Monsieur le Président du Conseil Exécutif de l’Observatoire Panafricain de la Démocratie…
Mesdames et messieurs, membres de l’Observatoire Panafricain de la Démocratie,
Mesdames et messieurs et chers invités
Je suis profondément heureux de recevoir le prix du Droit et de la Démocratie qui m’inscrit dans une liste prestigieuse de lauréats. Je remercie le Conseil Exécutif de l’Observatoire Panafricain de la Démocratie dont le choix honore d’un poids politique et moral considérable ma modeste personne. J’exprime également ma reconnaissance pour les paroles profondes et affectueuses qui ont été prononcées à mon endroit. A la réflexion, l’honneur qui m’est fait dépasse ma personne. Je n’en suis que le porteur : pour le peuple de Guinée, pour tous les africains, pour tous ceux qui luttent dans le monde pour la promotion et l’enracinement de cette belle valeur universelle qui est la démocratie.
L’observatoire Panafricain de la Démocratie a voulu récompenser ce que j’appellerais, avec humilité, mon sens des responsabilités tant dans la posture que dans le discours, et ce tout au long de la campagne présidentielle qui s’est déroulée en 2010, dans mon pays. Cette appréciation qui m’honore contient cependant ce vieux questionnement de la politique : le combat politique, souvent présenté comme féroce, justifie t-il l’utilisation de tous les moyens pour atteindre l’objectif de pouvoir ? Si tel est le cas, quel avenir peut-on bâtir sur le terreau de la détresse matérielle des populations, la désintégration des relations sociales, la dissolution des structures transmises, la perte de tous repères moraux et spirituels ?
Pour moi, aucune ambition ne vaut l’homme : c’est cet humanisme qui fonde mon engagement politique. Mon combat n’ignore pas les pesanteurs de l’histoire, le caractère inévitable des conflits d’intérêts et de pouvoirs. Mais, fondamentalement, mon action politique est animée par l’affirmation des valeurs de liberté, de démocratie, de responsabilité, de solidarité, de tolérance. C’est au nom de ces valeurs mais aussi parce que, comme vous le savez, il n’y a pas d’Etat sans nation et que nos nations sont encore fragiles dans un contexte régional turbulent, que j’ai accepté les résultats proclamés alors que beaucoup de mes compatriotes, non sans raison, en contestent encore le bien fondé.
Cette acceptation qui a légitimé le président proclamé, a été saluée comme facteur mettant en mouvement la démocratie dans mon pays. Dans mon esprit, le processus ainsi engagé devait être poursuivi et renforcé. Par un discours rassembleur pour panser les profondes blessures d’une campagne électorale ethnicisée. Par le respect scrupuleux de la constitution qui renferme nos droits et nos libertés. Par l’application d’une justice indépendante, protectrice des citoyens.
Malheureusement, force est de reconnaître, sans doute avec vous, observateurs vigilants des avancées du droit et de la démocratie dans nos Etats, que le pouvoir actuel ne semble pas prendre la voie du changement annoncé. Au contraire, des menaces s’accumulent de nouveau sur la cohésion de la société guinéenne. Sinon, comment comprendre les violations répétées de la nouvelle constitution notamment dans ses dispositions sur les libertés publiques et les droits de l’homme qui constituent le socle d’un état de droit ? Comment accepter la répression sauvage à l’arme par les agents du Pouvoir de mes militants venus m’accueillir? Des dizaines de blessés par balles et un mort ! Des enfants et adolescents dont l’âge varie entre 8 et 15 ans arrêtés, emprisonnés et dont la relaxe est subordonnée au paiement d’une rançon ! Pourquoi cette stigmatisation d’une ethnie et cet ostracisme ? Oui, c’est un cri de souffrance et d’indignation mais aussi pour vous prendre à témoin : les guinéens, avec moi, seront débout pour défendre leurs droits et libertés et refuser tout Pouvoir autocratique.
Lutter pour les droits et les libertés, c’est aussi le sens que je donne au prix qui m’honore. Vous me permettrez de dire avec le philosophe français ALAIN que je cite : « la démocratie n’est pas le règne du nombre, n’est pas le pouvoir donné à une majorité d’écraser une minorité. Elle doit permettre à l’inverse d’assurer l’égalité de tous au droit, de lutter contre les tyrannies, et elle repose sur des citoyens libres et pensants. Elle n’existe donc que grâce aux vertus des citoyens. ». En effet, le fondement du système démocratique c’est le droit, le droit qui s’applique à tous. Je crois profondément à la supériorité du droit comme protecteur des libertés et des solidarités pour éviter qu’une minorité, de quelque ordre que ce soit, se voie imposer, sans recours, les décisions d’une majorité.. C’est pourquoi je bénis ce beau couple Droit et Démocratie que porte mon prix et prie le Tout Puissant qu’il prospère dans tous nos pays.
C’est un plaisir supplémentaire que je ressens de recevoir cette récompense à Lomé, capitale d’un pays qui m’est particulièrement cher pour y avoir plusieurs fois séjourné. Lomé la coquette, Lomé haut lieu d’exil des guinéens qui continuent d’évoquer avec nostalgie la vie qu’ils y menaient et l’hospitalité généreuse des togolais. D’ailleurs, beaucoup de mes compatriotes ont décidé de se fixer définitivement dans ce beau pays. Ce qui témoigne de l’esprit de fraternité de sa population. Je voudrais l’en remercier. Je saisis aussi cette excellente opportunité qui m’est offerte pour exprimer la profonde gratitude du peuple guinéen au Président Faure pour son implication dans la résolution de notre crise institutionnelle. Implication discrète mais constante et efficace. Ses conseils m’ont permis, à des moments critiques, de conserver la lucidité nécessaire pour sauvegarder la paix sociale dans mon pays.
Je voudrais conclure en rappelant que le droit et la démocratie sont une conquête sur la force et la violence. Pour autant que l’Etat respecte sa mission fondamentale : maintenir l’identité nationale et stimuler le vouloir vivre ensemble. L‘Etat est là pour servir la nation car il n’a pas d’existence sans celle-ci. L’exemple de la Côte d’Ivoire et les violences qui se sont installées depuis 2000 dans ce beau pays, alors réputé paisible, doit donner à réfléchir pour éviter toute politique de fragmentation de la nation.
En tout cas, en ce qui me concerne, votre prix éclairera mon action politique et je voudrais qu’il soit dit et écrit : DALEIN a reçu à juste titre le prix ; il en était digne même après l’avoir reçu.
Je vous remercie de votre attention.