au suffrage universel direct ou indirect. Bien d’autres l’ont déjà fait.

Il n’est pas question de négocier quoi que ce soit sur le recensement. La loi est déjà définie. Partant du principe qu’une loi votée ne se négocie pas, mais elle s’applique, l’opposition et toutes les forces de progrès de notre pays doivent donner un signal fort au gouvernement en lui intimant de renoncer officiellement à sa tentative de falsifier la constitution.
Au cas contraire, elle doit donner un ultimatum clair en fixant une date butoir au gouvernement et au Président de la République pour qu’ils reviennent sur leur position. Elle y exprimera clairement  les conséquences qui découleraient de toute obstination.  Elle fera savoir qu’elle organisera une mobilisation générale de tous les citoyens comme en mars 2006 ; janvier- février 2007  et septembre 2009 pour le respect de la constitution en matière d’élection.

2 Le retrait du MATAP de toutes organisations d’élections

Vouloir mettre la CENI sous la tutelle du Ministère de l’Administration du Territoire et des Affaires Politiques (MATAP) et de son ministre dont le zèle et l’esprit partisan dépasse tout entendement est la pire des atteintes à la mémoire des citoyens morts pour l’instauration de la démocratie dans notre pays.

Que le même ministre qualifie les massacres du 28 septembre 2009  justes et mérités par les victimes est le comble de l’infamie. Celui qui a osé dire « Dadis avait raison », sous- entendu, de massacrer les citoyens du moment que des poursuites pour crimes contre l’humanité pèsent sur les épaules de ce dernier, est plus qu’un  complice. Ses propos relèvent s’apparentent à ceux  d’un criminel car celui qui ne condamne pas le crime y consent. Le revendiquer, le justifier ou prendre position en sa faveur équivaut à une volonté de passage à l’acte.

Il ne serait pas étonnant, et qu’on le retienne, que l’actuel Ministre de l’Administration du Territoire et des Affaires Politiques, ordonne ou exécute en personne des actes similaires à ceux du 28 septembre 2009 si les circonstances le lui permettent. En tout cas, il est le seul qui ait ouvertement justifié les horribles massacres, viols et tortures d’innocents citoyens dont le seul tort c’est d’avoir la démocratie. Il est indéniable que celui  qui n’est pas favorable au système démocratique et à l’Eta de droit ne peut être qu’un adepte de la dictature.
L’opposition guinéenne et les institutions républicaines doivent demander et obtenir la démission ou la destitution du Ministre de l’Administration du Territoire et des Affaires Politiques  pour ses propos outrageux et antidémocratiques.

3 La révocation du président intérimaire de la CENI

Celui qui n’est pas, et n’a jamais été, une personne neutre ni un cadre compétent, mais bien au contraire, un opportuniste aguerri à tous les jeux d’intérêt ne saurait présider une institution appelé à organiser des élections libres, équitables et transparentes.
Quelqu’un qui affirme que quoiqu’il arrive, les décisions du gouvernement et du Président seront appliquées alors qu’il est censé diriger ne peut être impartial. Il est tout simplement une marionnette au service du système en place.

Les forces de progrès doivent appuyer les partis politiques pour que ce président intérimaire ne soit jamais titulaire. Ses acolytes doivent également débarrasser la CENI pour laisser la place à des hommes et des femmes consensuelles : élus ou désignés par les différentes institutions.  Si le pouvoir s’entêtait à le maintenir, les mêmes dispositions évoquées plus haut devraient être mises en marche

4 Le rétablissement de tous les élus communaux

Les élus communaux sont des représentants du peuple. Leur mandat ne saurait prendre fin avant d’autres élections. Leur appartenance politique ne justifie aucunement qu’on remette en cause leur représentativité. En effet, l’un des critères de tout système démocratique est la pluralité politique. Mais que voit- on ? Une remise en cause, par décret présidentiel ou par arrêté du ministre de l’administration du territoire, de leur mandat comme s’ils étaient   des fonctionnaires de l’Etat.

Tous  ceux qui soutiennent qu’une démocratie est en train de naître en Guinée devraient avant tout penser au jugement de l’histoire et à la définition de la démocratie elle- même. Malheureusement, cette notion est réduite dans notre pays à un simple slogan comme le fût le terme révolution en son temps.

La démocratie est un mode d’existence collective, où les mêmes avantages sont accordés à tous quelle que soit leur opinion politique, la couleur  de leur peau ou leur confession. Ce système moderne de gérer la cité est purement et simplement déprécier en Guinée.
Dans notre pays, la démocratie n’est, hélas qu’un alibi qui permet au pouvoir de tout faire. Tels que : ramener aux postes administratifs, ministériels, politiques, civils et militaires des personnes qui sont directement liées aux errements du passé. Un passé politique et historique marqué par la dictature, l’ethnocentrisme, les massacres de citoyens, la marginalisation de la jeunesse, le pillage de biens publics et privés,  le vol, le viol etc.

L’opposition, les organisations syndicales, la société civile doivent exiger le rétablissement des élus communaux qui ont été illégalement destitués. Au cas contraire, elles doivent user de leur prérogative d’arbitre pour le respect de la constitution.

5 La destitution et la poursuite devant les tribunaux du médiateur de la république

Il est très surprenant de constater que le Général Facinet Touré qui a publiquement renier à des citoyens le droit d’exercer le pouvoir en raison de leur appartenance ethnique ne soit pas inquiété. Sachant qu’il ne faut rien attendre du pouvoir dont le vieux général est le porte- voix, il appartenait à l’opposition, aux organisations des droits de l’homme et à tout autre institution de porter plainte contre Facinet Touré. Mais, qu’observe- t- on ?

Un seul citoyen a porté plainte pour les propos ethnocentriques du Général qui se réclamait Soussou et morianais (de la région de Forécariah) sous Lansana Conté et Malinké sous Alpha Condé. Il est vrai que le Général Conté ne lui avait pas permis d’exterminer les Malinkés, comme il le souhaitait en juillet 1985, au point d’en importer du Mali voisin.  Décidément plus acrobate que ce général, tu meurs !

Plus sérieusement, les seuls partis politiques qui ont pris position face aux propos ethnocentriques de Facinet se sont contentés de déclarations et de condamnations verbales. Pourtant, il est connu que ce genre de discours n’ébranle aucunement les révisionnistes, les racistes, les ethnocentriques ou les dictatures.
L’opposition démocratique doit récuser Facinet Touré come Médiateur et le poursuivre devant les tribunaux nationaux. Voire, internationaux pour propos discriminatoires

6 Enfin, de la tenue des  législatives

L’opposition doit avoir une ligne de conduite claire et collective. On entend par- ci, par- là : « il faut bouder les élections ; poser des conditions en acceptant ceci et non cela, appeler ses militants à ne pas se recenser etc. »
Si l’opposition guinéenne tombait dans de telles solutions, s’en est finie d’elle. Elle aura tout simplement légitimé Alpha Condé qui a été désigné vainqueur dans les conditions qu’on connaît.

L’opposition guinéenne doit être ferme et unie face au pouvoir en place. Elle doit dire qu’il n’y aura pas d’élections législatives en Guinée si Alpha Condé et le gouvernement s’entêtaient à vouloir reprendre le recensement. Elle doit faire savoir qu’il n’y aura pas de recensement car elle utilisera tous les moyens pour l’empêcher.
Il ne s’agit pas de dire que nos militants et sympathisants ne se recenseront pas. Il n’est pas question non plus de dire que « nous n’irons pas aux élections ». C’est tout ce que cherche le pouvoir.

Il s’agit tout simplement de faire savoir au gouvernement que rien ne se fera en matière d’élections sans la définition en commun de critères justes et équitables. Lesquels  seraient acceptés par l’ensemble des partis d’opposition.

Il est ridicule de dire que 110 partis politiques, comme le prétend le gouvernement, ont accepté l’idée du recensement. On sait que ces soi- disant partis ne totalisent pas 5% de l’électorat guinéen. Ce chiffre ne reflète rien du tout dans un pays où un parti politique peut être composé d’un homme et de sa maîtresse ou  d’un mari et de sa femme. Bien sûr, sans les enfants. Et pour cause ? Beaucoup de chefs de partis fictif ou familial, baptisé parti politique et qui virevoltent autour du pouvoir sont célibataires. Il est vrai qu’ils ne sont pas les premiers.

L’opposition devrait ne pas perdre de tels faits afin de mettre le gouvernement face à ses contradictions.

Ces différentes propositions et hypothèses d’actions pour une opposition responsable et une Guinée démocratique n’ont aucune valeur si les différents leaders des partis politiques ne définissent une stratégie commune. S’ils s’enfermaient dans leurs erreurs d’antan qui ne les rendaient forts que dans leur division. S’ils ne mettaient de côté leur ego pour voir l’intérêt supérieur de la nation, ils pourront dire « adieu la démocratie ». Adieu leur propre crédibilité et leur avenir politique.

L’opposition guinéenne doit être l’acteur qui crée l’événement et qui force le pouvoir à le prendre en considération. Mieux, à avoir peur d’elle. Le pouvoir guinéen, contrairement à ce que pensent certains, connaît ses faiblesses. Certes, il n’en est pas conscient.  Mais, nul n’ignore les limites d’un système dont la majeure partie des responsables n’osent se présenter devant les citoyens pour tenir un discours et faire valoir leur représentativité. Ces  personnes, c’est bien connu,  qui sont dans l’arène du pouvoir resteront dans l’anonymat jusqu’au jour de leur débarquement. Par celui qui les a nommés ou par le peuple.

En attendant l’une ou l’autre hypothèse, le devenir démocratique de la Guinée est entre les mains des leaders politiques, des représentants syndicaux, de la société civile et de toutes les organisations et institutions qui se soucient de l’avenir de notre peuple. Du destin commun et de l’unité nationale.

Les uns et les autres doivent se dire : « Je refuse une nouvelle dictature. Je refuse que mon pays meurt et que mon peuple souffre plus » !

Lamarana petty Diallo

lamaranapetty@yahoo.fr