À 83 ans, le président Alpha Condé, prépare très mal sa succession.
Ce qui nous amène à nous poser la question, si oui ou non, un putsch militaire serait possible et envisageable, en cas de constatation d’une vacance de pouvoir.
D’abord, que prévoit la constitution dans ce cas?
Celle-ci prévoit clairement, que l’intérim du poste de président de la république, devrait être assuré, par le président de l’assemblée nationale, qui n’est autre, que Mr. Kory Kondiano, actuellement, bien que son mandat de 5 ans, ait expiré. Celui-ci devrait organiser des élections dans les 90 jours, selon la même constitution.
La Guinée est réputée pour la violation constante, de sa propre constitution et lois, depuis l’indépendance, surtout quand la question de succession se pose.
Quand son premier président, Ahmed Sékou Touré, est mort en Mars, 1984, le premier ministre, Lansana Béavogui qui était mieux placé, pour présider à la succession, avait été écarté, par le clan de Ismail Touré, sous prétexte qu’il était ´Forestier’, -terme utilisé par Ismaël Touré.
La constitution du PDG n’accordait ce privilège ni au président de l’assemblée nationale, ni au président, mais l’intérim revenait au bureau politique national du Parti, alors composé de 15 membres.
Une semaine après la mort du premier président et tout juste après les funérailles nationales, l’armée constate qu’il y’avait guerre de succession, entre les clans du PDG, et s’empare du pouvoir.
La joie et la liesse populaires s’en suivent, partout dans le pays. Le peuple est libéré, après 26 ans d’un régime sanguinaire; le coup est très bien accueilli et les hommes en uniforme, considérés comme des héros. L’armée était soudée et l’ethnie n’était pas une référence.
Quelques heures après le coup, le camp Boiro est ouvert, pour sortir ce qui restait de vivants, parmi des milliers et des milliers de détenus.
En décembre, 2009, Lansana Conté qui a succédé à Sékou Touré, meurt à son tour, après 24 ans, au pouvoir. Le même scénario se produit, à une grande différence près.
Une junte militaire s’empare du pouvoir, ignore le dauphin constitutionnel du PUP, Aboubacar Somparé. Cette fois, dans les rues de la capitale, il y’a moins de joie, plutôt de sérieuses inquiétudes, sur l’avenir du pays.
La junte est désavouée en moins d’un an, aussi bien, à l’intérieur qu’à l’extérieur, quand ses vraies intentions, étaient connues, et après le massacre de plus de 150 personnes et au viol de nombreuses femmes, au stade du 28 septembre.
C’était là la petite histoire.
Alors maintenant : un coup d’État militaire, est-il possible ou pas, après l’ère Alpha?
La réponse à ça, c’est oui et oui.
Il y aura bien sûr des velléités, des temptations à s’emparer du pouvoir, dès que les civils ne s’entendent pas et qu’il n’y a pas de volonté, à appliquer et respecter la constitution, pour ceux qui connaissent cette armée.
D’ailleurs, il y’a actuellement des éléments, au sein du parti présidentiel, et au ministère de la défense, qui se préparent, à cette éventualité, pour préserver le pouvoir, après l’actuel président.
Les recrutements dans l’armée qui ont actuellement lieu, vont dans ce sens. C’est la seule justification.
Sinon il y’a un manque criard de personnel, dans l’enseignement et dans les centres de santé, dans toutes les villes, à part la capitale.
Réussiront-ils ces stratèges, dans leur quête pour préserver le pouvoir ?
Apparemment Non, si l’on se réfère un peu à l’histoire, une fois encore.
Les régimes qui ont précédé Alpha Condé, avaient tous, sans exception, veillé à créer une armée parallèle, pour assurer leur pérennité : Sékou Touré avait la milice populaire, Lansana Conté avait sa garde prétorienne, de ’’bérets rouges’’, Dadis Camara, avait un camp d’entraînement, à Forécariah, pour former les hommes, qui lui étaient fidèles.
Mais aucune de ces forces militaires ou paramilitaires, n’a survécu à la chute de son fondateur. Donc, il ne faut pas trop craindre sur ce plan.
Ce qu’il faudrait surtout craindre auprès de cette armée, qui n’est plus soudée, c’est l’apparition de milices et de bandes incontrôlées, au sein des forces.
En cas de décès ou maladie grave du président, rien n’est à exclure, entre un coup, une tentative, un contrecoup, du désordre de mutins, loyalistes, des soulèvements populaires pour dire non à ces militaires.
Les coups d’État étant possibles, est-ce que les putschistes pourraient se maintenir?
C’est là toute la grande question.
L’ère des coup d’États, comme on les a connus, dans les années 60, 70, 80,90, est révolue à jamais, même en Afrique. Leur rythme a fortement diminué, même s’il en existe toujours.
L’Afrique ne vit plus, au moment où, l’on se réveillait, chaque matin, pour apprendre à la radio, qu’il y avait un coup par un sergent ici, ou par un capitaine par-là, au Liberia, au Burkina Faso, aux Comores, au Niger, en Sierra-Leone, en Guinée-Bissau, au Tchad, en Centrafrique, etc….
Les hommes en treillis comme, Sanogo au Mali, les putschistes-amateurs au Gabon, ou les militaires qui ont voulu survivre à Blaise Compaoré, les amateurs -putschistes au Gabon, réussissent difficilement de nos jours et ce n’est plus accepté, par la communauté internationale, même si cette même communauté continue à soutenir des dictateurs civils ou à accepter des élections truquées.
En Guinée, les événements du 28 Septembre, avec les meurtres et viols, ont sali à jamais, la réputation des forces de défense, qui continuent d’ailleurs, à être au service du pouvoir, tout en réprimant les civils et l’opposition.
Entre l’armée et la population, ce n’est pas le parfait amour.
Cette armée a des comptes à régler, au niveau de la Cour Pénale Internationale, qui n’a toujours pu organiser, un procès, à cause du manque de volonté de la justice guinéenne, entièrement contrôlée, par le président Alpha Condé.
L’armée budgétivore, inefficace, corrompue, n’a pas la confiance de son peuple.
Si une vacance de pouvoir était donc constatée demain, elle ne bénéficierait pas de la confiance de sa population, comme c’était le cas à l’avènement du colonel Conté, en 1984.
Aujourd’hui, l’armée guinéenne est à l’image, de la population: c’est-à-dire, fortement divisée, en ethnies, en sous-officiers et vieux officiers, en ceux qui peuvent bénéficier des tonnes de riz, de carburant, pour en revendre, et en ceux qui n’y possèdent pas, etc.,
Si de par le passé, un coup d’État consistait, à prendre la seule radio du pays, au petit matin, en lisant un communiqué, au nom d’un certain conseil ou comité, avec des chars, autour du palais présidentiel, tel n’est plus le cas aujourd’hui, où les choses semblent plus compliquées.
Les époques ont changé et il ne faudrait jamais perdre de vue cela, pour ce qui est à venir.
Au moment où des jeunes marginalisés, suivent de près sur les réseaux sociaux, les événements en Algérie et au Soudan, où ces régimes sont rejetés et avec eux, tout ce qui symbolise, l’ancien régime, ceux qui rêvent en Guinée d’être les futurs Samuel Doe ou Sanogo, devraient repenser à leurs stratégies.
S’emparer du pouvoir au nom de la restauration de la stabilité, y rester 1 ou 2 ans, en attendant d’organiser des élections, ne sera pas un argument valable pour un putsch réussi.
Alpha Condé, est le seul dans l’état actuel, à pouvoir éviter la catastrophe à son pays, et à y mener une transition réussie.
Pour cela, il doit abandonner son projet de 3ème mandat, et commencer, à faire fonctionner, des institutions transparentes, en organisant dès maintenant des élections transparentes et acceptées de tout le monde. C’est la seule et unique voie de sauver la Guinée dans un avenir très proche.
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Analyse de Mouctar Baldé