Moins de six mois après l’arrivée au pouvoir d’un président élu, on assiste à une dangereuse montée des tensions communautaires dans notre pays. Pendant toute la campagne électorale, surtout au deuxième tour, l’argumentaire ethnique a largement été utilisé, au mépris de la Constitution guinéenne qui condamne pourtant fermement les discriminations basées sur la race, l’ethnie, le sexe, la religion ou l’opinion…
Des populations crédules ont été manipulées et utilisées à Siguiri, Kouroussa et ailleurs, pour commettre des crimes et des exactions à des fins politiciennes. Aucune enquête n’a été engagée ni au moment des faits, ni après, pour situer les responsabilités, punir les coupables et rendre justice aux victimes. Récemment, c’est à Galkpaye, en Guinée forestière que des tueries à caractère ethnique ont éclaté entre des populations qui vivaient jusque là en paix, faisant des dizaines de morts, des blessés, des mutilés et des violés. Là aussi, aucune action sérieuse n’a été entreprise par le pouvoir pour identifier et juger les responsables. Dans la vie quotidienne en Guinée, de simples citoyens, originaires de régions différentes, qui jusque là vivaient paisiblement ensemble, se regardent désormais en chiens de faïence, prêts à en découdre à la moindre parole ou geste mal interprété. Des ménages se sont disloqués pour les mêmes causes. Des locataires sont chassés de leur maison pour incompatibilité « ethnique ». Une purification ethnique qui ne dit pas son nom est en cours dans maints quartiers de la capitale et même dans certaines préfectures. Des disputes terriennes basées sur l’appartenance communautaire ont éclaté un peu partout en Moyenne Guinée, tournant parfois à l’affrontement sanglant. Dans l’administration, on assiste à des limogeages en masse ou des mutations arbitraires n’ayant aucune cause apparente autre que le règlement de compte ethnique.
Plus grave, récemment, un personnage portant le titre de « Médiateur de la République », le Général Facine Toure, s’est permis de faire des déclarations d’une extrême gravité, même pour un simple citoyen. Usant de l’amalgame propre aux fascistes, il a déclaré publiquement que les Fulbes, tous pris en bloc pour des richards et des nantis, devaient être exclus du pouvoir politique, réservé selon lui, aux autres ethnies! Voilà donc un soit-disant médiateur qui ose déclarer l’exclusion de près de la moitié de la population de la scène politique. S’autoproclamant Messie ou Roi de la Basse-côte, le Général Facine Toure veut en 2011, ramener la Guinée à l’âge de la féodalité, abolie depuis 1957, grâce à la lutte du peuple de Guinée, conduit à l’époque par le PDG. A quel moment de l’histoire y-a–t-il eu un «chef coutumier» de toute la Basse Guinée? Il prétend défendre les intérêts des populations misérables de la Basse Guinée, mais omet de dire qu’il partage l’entière responsabilité des malheurs qu’endure aujourd’hui la population de la Basse Guinée, au même titre que l’écrasante majorité du peuple de Guinée. Comme tous les politiciens de son espèce incapables de présenter des projets sérieux pour la Guinée, il se sert de l’appartenance ethnique pour parvenir à ses fins. Depuis fort longtemps, ce putschiste de 1984 poursuit sa croisade, afin de se hisser au sommet de l’Etat guinéen. Il est prêt pour cela à utiliser tous les moyens, même les plus machiavéliques. Il a un palmarès éloquent qui aurait pu mettre la puce à l’oreille de ceux qui l’ont utilisé imprudemment comme « Faiseur de rois », pour reprendre les termes par lesquels il aime s’appeler. Les parents des victimes des événements de juillet 1985 (dit « Complot Diarra Traore »), l’accusent d’avoir dirigé les massacres d’officiers originaires de la Haute Guinée. Listes en main, ces compatriotes devaient être exterminés jusqu’au dernier, pour permettre à certains de se frayer un chemin vers le pouvoir. Tous ces crimes odieux ne l’empêchent pas de se réclamer Maninka, quand ça l’arrange. Après avoir été le maître d’œuvre de la campagne de division des nationalités au deuxième tour de l’élection présidentielle et n’ayant été arrêté par personne dans sa sale besogne, il a tranquillement continué à déverser son venin.
Nous réaffirmons solennellement que M.Facine Toure est totalement disqualifié pour occuper le poste de Médiateur. Ce personnage est dangereux pour la survie de la Guinée en tant qu’Etat unitaire, où toutes les communautés doivent vivre dans la paix, la fraternité et la solidarité. Tous les Guinéens sont égaux, en droits et en devoirs. Il ne saurait exister des citoyens « élus » et des citoyens de « seconde zone ». Les gesticulations de M.Facine Toure qui aime évoquer les origines communautaires de sa mère ne sont pas sans rappeler ces génocidaires rwandais de mère Tutsi, mais qui, en 1994 s’acharnaient particulièrement sur la communauté de leur mère ou encore ces Allemands, dont la mère était Juive, mais qui se sont montrés les plus sadiques des bourreaux dans l’extermination des Juifs, dans les camps de concentration nazis.
Dans l’intérêt de la paix civile et de l’avenir du pays, nous exigeons donc son renvoi immédiat du poste de Médiateur de la République, car il n’est en réalité que le Pyromane de la République. De plus, il doit être traduit en justice pour incitation à la haine ethnique et pour trouble à l’ordre public, conformément aux dispositions de l’article 4 de la Constitution. Si les tribunaux guinéens ne peuvent pas le juger, la Cour Pénale Internationale a des motifs suffisants pour l’inculper.
Si rien n’est fait pour sortir la Guinée de cette spirale d’affrontements ethniques, le pire est à craindre. Il appartient au Président de la République vers lequel tous les regards sont tournés, de prendre ses responsabilités. Il doit prendre des initiatives hardies allant dans le sens de la vérité, de la justice et de la réconciliation. Avant la convocation d’assises plus larges sur les crimes commis depuis 1958, des enquêtes sérieuses doivent être menées sur les événements douloureux qui ont jalonné le deuxième tour de l’élection présidentielle de 2010. Toutes les responsabilités doivent être situées afin que la sérénité revienne dans notre pays et qu’il soit mis fin à l’instrumentalisation de l’appartenance communautaire à des fins politiques. Si l’Etat, garant de l’intérêt général ne le fait pas, les citoyens qui en sont les victimes n’auront pas d’autres choix que de défendre leurs droits par tous les moyens à leur disposition par la loi.
Fait à Conakry, le 31 mai 2011
Pour le Bureau Exécutif National
Le Président,
Mamadou BAH Baadiko