Dans cet entretien accordé à notre rédaction, Mohamed Mousliou Haidara parle des dossiers judiciaires concernant des personnalités Guinéennes à savoir les affaires Bolloré et SOGUIPA. Selon ce membre de l’UFDG, la justice guinéenne doit se saisir de ces dossiers. Pour lui, l’installation d’une partie des conseillers communaux serait un précédent dangereux.
Quelle lecture faites-vous de la mise en examen de Vincent Bolloré ?
Oui il est déjà mis en examen. La justice est en train de faire des recherches pour lui. Il est déjà inculpé, mais comme inculpé ne veut pas dire coupable, ça veut dire aujourd’hui il est entre les mains de la justice qui à tout moment peut avoir besoin de lui et l’appeler. Et éventuellement cela peut aboutir à la fin de l’instruction, à un procès. S’il y a une preuve concordant indiquant qu’il y a eu des actes délictueux quel que soit parmi les chefs d’accusations, on peut s’attendre à une condamnation de Vincent Bolloré.
Et s’il y a condamnation les conséquences pour la Guinée, premièrement ça va montrer aux Guinéens que le président Alpha Condé a mis en hypothèque les intérêts de la population guinéenne. Il a cédé une partie du patrimoine guinéen pour se hisser au pouvoir, pour prendre des financements de manière occulte pour arriver au pouvoir. C’est un acte de trahison, Alpha Condé pourrait être poursuivi en Guinée pour haute trahison. Donc ça pourrait amener à sa destitution. Deuxième conséquence, pour Bolloré son contrat pourrait être à tout moment dénoncé et ensuite la Guinée pourrait demander des dommages et intérêts énormes. Voilà les deux intérêts immédiats auxquels la Guinée peut s’attendre. Mais il y a un autre intérêt plus important sur le plan politique, ce que ça va moraliser le comportement des Hommes politiques. Prochainement, soit les corrupteurs ou les corrompus feront attention dans leur deal au détriment de l’Etat, parce que tôt ou tard, ça pourrait exploser comme le cas aujourd’hui de Bolloré.
Le gouvernement est sur la défensive. Selon lui tout s’est passé dans les règles de l’art. Qu’en savez-vous de l’attribution du port à Bolloré ?
Je m’inscris en faux contre cette déclaration. D’abord, il y a des violations de bout en bout sur le processus du port autonome de Conakry. A commencer par l’éviction de Necotrans.
Pour le cas du port de Conakry, c’était d’abord un appel d’offres ouvert. Dans ce cas quand le premier acquéreur du marché est défaillant, vous reprenez concrètement. Et quand le marché est attribué il y a un délai pour démarrer. Si dans ce délai le marché n’est pas démarré, l’Etat peut retirer avec le premier et mettre le deuxième. Mais s’il y a un début d’exécution pour une raison quel conque l’Etat arrive à arrêter le marché voir rompre le contrat. Il reprend l’appel d’offres, il ne peut pas remettre directement le deuxième. Pour le cas spécifique de Necotrans et Bolloré puisque c’était un appel d’offres ouvert et il y avait un début d’exécution du contrat, dès lors, si le gouvernement arrivait pour une raison quel conque à rompre le contrat au lieu de faire passer un deuxième contrat il fallait reprendre l’appel d’offres. Donc là, il y a une première violation.
L’Etat a décidé même s’il y a début d’exécution qu’il ne peut plus travailler avec ce prestataire, ce sont droit mais la première chose qu’il devrait faire parce que le contrat indique la manière par laquelle le contrat devait être rompu, il y avait une procédure de résiliation. Donc, il fallait faire une mise en demeure en demandant au prestataire d’exécuter ce qui n’est pas exécuter à sorti d’un délai et maintenant si dans ce délai il ne le fait pas, vous passer maintenant à la résiliation, mais ça n’a pas été le cas. Il vous souviendra que c’est par décret présidentiel que le contrat a été résilié ce qui est complètement illégal, donc c’est deuxième violation.
Troisième violation, des sources proches du dossier disent que dans la première attribution, Bolloré n’était pas deuxième, elle était à la 4ème position. Donc, s’il fallait passer automatiquement au deuxième, ce n’était pas Bolloré qui devait avoir le marché.
Donc c’est toutes ces coïncidences bizarres, d’ailleurs, qui font qu’aujourd’hui la justice française s’est intéressée du dossier. Parce qu’une filiale de Bolloré qui fait des prestations de service en matière politique et de communication avait fait la communication du candidat Alpha Condé à l’époque. On estime que pour ces genres de travail le RPG dont le candidat Alpha Condé devait être facturé à 800 milles euros, alors que les factures trouver par la police lors des élections s’élevaient à 100 milles euros. Alors pourquoi ce décalage des prix.
Donc il y a un ensemble d’indices, de coïncidences bizarre qui font que la justice estime qu’il y a des suspicions légitimes de regarder autour de ce dossier parce qu’il y a de forte présomption de corruption. Donc sur le plan juridique c’est clair qu’il y a des violations. Et pour la résiliation des contrats de Necotrans et l’attribution des marchés à Bolloré, donc le gouvernement n’a aucun argument pour dire que l’attribution du port à respecter la légalité. Je suis prêt à débattre avec n’importe quel juriste du gouvernement sur ces points en démontrant qu’il y a une illégalité. Je pense que le gouvernement est dans une mauvaise posture. C’est un signe de désemparèrent. Je pense que ce ne sont pas des arguments qui peuvent passer.
Est-ce qu’à ce stade la justice guinéenne ne devait pas coopérer avec celle française ?
Normalement à ce niveau la justice guinéenne peut faire deux choses. Elle peut se saisir du dossier pour savoir au niveau de la Guinée parce que le code pénal et la loi contre la corruption et l’enrichissement illicite ont tous prévu des dispositions de répression pour ces genres de comportement des agents publiques. Donc, la justice guinéenne doit forcément se saisir du dossier pour ouvrir une enquête au niveau de la Guinée pour savoir quels sont les Guinéens qui ont participés éventuellement à ce cas parce qu’il y a des suspicions légitimes, des coïncidences troublantes sur lesquelles on peut se baser pour estimer ou présumer ou même conclure qu’il y a eu des cas de corruption manifestes dans ce dossier. Donc j’en appelle à la justice de se saisir de ce dossier parce que ça concerne les intérêts de la Guinée. D’ailleurs en matière de corruption même si ce n’est pas des Guinéens dès lors que l’acte de corruption a eu lieu en Guinée ou intéresse un sujet de droit guinéen, la justice guinéenne peut s’en saisir. Donc c’est une occasion pour elle de prouver une fois encore qu’elle existe et qu’elle n’est pas aux ordres d’un exécutif.
En dehors de cette affaire, il y a une ministre Guinéenne qui est aussi concerné par une affaire de corruption. Quelle lecture faites-vous de cet autre dossier ?
J’avoue que l’une des marques de fabrique du gouvernement d’Alpha Condé aussi, c’est cette histoire de corruption de nos cadres à l’interne et à l’externe. Ce n’est pas le premier dossier et c’est sûr que ça ne sera pas le dernier. Il vous souviendra le dossier Palardino où même les ministres dont Kerfala Yansané était soupçonné d’être complice. Il y a aussi le fils du président qui serait impliqué dans des dossiers miniers, il y a eu même des enquêtes du FBI autour de ça. Ensuite ce dernier cas de Bolloré est illustratif. Voilà maintenant au même moment par coïncidence ou par hasard de calendrier une ministre qui gérait une société nationale à savoir la SOGUIPA qui est inculpé aussi pour des faits de corruption ou peau de vin à l’extérieure notamment en Belgique. Donc, je crois que c’est scandaleux que les autres dossiers. Et pire là encore, il n’y a même pas de soupçon elle fait partie des personnes qui sont nommément cité à comparaitre devant le tribunal belge, bien qu’elle n’a pas comparu parce que n’étant pas sur place, mais il risque d’y avoir un mandat d’arrêt contre elle. Parce que j’ai vu ses arguments pour dire que les comptes qui étaient ouverts et l’argent y a été viré parce que la société n’avait pas de compte. Mais rien n’interdit une société publique guinéenne d’avoir un compte à l’étranger surtout s’il travaille avec. C’est un argument qui ne tient pas. Il y a eu volonté de détourner l’argent. Parce qu’on ne peut jamais utiliser le compte d’une personne physique fusse-t-elle gérant de l’entreprise publique pour faire la transaction au compte de la société, c’est du jamais vu, même une banque sérieuse ne va accepter une telle transaction. Donc pour moi, elle a reçu l’argent pour son propre compte certainement, et pour certains membres du gouvernement ou ses supérieurs. Mais ce sont des détournements, c’est de la corruption, elle doit être poursuivi en Guinée et à l’étranger parce qu’il y a des preuves manifestes. Et malheureusement à ce niveau aussi, on parle de Bolloré. Il est dans tout ce qui est louche en Guinée. C’est pourquoi j’estime que justice doit être faite.
Sur le plan politique, l’opposition menace de reprendre ses manifestations de rue. D’après elle, rien n’avance au niveau du comité de suivi. Qu’en est-il ?
J’entends tout le monde dire l’opposition doit respecter la loi, mais dans ces élections, il y a tout eu sauf la loi. Les gens qui ont prêté serment de respecter la loi c’est sont les magistrats. Mais dès lors que ces magistrats se sont permit de commettre des actes, dès lors que la CENI à travers ses démembrements ce sont permis de commettre des actes qui ne sont pas prévus par une loi, à savoir l’élimination de certains bureaux de vote et de certains procès-verbaux des résultats de vote, on quitte le terrain du droit et de la loi. En ce moment, l’opposition ne va plus se mettre à parler du respect de la loi, l’opposition parlera du respect des droits de vote que les citoyens ont exprimés librement et de restituer ces voix-là à tous ceux qui ont droit. L’opposition a brandit toutes les preuves. Elle a estimé que cette fois-ci, elle ne peut pas fermer les yeux sur ça et qu’elle demande à ce qu’elle soit rétablie.
Si on revenait sur ces résultats qui sont déjà publiés par la CENI, est ce que cela aussi ne va pas soulever une autre crise ?
Ça ne créera pas parce qu’on est déjà dans la crise qui est créé par cette CENI et les magistrats. Nous avons indiqué pour sortir de cette crise, restituer ce que vous avez illégalement éliminé et reprenez le compte. Celui qui gagne même si ce n’est pas les membres de l’opposition, nous sommes prêts à les alignés. On ne peut pas continuer à chaque fois, à ce que les populations votent et qu’on programme des résultats voulu par la CENI. L’opposition n’en ait rien responsable de la crise.
Mais la mouvance présidentielle souhaite qu’on installe les conseils communaux des circonscriptions électorales qui ne sont pas sous contentieux. L’opposition rejette cette proposition. Est-ce qu’on peut savoir pourquoi ?
C’est ce genre d’acte qui va créer de précèdent très dangereux. Parce que le mandat des exécutifs communaux commence à courir le jour de l’installation. A supposer qu’on installe dans certaines communes et que dans 45 autres communes on les installe 6 mois après, ça veut dire qu’on aura deux élections communales différentes dans un même pays. Ce n’est pas possible et c’est anormal. Tous les exécutifs communaux doivent être installés aux mêmes moments et les élections doivent avoir lieu au même moment. La deuxième conséquence négative, ce que les exécutifs communaux doivent voter pour élire les conseils régionaux. Mais si par exemple une préfecture qui est dans la région de Boké, a un exécutif déjà installé et l’autre il n’y en a pas, comment on va élire l’exécutif régional. Donc dans cette région il y aura des handicapes, ce qui fait que les conséquences sont plus grandes. On ne veut pas aller de crise en crise, c’est pourquoi l’opposition a rejeté cette proposition.
Alpha Condé annonce un remaniement. Pour remettre le pays sur les rails, est ce qu’il ne devrait pas ouvrir ce nouveau gouvernement à l’opposition mais aussi à certains cadres réputés pour leurs compétences ?
J’ai une idée complètement différente à la plupart des gens. On doit convenir une chose si la Guinée doit rentrer dans un gouvernement d’union nationale. En ce moment le gouvernement ne va plus venir pour exécuter un programme du RPG. On doit convenir en amont, l’opposition doit venir avec un programme de gouvernance, on fixe des feuilles de route claire dans ce cas que le président prenne un engagement ferme qu’il ne va pas se mêler dans ça. Dans ce cas, j’estime que l’opposition pourra apprécier le bien-fondé ou non.
Mais mon avis à cette phase, ce n’est plus important d’assister à un gouvernement d’union nationale parce qu’on a déjà un passif très lourd, s’associé pour les deux ans qui reste à un gouvernement c’est de nous exposer nous-même de l’opposition à partager les responsabilités liées à l’échec économique, de développement de la gouvernance Alpha. Ce qui fait que ce n’est pas nécessaire d’aller à un gouvernement d’union nationale. Je ne crois pas trop à ça parce que j’estime que le problème qu’on a c’est d’abord un problème de vision du leader qui est le chef de l’Etat. J’estime qu’Alpha Condé à un gros handicape qu’il traine, toute sa vie il n’a travaillé ni dans le privé, ni dans le publique, ce qui fait de lui un amateur de gestion et de développement. Deuxième chose, il s’est entouré des personnes qu’on a connues les plus mauvais de ce pays pour penser que ceux-ci vont l’aider à sortir de cette situation. Depuis 5 ans, il est avec les mêmes personnes, on tourne à rond, rien a changé. Les gens comme Kassory travaille avec lui depuis 2013, que est ce que ces gens ont pu apporter rien parce qu’ils sont entrain de lui miroiter des projets gigantesques utopique, s’agiter organiser des forums, voyager avec des budgets énormes parce que ceux-là, sont habitués à ça. Alpha Condé devait s’atteler à une bonne gestion administrative. Voilà un élément qui lui aurait pu lui permettre de décoller et après ses autres projets gigantesques allaient venir.
Me Cheick Sakho promet l’ouverture du procès du 28 septembre cette année. Croyez-vous à cela ?
Je suis très peiné des sorties de Cheick Sakho. Parce que voilà quelqu’un qui a été présenté comme étant l’un des plus grands avocats Africain en France, mais ce qui est faux. Me Cheik Sakho n’était qu’un avocat spécialisé en droit de famille, il gérait des problèmes de divorces, de succession parfois aider les sans-papiers pour régulariser leur situation. Nulle part il a figuré parmi les grands avocats Africains par exemple les avocats d’affaires comme on nous l’a fait croire. Aussi ce n’est pas parce que vous êtes un bon avocat, vous êtes un bon ministre de la Justice. Ses sorties intempestives montrent combien de fois qu’aujourd’hui la justice est caporalisée.
Il vous souviendra qu’il a avait dit que le procès aura lieu avant octobre 2017 nous sommes déjà en mai 2018, bientôt un an on a rien. Celui qui a menti une fois, mentira forcement une deuxième fois et une troisième fois. Donc moi je ne crois pas au sorti et promesse de Me Cheik Sakho. Je suis complètement sceptique sur la tenue de ce procès en Guinée. C’est pourquoi j’invite d’ailleurs l’AVIPA et la FIDH à se battre auprès de la CPI pour que ce dossier soit transféré au niveau de la CPI. Il y a un manque de volonté de la part du gouvernement pour qu’il y ait ce procès en Guinée.
Entretien réalisé par Sadjo Diallo pour guineebox.com